Et demain, on fait quoi ? Le Pavillon de l’Arsenal pose la question

Architectes, urbanistes, ingénieurs, designers, paysagistes, étudiants, professionnels de l’immobilier sont invités par le Pavillon de l’Arsenal à formuler leur contribution à la réflexion sur le monde d’après.

Articles, tribunes, dessins, projets… toutes les formes sont bonnes pour que les professionnels de la fabrique de la ville expriment leurs propositions quant au monde d’après sur le site du Pavillon de l’Arsenal. « Ces contributions, accessibles à tous en ligne dans un premier temps, donneront lieu à une présentation au Pavillon de l’Arsenal à la réouverture de la Halle », annonce le directeur des lieux Alexandre Labasse.

Alexandre Labasse. © Jgp

Les premiers contributeurs rappellent que les grandes crises sanitaires du passé ont permis de repenser en profondeur la conception des villes, établissent des parallèles entre cette crise sanitaire et l’urgence climatique, avant d’appeler, chacun à sa façon, à saisir l’opportunité du coronavirus pour accélérer et accroître l’ampleur des transformations en cours.

« Never waste a good crisis »

« Devons-nous redémarrer au plus vite nos activités pour rattraper le retard pris et limiter l’impact économique ?, interroge Nicolas Ledoux, ou devons-nous prendre le temps de tirer les leçons et d’identifier de nouvelles opportunités, comme le suggère Winston Churchill dans sa maxime « Never waste a good crisis » ? Le coup d’arrêt brutal qu’a engendré cette épidémie sur l’économie mondiale a permis de révéler le formidable potentiel de réversibilité de l’environnement, fait valoir le président d’Arcadis France. Alors que de nombreuses études montrent un lien direct entre apparition de nouveaux virus tels que le Covid-19 et perte de biodiversité, ce petit regain symbolique de l’environnement auquel nous assistons est la preuve que nous pouvons agir pour le climat et l’environnement, et reconstruire les barrières naturelles qui sont censées protéger l’espèce humaine », poursuit-il.

Pour Nicolas Ledoux, « bien que la ville dense ait une empreinte carbone moindre que la ville étalée qui artificialise plus de sols, l’hyperconcentration des populations et des usages qu’elle engendre atteint ses limites dans le cas d’une crise sanitaire. Quel équilibre est-il possible de trouver entre la logique de densification plus vertueuse d’un point de vue environnemental, et la logique de la distanciation physique, qui limite de fait la propagation de virus et de bactéries ? », interroge-t-il.

Densité sensible

« La crise actuelle ne sera pas une exception, considère Jacques Ferrier. La catastrophe environnementale annoncée a été prise de vitesse par le cataclysme sanitaire, mais c’est au fond un seul et même problème auquel notre société technique globalisée doit se confronter, ajoute l’architecte. S’il advient dans un futur proche un stress global dans le domaine de l’énergie, du climat ou de la disponibilité de l’eau potable, nul doute que les conséquences pour les grandes villes seront à peu près semblables à celles causées par la pandémie actuelle. Notre modèle de ville doit être repensé », estime-t-il, préconisant d’aller « vers une densité vécue : hybride, adaptable et partagée ». « La densité quantitative doit laisser place à la densité sensible », conclut-il.

Jacques Ferrier, avec Philippe Gazeau, dans la chapelle des Récollets. © Jgp

Architecture du stock

“Soudain nous découvrons que le monde est tissé d’une myriade de réseaux inéluctablement connectés, souligne l’atelier d’architecture et d’urbanisme Syvil. Ce sont les filières mondialisées du commerce maritime international containérisé en flux tendu dont on nous a rendu si dépendants. Être extraite ici pour être transformée là, dans cette usine, retraverser le monde entier en sens inverse, transiter par cet entrepôt pour atterrir finalement dans notre boîte aux lettres : tel était le destin de la matière jusqu’à ce que la chaîne se grippe », poursuivent les architectes-urbanistes.

A l’heure de cette crise majeure, Syvil évoque les pistes de l’architecture du stock et l’architecture de la production locale : « Ne pouvons-nous pas imaginer la reconversion immédiate de parkings désaffectés en espaces de stockage de proximité ? », interroge-t-il. 150 000 places de parkings inutilisées seraient ainsi reconverties pour devenir les greniers communs à chaque immeuble, à chaque quartier. « Une logistique décarbonée reprogrammée dans un objectif de proximité nouerait des partenariats équilibrés entre une ville et son arrière-pays agricole et fabricant », écrit Syvil. « Demain sera l’occasion de renforcer la production urbaine et locale, grâce à des usines capables comme on l’a vu d’adapter leur production, d’aménager de véritables micro-fabriques de quartier, municipales, multifonctions, multifilières, qui produiraient à la demande », estime-t-il également.

 « Changer la vie-lle »

Pour Claire Flurin, directrice R&D+innovation de Keys AM, et Catherine Sabbah
déléguée générale d’Idheal (l’Institut des hautes études pour l’action dans le logement), c’est le moment « de changer la vie-lle ». « La position confinée depuis déjà deux semaines change un peu la perspective des uns et des autres : ceux qui voyaient le logement comme un « actif », qui coûte et qui rapporte, en expérimentent, de près et tous les jours, les imperfections, les dysfonctionnements, les malfaçons ou au contraire les petits riens qui en font le confort », estiment-elles.

Catherine Sabbah. © Jgp

Avant de poser, et de répondre, à une série de questions : « Quelques jours ont suffi pour balayer certaines idées, en conforter d’autres : la cuisine est-elle vraiment encore utile quand tout le monde dîne dehors ou se fait livrer ? La réponse est oui. Avec une fenêtre, et des portes ? Encore oui. Faut-il que les logements disposent de surfaces supplémentaires où s’isoler le cas échéant ? Encore oui. Peut-on vivre confortablement dans des micro-appartements? Non… Peut-on vivre tout le temps à l’intérieur ? Non… Ces espaces qui augmentent la qualité de l’habitat doivent-ils être réservés à l’usage individuel et privé de chaque foyer ? Peut-être pas… »

Les deux expertes plaident pour une fabrique de la ville qui soit de la dentelle urbaine : « Produire… production ? Peut-être gagnerait-on beaucoup, aussi, à changer de vocabulaire. Pour cesser de voir, derrière ce mot des engins de terrassement et des grues qui transforment les champs en villes et font pousser des immeubles ou des lotissements. A imaginer plutôt un travail de dentelle urbaine, qui consiste à transformer, rénover, modifier le droit pour pousser les murs, se glisser là où il reste de la place pour en consommer moins… C’est plus long et plus difficile. Mais à long terme, plus profitable… pour tous », écrivent-elles.

Une version junior de ce forum est également disponible invitant tous les plus jeunes à imaginer à quoi pourrait ou devrait ressembler cette ville de demain ! Dessins, collages, texte court, un espace leur est réservé pour publier et partager leurs contributions.

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