En compensation de la perte de la taxe d’habitation sur les résidences principales, les communes percevront celle sur le foncier bâti des départements, complétée par une dotation de l’Etat. Les villes résidentielles seront davantage pénalisées que celles bénéficiant d’un foncier bâti économique important.
Le Premier ministre a confirmé, le 12 juin, « la suppression totale de la taxe d’habitation sur les résidences principales pour l’ensemble des foyers, quel que soit le montant de leur revenu ». Pour compenser le manque à gagner pour les collectivités concernées, le gouvernement veut transférer la taxe sur le foncier bâti (TFB) des départements aux communes, qui percevront ainsi la totalité du produit de la TFB. En compensation, les départements et les intercommunalités percevront un pourcentage de TVA.

Sur le territoire de la métropole du Grand Paris (hors Paris) : en vert les communes dont le produit de foncier bâti (FB) départemental sera supérieur à celui de la taxe d’habitation (TH) qu’elles perdraient.
En rouge (plus c’est foncé, plus la perte est forte), celles qui percevront moins de FB départemental que de TH.©Partenaires finances locales
Cette quasi-réforme de la fiscalité locale – qui doit figurer dans le projet de loi de finances pour 2020 – ne convainc pas les élus locaux, dont l’Association des maires de France qui considère que « la compensation de la TH proposée par le gouvernement ne garantira pas la pérennité des ressources », et demande à l’Etat de pouvoir consulter les « simulations pour chaque commune et EPCI afin de permettre à tous les exécutifs locaux de disposer de l’information chiffrée ».
Distorsions
Qu’en est-il réellement ? Le cabinet Partenaires finances locales a fait des estimations sur les communes membres de la métropole du Grand Paris (MGP). Ni la MGP ni les EPT ne percevant de taxe d’habitation dans cette architecture particulière, les communes la perçoivent intégralement. Seules ces dernières sont par conséquent concernées par la réforme.
Premier enseignement : si au niveau national les montants s’équilibrent, ce n’est pas le cas dans la majorité des 131 villes métropolitaines, qui serait pénalisée. « Nous constatons deux effets qui vont générer des distorsions », développe Christophe Michelet, président de Partenaires finances locales. « Le premier est que le volume de base n’est pas forcément le même entre les deux impôts. Pour les logements, il s’agit de la même valeur locative, mais les divers abattements et autres exonérations diffèrent d’un impôt à l’autre, et surtout, le foncier bâti comprend également celui des entreprises. »
La dynamique de la taxe foncière perdue
Le deuxième effet concerne les taux, car « le taux de TFB des départements n’a pas de lien avec celui de la TH des communes , poursuit l’expert. Si une commune a un taux de TH élevé et le département dans lequel elle se trouve un taux de TFB faible – le cas des Hauts-de-Seine – elle sera mécaniquement perdante, et inversement : une commune rurale par exemple avec un taux de TH faible sera plutôt gagnante ». Le territoire de la MGP comptant une majorité de villes urbaines, les perdants sont plus nombreux que les gagnants, non pas en termes de produits financiers, puisque la compensation se fait à l’euro près, mais d’assiette de la fiscalité de remplacement.
En effet, la fiscalité remplaçante ne compense qu’une partie de la perte de produit de taxe d’habitation. « Sur le périmètre de la MGP, le delta entre la TH d’aujourd’hui et le foncier bâti de demain est estimé à 1 milliard d’euros, qui sera compensé par une dotation de l’Etat, mais il se répartit de manière inégale sur le territoire, poursuit Christophe Michelet. Les villes perdront donc pour partie la dynamique de la taxe d’habitation. »
Risque sur la compensation
Sceaux perdra quasiment 80 % de son produit de fiscalité dynamique (entre la TH actuelle : 14 millions, et la TFB : 3 millions), soit 11 millions d’euros remplacés par une dotation figée, sur laquelle la Ville n’aurait aucun pouvoir de taux. Au final, les grands perdants sont les communes très résidentielles et/ou avec peu de foncier bâti économique, dont l’essentiel des ressources provient de la taxe d’habitation et très peu de l’activité économique. « Même lorsque le taux de TFB départementale est élevé comme en Seine-Saint-Denis, celui de la TH de ces communes l’est également, car il s’agit de leur seule ressource », commente le président de Partenaires finances locales. « Les communes de la MGP qui vont percevoir plus de foncier bâti qu’elles n’avaient de TH se concentrent sur les villes où l’activité économique pèse lourd », telles que Puteaux et Courbevoie dans les Hauts-de-Seine, Saint-Denis et Tremblay-en-France en Seine-Saint-Denis. Le risque est surtout de voir fondre, au fil du temps, une compensation accordée par un gouvernement à un instant « T » qui n’engage que ce dernier.