E. Cesari : « La métropole ne doit pas se transformer en institution de guichet »

Eric Cesari milite pour une métropole stratège, concentrée sur l’attractivité économique, laissant les politiques de proximité au couple commune-territoire. S’il est favorable au développement par les territoires de leurs compétences techniques, il estime que l’urbanisme doit relever en priorité des maires.

Vous avez participé à l’élaboration du projet métropolitain au sein du syndicat Paris métropole. Quel est votre regard sur la métropole du Grand Paris, après ses trois premiers mois d’existence ?

J’ai rejoint le syndicat Paris métropole il y a trois ans, et je suis un des vice-présidents élus sous le mandat de Patrick Devedjian. J’ai participé avec lui à la maturation d’un projet dont on a débattu avec le gouvernement. Le syndicat était alors l’organe, désigné par la loi, comme ayant compétence pour copiloter la préfiguration. Je suis donc le sujet depuis le début et cela me passionne. D’autant plus que je suis élu de la ville de Courbevoie, un territoire qui est au cœur de la dimension métropolitaine. Lorsque l’on est élu de la région capitale, on ne peut pas se désintéresser du fait métropolitain, qui est d’ailleurs plus large que la métropole telle qu’instituée aujourd’hui.

Eric Cesari.

Eric Cesari, vice-président de la métropole du Grand Paris. © JGP

Il est certain que cette métropole ne satisfait actuellement pas grand monde. Elle a fait l’objet de multiples arbitrages, de multiples revirements en fonction d’intérêts politiques qui n’ont pas été toujours à la hauteur des enjeux. Je partage l’avis de nombre de mes collègues : je milite pour une métropole stratège, une métropole dont le rôle est de créer de l’attractivité sur son territoire, une métropole capable de peser dans le débat mondial pour faire exister la région capitale vis-à-vis des investisseurs internationaux. Attirer l’investissement, c’est favoriser la création d’entreprises, de richesse et donc d’emplois. C’est cela le véritable enjeu. Il faut donc concentrer la métropole sur ce rôle essentiel et laisser au couple territoire-commune la politique de proximité, celle qui s’adresse aux citoyens. La manière dont s’organise le territoire, la manière dont on fait jouer les solidarités : c’est cela, de mon point de vue, le rôle des territoires et des communes. C’est pour cela que les établissements publics territoriaux doivent continuer à exister… même si leur nature doit évoluer. Ce sont les raisons pour lesquelles nous pensons tous à l’échéance de 2017, afin de rebâtir la métropole.

Patrick Ollier semble partager votre vision d’une métropole stratège. Que faudrait-il donc réécrire ?

Patrick Ollier veut développer une métropole incitatrice, accompagnatrice, qui aide les territoires et les communes et qui se projette à l’international. Je ne veux pas parler en son nom mais je suis l’un de ses vice-présidents, je soutiens sans restriction sa démarche, et je pense que nous avons le même sentiment : cette métropole n’est pas découpée à la bonne taille, elle a des compétences partielles et restreintes au niveau de son périmètre. On lui impute, par exemple, une politique à venir sur le logement. Beaucoup de mes collègues y sont favorables, je ne le suis pas. La métropole n’est pas là pour régler ces problèmes, et sûrement pas celui du logement social de la capitale.

Vous ne souhaitez pas que la métropole élabore un schéma de coopération territoriale (Scot), par exemple ?

Nous ne pouvons pas nous désintéresser des documents normatifs, schéma directeur de la région Ile-de-France (Sdrif), plan local d’urbanisme (PLU), etc. Que la métropole comme la région créent des schémas de cohérence, je ne vois rien d’anormal à cela. Mais de là à ce qu’elle devienne une institution organisatrice, qui aménage, qui crée des politiques locales et qui est à l’initiative grâce aux subventions, c’est autre chose. Je m’oppose à ce que la métropole se transforme en institution de guichet, ce n’est pas son rôle.
Je pense qu’il faut réécrire la loi pour que la MGP devienne une métropole stratège, qu’elle s’occupe effectivement d’un certain nombre de documents qui permettent de créer de la cohérence, mais surtout qu’elle ait les moyens d’agir à l’international. Qu’elle ait dans son périmètre de réflexion les aéroports, les ports, les gares, cela me paraît une évidence.
Dans le même temps, je pense que la région a vocation à se densifier, à s’agrandir à des territoires qui méritent d’être intégrés dans une grande région de taille européenne, à l’échelle du Bassin parisien.

Vous n’êtes pas donc pas de ceux qui veulent une métropole régionale ?

Non, toutes les communes franciliennes ne sont pas concernées par le fait métropolitain ! A l’inverse, la Région doit s’élargir à de nouveaux territoires : quand l’Eure pense à son développement économique, elle regarde plus du côté de l’Ile-de-France que du Calvados. C’est typiquement un département où les trois quarts de l’attractivité sont tournés vers l’Ile-de-France. Plus encore, sur le plan de la logistique et du fluvial, ce département et celui de la Seine-Maritime sont un axe majeur de l’attractivité de l’Ile-de-France.

Que pensez-vous du plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI) ?

Ma conviction profonde est que le maire est le mieux à même de mener une politique urbaine digne de ce nom. C’est lui qui connaît le mieux son territoire et les aspirations de sa population. Chaque commune a sa réalité : nous n’avons pas tous les mêmes populations, nous n’avons pas tous les mêmes bassins d’emploi. Les communes ont une histoire et une économie qui leur sont propres. Le maire est le mieux placé pour prendre en compte tous ces paramètres.
Je suis contre les systèmes qui consistent à faire prendre ailleurs des décisions qui ont un impact essentiellement local. Les maires ont largement fait la preuve de leur sens des responsabilités depuis les lois de décentralisation, il y a maintenant plus de
30 ans ! Nous sommes tous assez grands pour savoir ce que l’on a à faire.

Certains considèrent qu’écarter la métropole des politiques locales vise à permettre aux territoires de garder leur richesse, à défaut d’une métropole solidaire. Qu’en pensez-vous ?

C’est totalement absurde. La richesse est, de toute façon, redistribuée au travers de la péréquation et ce, de manière extrêmement forte. Elle est même en train de devenir confiscatoire, cela devient une punition. Je pense qu’il faut d’abord créer de la richesse pour pouvoir en distribuer. Ce n’est pas en appauvrissant ceux qui créent de la richesse et en rendant difficile la création de richesse que l’on libère les énergies et que l’on crée de la solidarité, c’est même exactement l’inverse. Si depuis 20 ans, toutes les politiques de solidarité ont échoué, si depuis 20 ou 30 ans, les territoires en souffrance le sont toujours, il faut bien se poser des questions sur la qualité et la pertinence des politiques menées. On ne règle rien avec la péréquation, c’est un pansement indispensable pour passer un cap mais cela ne crée pas les conditions d’un développement économique autonome.

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