Yves Contassot, président des « écolo-citoyens » de la métropole du Grand Paris, dit le mécontentement de son groupe face à la non-inscription du premier arrêt du schéma de cohérence territoriale (Scot) lors du prochain conseil de la métropole. En cause, l’État et les adversaires de la pleine-terre.
Vous déplorez la non-inscription du premier arrêt du schéma de cohérence territoriale (Scot) à l’ordre du jour du prochain conseil de la métropole ?
Nous étions censés en effet adopter, lors de la séance plénière de la métropole du Grand Paris le 4 décembre 2019, un premier arrêt du Scot. Ce ne sera pas le cas. Et nous en sommes très mécontents. Parce que c’est un mauvais signal pour la métropole. Nous avons élaboré un certain nombre de plans, pour la protection du bruit ou l’environnement que nous allons adopter. Nous avons bâti le schéma métropolitain d’aménagement numérique (Sman) ou le plan climat air énergie métropolitain (PCAEM). Mais ce Scot, qui constitue la raison d’être de la métropole, son projet, au terme des quatre ans d’existence de l’institution, nous n’en aurons pas. Nous n’en disposerons pas avant les prochaines municipales, avec le risque qu’ensuite, la nouvelle majorité, quelle qu’elle soit, puisse dire : on remet tout à plat, on repart de zéro.
Ce serait des mois et des mois de travail qui seraient ainsi mis à mal, de même que l’engagement des collaborateurs de la métropole, ainsi que celui des différents groupes, dont celui des Verts et Générations.s, que je préside, et qui a beaucoup participé aux ateliers créés pour l’occasion.
Vous regrettez que ce schéma soit reporté à 2020 ou même au-delà ?
Le président de la République a annoncé que la loi décentralisation, différenciation, déconcentration – dites loi 3D -, après les municipales et avant l’été, contiendrait une réforme des institutions, et donc éventuellement de la métropole du Grand Paris. Le risque est donc que certains estiment qu’il convient alors d’attendre les annonces du président de la République sur ce point, et que tout soit reporté à l’automne 2020. Date à laquelle nous serons de nouveau en période pré-électorale, pour les régionales cette fois. Comme l’articulation métropole-région est une question centrale, on peut très bien se retrouver paralysé pour un temps encore plus long.
Pourtant, nous pensons que les éléments étaient là. Que s’il subsistait quelques points de désaccords, il était possible de trouver des solutions de compromis. La renaturation de la MGP – trames bleues et vertes -, le fait d’obliger quiconque qui imperméabilise un mètre carré de terre sur le périmètre de la métropole à désinperméabiliser 1,5 m2 sont à mettre au crédit du Scot. Cela va dans la bonne direction. De même pour le rééquilibrage en faveur de l’emploi dans les zones qui en sont dépourvues.
Vous estimez que la position de l’État à ce sujet manque de clarté ?
Sans aucune concertation, à la dernière minute, l’État a transmis à la métropole un document qui bloque le processus. Ce document oblige la métropole, car cela fait partie des pièces obligatoires dans le cadre de l’élaboration du Scot, à intégrer toute une liste d’équipements dont l’Etat considère qu’ils sont d’intérêt métropolitain, dans un grand nombre de communes. La métropole a reçu ce document quelques jours seulement avant la réunion lors de laquelle il devait être décidé de l’inscription ou non de l’arrêt du Scot au prochain conseil.
Cette liste contient un grand nombre d’équipements qui n’ont fait l’objet d’aucune concertation ni d’aucune information des maires concernés. On découvre, par exemple, qu’un musée des mathématiques devra être construit à Paris. Ce que la maire de Paris elle-même ignorait. Le président Ollier a estimé, à juste titre, qu’il ne se voyait pas intégrer dans le Scot une liste d’équipements que les maires auraient découvert à cette occasion. Alors que ce document, nous l’avions sollicité dès le mois d’août.
Quels sont les points de discussion qui demeurent entre les élus métropolitains sur le Scot ?
Les Verts et Générations.s, les socialistes et l’UDI étaient très favorables à ce que le Scot soit inscrit à l’ordre du jour. Les communistes étaient divisés sur cette question tout comme les élus LR. Il y a un mois, Patrick Ollier souhaitait inscrire ce premier arrêt à l’ordre du jour. Puis certains élus, notamment chez Les Républicains, sont venus lui dire qu’ils ne l’accepteraient pas. Ils ont demandé un certain nombre de modifications, menaçant de mener une bronca. Le coefficient de pleine-terre, lors de nouvelles constructions, figure parmi les sujets en cause.
Le Scot devait prévoir, à l’instar de la règle édictée par le plan local d’urbanisme de Paris, que 30 % de la superficie doivent être laissés en pleine-terre pour toutes nouvelles constructions. Un certain nombre de maires considère qu’il vaut mieux bétonner au maximum, alors que l’on sait qu’il s’agit là d’un enjeu à la fois pour prévenir les îlots de chaleur, les inondations, tout en favorisant la biodiversité. Les élus réfractaires à cette mesure souhaitent voir réduit de seuil de pleine-terre à 10 %. Soit presque rien.
Que vaut à ces élus de s’opposer à ces 30 % de pleine-terre ?
La pression des lobbys des promoteurs et des constructeurs, à laquelle certains ont parfois du mal à résister.
Il y a d’autres points de blocage ?
Un autre concerne la finesse des cartes associées au Scot. Celles-ci sont au 1/150 000° comme celles du schéma directeur de la région Ile-de-France (Sdrif). Certains estimaient qu’il s’agissait d’une échelle trop grande, et donc sujette à interprétations. Ces derniers préconisent que l’on passe à une échelle de 1/50 000°. Cela peut s’entendre, même il s’agissait d’être en conformité avec le Sdrif. Sauf que sans les cartes, le Scot est inapplicable. Ce sont des cartes, en effet, qui vont par exemple définir les zones pour lesquelles il doit y avoir un rééquilibrage entre l’emploi et le logement ou le tracé des trames vertes et bleues.
Ceux qui s’opposent à ces cartes sont d’ailleurs généralement les mêmes que ceux qui s’opposent à la pleine-terre, et, de façon plus générale, à l’existence de la métropole. Ivan Itzkovitch, animateur du comité de pilotage du Scot, s’est vu tout de même réaffirmer la mission de sortir quelque chose au plus vite.
La localisation et le nombre des logements sociaux à construire ne constituent pas un point de blocage ?
Non, car ces questions relèvent du plan de l’habitat et de l’hébergement métropolitain (PMHH) bloqué lui aussi depuis des mois, notamment par l’État, qui estime qu’il ne prescrit pas un nombre suffisant de construction de logements, tous types confondus. L’État a donc fait savoir qu’il émettrait un avis négatif sur ce PMHH, tandis qu’une convergence s’est établie entre ceux qui estiment qu’il va trop loin et ceux qui jugent qu’il ne va pas assez loin. Le Scot comprenait d’ailleurs la reprise de certains éléments du PMHH, allant là aussi dans le bon sens. Concernant le Scot, le risque est bel et bien que ce report soit interprété comme le signe de l’incapacité de la métropole à publier des documents stratégiques. Et qu’il faut donc la supprimer.
Vous figurez parmi ceux qui estiment que le périmètre de la zone dense s’impose naturellement ?
On a vécu, pendant des années, avec des communes, des Départements et une Région et tout le monde a constaté et affirmé que cela ne fonctionnait pas, qu’il manquait un élément. Mais ceux qui estimaient qu’il manquait un élément jugent aujourd’hui qu’il faut le supprimer. Un peu de cohérence ! Particulièrement sur les questions environnementales, on voit bien à quel point le périmètre métropolitain est pertinent. La question des déchets n’aurait pas grand sens à être traitée sur un périmètre régional. Les zones rurales de 3° couronne n’ont rien à voir, en matière de gestion des déchets, avec les zones urbaines denses. Idem en matière de pollution. Nous ne sommes pas confrontés aux mêmes types de pollution aux confins de la Beauce et de la Seine-et-Marne et dans le cœur de l’agglomération.
Les îlots de chaleur n’existent pas dans les 80 % de la Région, qui sont des zones rurales. La question des déplacements, de même que les infrastructures lourdes, se pose d’abord au sein de la zone urbaine dense. On ne va pas construire des tramways et des lignes de métro pour desservir des villages de 200 habitants. Cela n’aurait aucun sens. On a donc besoin du niveau métropolitain pour un certain nombre de politiques.