Immobilier d’entreprise : les artisans s’invitent dans le débat métropolitain

Pression foncière, concurrence des fonctions urbaines, pénurie de locaux adaptés… Les artisans franciliens se heurtent à des difficultés croissantes pénalisant tant le développement de leur activité que leur pérennité. Ils demandent aux acteurs publics et privés de prendre en compte leurs besoins dans les projets d’aménagement. La métropole du Grand Paris compte saisir la balle au bond.

Face à l’accroissement des difficultés de ses adhérents pour trouver des locaux adaptés à leurs activités, la Chambre régionale des métiers et de l’artisanat d’Ile-de-France (CRMA IDF) a souhaité interpeler les acteurs clés de l’aménagement du territoire et du développement économique franciliens à l’occasion d’une table ronde qui s’est tenue fin mars 2016 à Paris.

voiture-2

Table ronde organisée par la Chambre régionale de métiers et de l’artisanat d’Ile-de-France en mars 2016. © CRMA

Outre le renchérissement du coût du foncier du fait de sa rareté, les artisans sont confrontés à un déficit de locaux en mesure de satisfaire les normes qui encadrent leurs activités et à un problème de concurrence avec les opérations actuelles qui privilégient l’habitat et les bureaux. Des jeunes entrepreneurs seraient même contraints d’utiliser leur logement pour lancer leur activité.

Logements et les bureaux offrent plus de rentabilité

Non seulement les programmes de logements et les bureaux offrent plus de rentabilité, mais ils ne se heurtent pas à la réticence des habitants. « Le logement vit mal la proximité avec ce genre d’activité et leur vente serait plus difficile », admet Olivier Morlet, directeur du développement et des études d’Icade qui reconnaît que « les promoteurs connaissent mal les besoins en immobilier des artisans ».

La tendance de plus en plus marquée des entreprises de Paris de se déplacer en première couronne contraint celles de cette dernière à migrer en deuxième couronne. « L’éloignement des entreprises de la clientèle des secteurs tendus se répercute inévitablement sur les prix des prestations », pointe de son côté Thierry Laureau, administrateur de la CRMA IDF et plombier-chauffagiste à Saint-Cyr-l’Ecole (Yvelines). Acteurs privés et publics s’accordent sur ces divers constats et la nécessité de repenser la production immobilière afin de prévoir des locaux adaptés à la fabrication.

L’action des élus locaux en question

voiture-4

Othman Nasrou, président de la commission développement économique à la région Ile de France. © CRMA

Déplorant que « la production d’immobilier d’entreprise soit trop orientée vers les bureaux », Othman Nasrou, président de la commission développement économique à la région Ile-de-France, pose la question de « savoir comment les élus locaux peuvent inciter des opérateurs privés à produire des locaux d’activités » ? Doivent-ils « faire preuve d’une politique volontariste en préemptant les pieds d’immeuble pour y installer de l’activité et du commerce ? », comme le suggère Etienne Lengereau, directeur du projet « Mission Grand Paris » au sein du groupe La Poste. Une piste accueillie favorablement par Patrick Ollier, président de la métropole du Grand Paris (MGP), qui « croit fermement au pouvoir des élus locaux » et assure que « les maires ont la possibilité d’utiliser et de mobiliser des outils telle que la préemption pour lutter contre l’appauvrissement des centres villes, sauver les commerces et préserver l’activité artisanale ».

lange

Etienne Lengereau, Directeur du projet « mission Grand Paris » pour le Groupe La Poste. © CRMA

Certains doutent toutefois de la capacité des élus à résoudre seuls les difficultés immobilières des artisans et surtout « ils ne doivent pas remplacer le secteur privé », estime Othman Nasrou. Il rappelle que « les petites entreprises rencontrent aussi de véritables obstacles pour se financer » et suggère plutôt de réorienter certaines aides publiques en faveur de l’immobilier artisanal dans les centres villes.

Quels soutiens financiers apporter ?

En effet, imposer des locaux d’activité dans les programmations et préempter les pieds d’immeubles pose la question cruciale de leurs coûts. « Qui payera le financement de la production de locaux d’activité moins rentable que le logement ? », interroge Olivier Morlet. La solution des baux emphytéotiques semble à Gilles Bouvelot, directeur de l’Etablissement public foncier d’Ile-de-France, une bonne piste, car « elle permet d’étaler le coût du foncier qui est un enjeu central du problème ».

Bouvelot

Gilles Bouvelot, DG de l’Epfif. © CRMA

Il suggère également de mettre en place un dispositif de garantie des loyers pour les artisans afin de rassurer les investisseurs qui craignent de ne pas encaisser leur loyer. Enfin, si la mixité des activités dans les programmes s’impose, elle nécessite d’anticiper les nuisances engendrées par les activités artisanales et leurs besoins. « Pour favoriser la planification de locaux d’activités dans les secteurs tendus, il faut réaliser des bilans avec les aménageurs en amont des projets », préconise Gilles Bouvelot. Etienne Lengereau propose de son côté d’installer des artisans dans les petits bureaux de poste de centre ville dont l’activité se rétracte.

Intégrer l’artisanat au concours « Inventer la métropole »

voiture-3

Patrick Ollier, président de la MGP. © CRMA

Dans ce contexte, la MGP se présente comme l’outil adapté. Bientôt compétente en matière de programmation et d’aménagement, elle pourrait même trouver dans le soutien au secteur artisanal un levier pour accroitre sa légitimité. « L’intérêt métropolitain sera aussi un atout majeur pour encourager la production d’immobilier d’activité artisanale », fait valoir Patrick Ollier. Outre le PLUI, il s’agirait d’intégrer au Scot les problématiques artisanales et d’inscrire ses objectifs dans la stratégie régionale de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (SRDEII) de la région Ile-de-France. Un fonds de 65 millions d’euros consacré à l’égalité des territoires pourrait aider à financer des projets dans ce sens. Enfin, l’artisanat pourrait faire partie des thèmes du prochain concours « Inventer la métropole ».

Sur le même sujet

Top