Djuric et Tardio – Imbriqués

En couple à la ville comme à la scène, Caroline Djuric et Mirco Tardio mettent en œuvre, dans le Grand Paris, leur concept de densification maîtrisée, de microcouture urbaine. Avec des étoiles plein les yeux.

Mirco Tardio vous parlerait des heures durant de ses convictions sur une densification respectueuse de l’âme et de l’histoire de chaque commune, son aversion pour les ZAC qui font du passé table rase, son apprentissage de l’architecture auprès des plus grands. De Vittorio Gregotti à Angelo Bernardo Secchi, dont il a suivi l’enseignement à Venise avant de poursuivre à l’école polytechnique de Milan jusqu’à Jean Nouvel à Paris, avec lequel il a travaillé 12 ans. En passant par le Groupe UNO de Belleville. « J’ai fait la chicane entre les axes fédérateurs, la sectorisation et la fragmentation à l’italienne et les pièces urbaines à la française. Au final, j’ai préféré la régénération, la ville nouvelle imbriquée à la ville héritée vieillissante », résume le Vénitien d’origine.

Caroline Djuric et Mirco Tardio, architectes. © JGP

« Je ne suis pas dans le discours. Je ne passe pas par là. Je me colle directement à la fabrication », assure Caroline Djuric, qui préférait à l’école de Belleville l’enseignement de Bernard Huet, plus concret. Avec cette même gourmandise dans les yeux, cette joie de faire commune aux deux architectes. Elle est passée par Chaix et Morel après l’école, a travaillé sur des réhabilitations d’exception, confirmant son goût du détail. Elle s’est passionnée pour les maisons nomades, démontables et modulaires de Jean Prouvé, conçues comme des Meccano. Depuis 2012, les deux architectes ont leur propre agence. Un joyeux foutoir, au cœur de Belleville, où les lumières restent allumées tard ces temps-ci, plutôt fastes.

Le duo Djuric-Tardio a gagné le site du Luth à Gennevilliers, dans le cadre d’« Inventons la métropole du Grand Paris » (*). L’occasion de mettre en pratique leur théorie de l’imbrication et de la densification maîtrisée. Elle consiste à promouvoir une construction de logements sur des fonciers non-exploités. Ou à bâtir, en zone pavillonnaire, deux ou trois habitations sur une parcelle qui n’accueillait qu’une maison, chaque foyer disposant d’une entrée, d’un jardin. Le tout modulaire, bas carbone, imbriqué. Leur agence a reçu le prix EDF bas carbone pour la construction de logements dotés de panneaux photovoltaïques destinés à l’autoconsommation et alimentant en électricité le voisinage. « Les logements que nous bâtissons au pied des barres d’immeubles ou dans le pavillonnaire sont toujours basés sur le partage d’énergie », décrit Mirco Tardio. La pierre et le bois sont leurs matériaux de prédilection.

« Bâtir des éco-quelque chose »

Au Luth à Gennevilliers, le Talent Makers Lab mêlera un centre de formation et d’apprentissage, un fablab, une pépinière, des équipements culturels et des logements. Avec la volonté de favoriser les passages, les interactions entre les différents lieux, les habitants venant utiliser les machines des apprentis du centre de formation… L’imbrication, donc, ou l’ingéniosité mise au service des nouveaux usages et de la reconstruction de la ville sur la ville.

Le projet du Luth à Gennevilliers, pour Inventons la métropole du Grand Paris. © Cie de Phalsbourg

Mirco Tardio aime cuisiner, pour ses trois enfants et ses amis, « parce que, comme l’architecture, il faut le faire en pensant aux autres, mais là, avec un plaisir immédiat ». « J’aime, en cuisinant, réveiller les plaisirs d’enfant », confie l’architecte. Il partage ses colères « contre les c… », son dépit face à un aménagement sans âme, « dont l’unique solution est de bâtir des éco-quelque chose partout ». Il répond au téléphone avec cet accent italien qui enchante une prosodie rapide, pleine d’alacrité. Tous deux sourient, puisant visiblement leur énergie dans une inextinguible candeur.

 

(*) Avec Antonio Virga Architecte ; AAVP Vincent Parreira Atelier Architecture ; et Atelier Volga (urbaniste paysagiste), mandataire Cie de Phalsbourg.

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