Covid-19 : faut-il rouvrir le Val-de-Grâce et l’Hôtel-Dieu ?

Des voix s’élèvent pour demander la réouverture des hôpitaux parisiens du Val-de-Grâce ou de l’Hôtel-Dieu. D’autres s’étonnent de la non-sollicitation des cliniques privées. L’Agence régionale de santé (ARS) n’exclut aucune hypothèse mais indique que, « plus que les lits, ce sont les ressources humaines et matérielles qui sont aujourd’hui facteurs de tension ».

Christophe Prud’homme, médecin au Samu 93, ​porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France et délégué national CGT, de même que Patrice Pelloux, médecin urgentiste, militent pour la réouverture des hôpitaux parisiens du Val-de-Grâce et de l’Hôtel-Dieu. Christophe Prud’homme fustige la débauche de moyens représentée, selon lui, par le transport de patients souffrant du Covid-19 en TGV vers des établissements de province.

L’Hôtel-Dieu. © Jgp

« 150 soignants ont été nécessaires, mobilisés durant 24h pour transporter 20 malades », indique-t-il.

Des chiffres largement surestimés, répond l’ARS : « Pour le transfert de patients en TGV, chaque wagon médicalisé accueille 6 soignants (1 médecin anesthésiste-réanimateur, 1 interne, 1 infirmier-anesthésiste, 3 infirmiers) pour 4 patients – donc 30 soignants pour 20 patients, indique l’Agence régionale de santé. A noter que ce sont, dans la plupart des cas, les équipes de réanimation de la région d’accueil qui assurent le transfert, libérant donc, dès le départ du patient, les équipes soignantes de la région de départ en situation de saturation, qui peuvent immédiatement être remobilisées sur de nouvelles prises en charge ».

Mais pour l’urgentiste Patrice Pelloux également,« les services médicaux de province vont bientôt être touchés à leur tour. Il faut donc songer à construire un hôpital de campagne sur la pelouse de Reuilly ou rouvrir les hôpitaux du Val-de-Grâce ou de l’Hôtel-Dieu ». Selon Christophe Prud’homme, il s’agit notamment de bénéficier des salles de réanimation de ces deux hôpitaux.

Augmenter les capacités d’accueil

Ce que conteste également l’Agence régionale de santé (ARS). « Cette crise nous montre qu’il faut savoir envisager toutes les hypothèses, et le recours à d’anciens hôpitaux pour accueillir des patients pourrait être envisagé, mais pas pour la prise en charge de patients en réanimation, fait-on valoir dans l’entourage d’Aurélien Rousseau, directeur général de l’ARS. Plus que les lits, ce sont aujourd’hui les ressources humaines, le matériel de ventilation artificielle et les produits de santé (équipements, médicaments), qui sont les principales sources de tension pour augmenter la prise en charge de nouveaux patients en réanimation », poursuit l’agence.

Aurélien Rousseau, directeur régional de l’ARS Ile-de-France. © Jgp

La priorité actuelle de l’ARS est de disposer de lits d’hospitalisation en réanimation, afin de pouvoir continuer d’accueillir le très grand nombre de patients Covid nécessitant une assistance respiratoire. « Des efforts considérables de l’ensemble des acteurs (établissements de soin publics et privés, professionnels de santé, ministère de la Santé, ARS, AP-HP, Brigade des sapeurs-pompiers de Paris, Service de santé des armées…) ont permis d’augmenter considérablement les capacités d’accueil, en passant de 1 200 lits de réanimation en routine, à plus de 2 400 lits opérationnels à l’heure actuelle en Ile-de-France », souligne l’agence.

L’objectif prioritaire pour l’ARS Ile-de-France est donc de continuer cette montée en puissance des plateaux techniques dédiés aux soins critiques, pour absorber chaque jour un afflux massif de nouveaux patients en détresse respiratoire. « Grâce à la mobilisation de professionnels de santé hors Ile-de-France arrivant en renfort, de nouveaux lits d’hospitalisation vont encore pouvoir être ouverts dans les jours qui viennent. Des délestages organisés vers la province, actuellement en cours et devant se prolonger, vont aussi permettre de récupérer des capacités », indique également l’ARS.

Et les cliniques privées ?

Ludovic Toro, maire (UDI) de Coubron, président de la commission santé de la métropole du Grand Paris. © Jgp

D’autres s’étonnent de l’absence de sollicitation des établissements privés. « Sur la région Ile-de-France, nous avons plus de 250 établissements privés. Nous sommes une force d’appoint. Mais nous ne sommes pas sollicités », indiquait récemment Lamine Gharbi, président de la Fédération de l’hospitalisation privée, invité de France Bleu Paris. « J’ai vérifié cette information auprès de mes collègues des structures privées : elle est vérifiée ! indique le Ludovic Toro, maire (UDI) de Coubron et président de la commission santé de la métropole du Grand Paris. Pourquoi attendre pour créer ce partenariat face à cette urgence sanitaire ? Ces structures ont du matériel de réanimation, ainsi que des respirateurs. Faisons vite ! », poursuit-il.


Sur Twiter, le même Lamine Gharbi nuançait néanmoins fortement sa position vendredi 3 avril : « Dans les régions en tension, les lits de réanimation des cliniques sont largement utilisées et les capacités ont été doublées voire triplées. Dans les régions moins touchées, les cliniques ont des capacités encore inutilisées : c’est normal et c’est une bonne chose. Les établissements se tiennent prêts pour accueillir des patients et soulager l’hôpital public quand l’épidémie progressera », indiquait-il. 

Et, là encore, l’ARS tient à rectifier : « Tous les établissements de santé d’Ile-de-France, publics et privés, sont mobilisés et inclus dans le dispositif (plus de 250 établissements en tout). Chaque lit compte, et toutes les disponibilités opérationnelles de prises en charge sont activées, fait-on valoir dans l’entourage d’Aurélien Rousseau. 100 établissements sont fléchés Covid, 155 mobilisés pour la prise en charge et le délestage des patients non Covid, précise-t-on également. C’est cette mobilisation massive de tous les acteurs, coordonnée par l’ARS, qui a permis d’ouvrir 1500 lits de réanimation supplémentaires en quelques jours la semaine dernière. 500 lits de réanimation sont également gardés en réserve pour les patients non Covid. Si des transferts sont opérés, c’est que l’offre régionale est saturée, alors même que toutes les possibilités régionales ont été mobilisées ».

200 nouveaux lits

« Enfin, conclut l’Agence régionale de santé d’Ile-de-France, pour être tout à fait complet, le transfert de patients n’est pas la seule solution pour désengorger les services de réanimation. 200 nouveaux lits sont en train d’être ouverts dans la Région, grâce aux renforts de personnels qui vont être envoyés par d’autres régions (une trentaine de médecins et environ 300 soignants). »

Un renfort confirmé par Christophe Prud’homme lui-même, pour s’en féliciter cette fois, l’urgentiste estimant que, dans d’autres régions moins touchées, les hôpitaux, ayant également ajourné les interventions traditionnelles, se retrouvent paradoxalement en sous-activité.

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