Club Ville hybride-Grand Paris : les quatre vérités de la relève

Fonctionnement au consensus qui réduit la capacité d’action, manque de représentativité générationnelle, de genres ou de diversité d’origines, persistance de l’égoïsme communal… Les quatre invités de la « nouvelle génération Grand Paris » ont dit leurs vérités sur la métropole, lundi 16 décembre 2019, à l’invitation du club Ville hybride-Grand Paris, de Michaël Silly, qui posait la question de savoir si la relève était prête.

Marion Waller, directrice adjointe au cabinet de Jean-Louis Missika, Céline Laurens, déléguée générale de FrancilBois, Ivan Itzkovitch, président du groupe UDI-UC à la métropole, et Guillaume Clédière, DGS d’Est Ensemble, ont dit leurs convictions sur la construction du Grand Paris lundi 16 décembre 2019, à l’invitation du club Ville hybride-Grand Paris, lors d’une soirée sur « la nouvelle génération Grand Paris ».

Ivan Itzkovitch, Céline Laurens, Guillaume Clédière, Michaël Silly, Marion Waller. © Jgp

« Là où la MGP a réussi, c’est lorsqu’elle a su démontrer que les enjeux qu’elle traitait dépassaient les sujets locaux », a introduit Céline Laurens, déléguée générale de Francilbois, après avoir notamment œuvré à la Région, à la mairie de Paris auprès de Bertrand Delanoë, puis à la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo).

« L’histoire récente du Grand Paris montre qu’il ne faut jamais, en politique, créer une institution pour son propre compte », a-t-elle estimé. Ce qui fut le cas de la gauche, avant les dernières élections municipales, qui donnèrent une majorité à la droite, à rebours de toutes les prévisions. « Il faut que la métropole continue à avancer sur ses deux pieds : coopérations territoriales pour les projets du quotidien et structuration institutionnelle pour les enjeux métropolitains », estime également Céline Laurens.

Majorité versus consensus

De majorité on parla beaucoup, ce lundi soir, à la galerie Univer, cité de l’ameublement, dans le 11° arrondissement de Paris, pour regretter que la métropole du Grand Paris lui préfère le consensus. « Lorsque l’on fonctionne au consensus, on finit par ne plus rien faire du tout, puisqu’il suffit de l’opposition d’un seul maire pour mettre à terre un projet, une mesure, une ambition », a déploré Ivan Itzkovitch. « Nous aurions pu, récemment, adopter le plan métropolitain de l’habitat et de l’hébergement (PMHH) ou le schéma de cohérence territoriale (Scot), si nous avions fonctionné à la majorité », a poursuivi le maire adjoint de Rosny.

L’avocat a cité l’exemple d’une commune des bords de l’Ourcq, refusant de voir des équipements logistiques implantés sur les rives du canal, parce que son projet est de les réserver au tourisme, au détriment de toute conception d’ensemble. « Il est faux de toujours accuser la loi NOTRe d’être à l’origine de tous nos maux », a poursuivi l’élu.

Le temps fait son œuvre

Le fait communal a été rappelé par Guillaume Clédière comme un invariant, que la création de la MGP a laissé intact. Le DGS d’Est Ensemble a rappelé l’histoire de la gestation métropolitaine, et son achoppement sur la pierre de la péréquation, nom pudique du partage des richesses. « A Est Ensemble, près de 40 % de la population vit en quartier politique de la ville, et toutes les études témoignent du besoin croissant d’action publique pour les populations les plus pauvres », a-t-il rappelé.

Mais à son image, aucun des intervenants de cette génération de la relève n’avait choisi de se montrer seulement négatif et critique. « Le temps fait son œuvre, a souligné l’administrateur territorial, et l’on ne revient jamais en arrière lorsque l’on a su construire de la confiance ». Guillaume Clédière, qui débuta sa carrière au sein des services municipaux de Pantin, a rappelé qu’il y a quelques années encore, chaque commune qui longe le canal de l’Ourcq y développait ses propres programmes d’aménagement. « L’intercommunalité a permis de construire une vision partagée des élus et une cohérence d’ensemble », a-t-il remarqué.

« J’ai toujours cru à la politique », a entamé Marion Waller, qui a confié conserver « un certain optimisme ». « On peut faire bouger les choses si l’on porte une vision politique », a-t-elle poursuivi. La directrice adjointe du cabinet de Jean-Louis Missika a raconté comment les remarques de la Ville, face à des cohortes exclusivement masculines de promoteurs venant présenter leur staff lors des « Réinventer Paris », avaient fini par les conduire à féminiser leurs équipes.

La jeune normalienne a dit son étonnement en constatant la moyenne d’âge des conseillers métropolitains, et leur manque de représentativité, de genres et de diversité d’origines. Elle a listé les « discontinuités incompréhensibles », qui caractérisent toujours la métropole, cyclables, sociales, tarifaires, entre deux blocs d’immeubles, selon qu’ils soient de l’un ou de l’autre côté d’une frontière communale dénuée de sens pour les habitants.

Discontinuités territoriales

Elle a évoqué son dépit face à la complexité d’un système « compris par 200 personnes au maximum, face à la multiplicité des réunions qui n’aboutissent à rien, face à ce gaspillage de temps et d’argent ». Dépit ressenti également en entendant, lors d’un récent colloque au Sénat, un maire justifier l’inutilité de la métropole en détaillant le programme de la fête des artisans que sa commune avait su organiser toute seule. « Il y a un problème générationnel », a estimé Marion Waller, évoquant son inquiétude concernant la future composition de la métropole, beaucoup de maires sortants étant hostiles à toute idée de construction métropolitaine, s’opposant au vélo ou à un seuil minimal de pleine-terre, comme l’a montré le récent échec du schéma de cohérence territoriale.

Car l’urgence climatique a été rappelée par les différents intervenants comme une raison amplement suffisante de refuser le statu quo, notamment en améliorant la gouvernance institutionnelle du Grand Paris. « On parle souvent du Grand Paris des projets comme le seul qui vaille, mais en réalité, il faut toujours des maîtres d’ouvrage, généralement publics, dont la bonne organisation, la bonne articulation est un gage d’efficacité et de respect des orientations politiques », a rappelé Guillaume Clédière. Ce dernier a cité l’historien du social et sociologue de l’urbain Jacques Donzelot, qui a montré que l’intercommunalité constituait un échelon pertinent pour mutualiser des services de proximité et élaborer des politiques de rééquilibrage territorial.

La plupart des intervenants se sont prononcés sans détour pour une élection des délégués communautaires au suffrage universel direct, et non pas par fléchage comme ce sera le cas lors des prochaines élections. Un suffrage universel perçu comme le seul moyen de sortir d’un fonctionnement intercommunal qui apparaît encore trop souvent comme la juxtaposition de politiques communales, menées par « des chefs à plumes locaux », selon l’expression d’Anne Hidalgo, auxquels on ne saurait opposer aucun intérêt métropolitain supérieur. La nécessité de partir davantage des usages de la population a été également affirmée à plusieurs reprises.

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