S. Malinbaum (CCI Paris) : « Rendre l’IA utile aux commerces et aux entreprises »

Soutien aux industries culturelles et créatives, pédagogie de l’intelligence artificielle, développement de l’égalité femme–homme dans l’entrepreneuriat, association des commerçants à la préparation des Jeux olympiques… Soumia Malinbaum détaille les grands axes de sa stratégie à la tête de la chambre de commerce et d’industrie de Paris.

Quelle est votre stratégie globale pour la chambre de Paris ?

Nous devons nous réinventer en permanence pour continuer à remplir notre mission dans un monde qui change. Nous cherchons donc les moyens de renforcer à la fois notre impact et nos ressources. C’est une des raisons pour lesquelles une part croissante des nouveaux programmes que nous lançons sont accompagnés par des partenaires privés. C’est le cas de celui que nous développons en faveur des femmes et pour lequel nous nous sommes adossés à un partenaire bancaire.

Soulia Malinbaum. © Jgp

Pourquoi développez-vous des actions destinées aux femmes ?

Je suis la deuxième femme présidente de la chambre de commerce et d’industrie de Paris et une fervente défenseure de la parité, de la mixité et de l’égalité. Il ne s’agit en aucun cas de remplacer les hommes, mais de pouvoir être avec eux, au même niveau. Face aux difficultés que rencontrent les femmes, nous avons décidé de poser un regard neuf, singulier et volontariste. Notre choix a été de nous concentrer sur les difficultés que rencontrent celles qui entreprennent : elles lèvent moins de financement, créent moins de société. Nous lançons un programme professionnalisant d’un an, qui sera certifié par une de nos écoles. Son intérêt réside dans ce que l’on fait intervenir toutes les institutions qui, à un moment donné, entrent dans votre parcours de dirigeant : les experts-comptables, les avocats, l’Urssaf et autres professionnels et représentants des administrations qui jalonnent la création et la vie d’une entreprise. La première promotion, dont le succès a dépassé nos espérances, est présidée par le président des Galeries Lafayette Philippe Houzé.

Quelle place pour l’intelligence artificielle dans vos projets ?

Nous lançons, le 4 octobre, une matinée baptisée « Commerce de proximité et intelligence artificielle ». La question est de savoir comment des solutions d’intelligence artificielle vont permettre aux commerçants de lever la tête du guidon pour les dégager de tâches sans valeur ajoutée, rébarbatives, parfois stressantes, qui les empêchent d’aller chercher de nouveaux clients, d’être dans l’hospitalité. Cette matinée donnera l’occasion de présenter la restitution de diverses expérimentations menées par des commerçants dans ce domaine. Nous rédigeons à cette occasion un livre blanc, comprenant un guide, visant à améliorer leur quotidien. L’IA doit être perçue comme un allié plutôt qu’un ennemi. Il s’agit aussi de dédiaboliser ces outils.

Quelles sont vos actions pour que les commerçants de la Capitale soient mieux associés aux prochains Jeux olympiques et paralympiques de 2024 ?

Les commerçants n’ont pas encore été suffisamment associés à la préparation des Jeux et à l’impact possible des dispositifs sur leur activité. Laurent Nuñez, préfet de police de Paris, sera reçu à la chambre de commerce de Paris le 28 septembre au matin pour présenter devant les élus de la CCI, représentants du commerce à Paris, le détail du dispositif de sécurité et d’accessibilité qui sera mis en œuvre. Ce temps d’information est essentiel pour dissiper les inquiétudes. Nous avons par ailleurs mené une enquête sur les attentes et le ressenti des commerçants 300 jours avant l’événement, que nous présenterons au préfet lors de sa venue. Il faut que nos ressortissants puissent capitaliser sur ces Jeux. Nous allons aussi éditer un livret, en collaboration avec la préfecture de police, détaillant les dispositifs de sécurité et leur impact à l’intention des commerçants.

Quelles actions menez-vous pour développer les industries créatives et culturelles ?

40 % des industries créatives et culturelles (ICC) de la mode et du divertissement sont localisés en Ile-de-France. Il est important pour la CCI de s’adresser aux entreprises de ce secteur. Nous considérons que tout artiste, tout créateur est aussi un entrepreneur, un créateur de valeur. Nous comptons donc jouer à plein, pour ces publics, notre rôle de boite à outils. Nous allons organiser, par exemple, un programme « 5 jours pour entreprendre dans les ICC ». Nous travaillons aussi avec des résidences d’artistes pour accompagner leurs résidents dans toute la partie administrative et économique de leur activité pour qu’ils puissent se concentrer sur ce qui les anime en premier lieu ! Les ICC sont également fortement disruptées par le numérique. C’est un secteur dont on sous-estime le poids économique, sur lequel nous voulons jouer tout notre rôle, alors même que nous y sommes sans doute moins attendus.

Comment ont évolué vos missions ?

L’appui aux entreprises demeure un des piliers de notre action, depuis la création jusqu’à la reprise-transmission. Aujourd’hui, un des enjeux les plus déterminants réside dans l’accompagnement des entreprises pour recruter. Les tensions sur le marché du travail poussent les entreprises à recruter « autrement » et c’est parfois difficile. Nous sommes là pour les y aider, avec des actions de recrutement par le sport, par l’alternance, et auprès de publics parfois éloignés de l’emploi mais qui deviennent des collaborateurs très appréciés lorsque nous parvenons à les mettre dans une dynamique positive. Ce domaine d’activité stratégique couvre toute l’Ile-de-France.

La Quinzaine de l’emploi entre-t-elle dans ce cadre ?

Tout à fait. Cette opération régionale va se tenir en octobre prochain et recouvre une multitude d’actions et d’évènements qui vont se dérouler dans tous les départements franciliens. Nous agissons en faveur du recrutement dans les quartiers prioritaires au titre de la politique de la ville (QPV). Nous sommes la charnière entre le monde des entreprises et des personnes qui en sont parfois très éloignées. Nous faisons venir les entreprises dans ces quartiers, avec un taux de réussite exceptionnel. Rappelons que l’Ile-de-France, dont Paris, compte 272 QPV, qui affichent un taux de chômage quatre fois supérieur à la moyenne.

Nous organisons, avec les entreprises que nous accompagnons, des opérations au cœur même des quartiers. Nous travaillons à ce titre main dans la main avec les missions locales, Pôle emploi et la Drieets, qui effectuent un travail formidable. L’idée est d’arriver à ce que des emplois se créent, grâce à la mise en place d’une démarche collective, qui réponde de façon très holistique aux attentes des entreprises comme aux aspirations des demandeurs d’emploi.

Comment utilisez-vous les grands événements sportifs dans cet objectif ?

Avec l’opération « Du stade vers l’emploi », qui regroupe les Jeux olympiques et paralympiques de 2024 et l’ensemble des grands événements sportifs, nous profitons de ces derniers pour promouvoir le recrutement par le sport. Nous mettons là aussi en relation des demandeurs d’emploi avec des entreprises, qui évaluent leur potentiel en analysant leur pratique d’un sport collectif, révélateur de nombre de softskills.

Quelle est la vocation de la plateforme « Vite, un emploi ! » ?

Il s’agit d’une méta-plateforme, un job board qui va permettre d’agréger des plateformes de recrutement mais aussi des offres d’emplois en nombre. Ce qui nous distingue, là encore, c’est notre proximité physique avec les entreprises et notre capacité à aller frapper aux portes. Nous interagissons aussi avec toutes les principales associations de commerçants de Paris. Nous jouons en l’occurrence le rôle de manager de centre-ville. L’animation de ces cœurs de ville requiert d’être au plus proche des réalités des commerçants, alors que ces derniers sont confrontés à une succession de crises. Nous jouons collectif, en travaillant ensemble avec tous les partenaires, qu’il s’agisse de la chambre de métiers et de l’artisanat, qui a des problématiques similaires aux nôtres, ou avec d’autres acteurs.

Quelle est votre action auprès de vos écoles ?

La chambre de commerce de Paris-Ile-de-France, ce sont 42 000 jeunes formés (dont 16 500 apprentis) et 30 000 adultes en formation continue chaque année en Ile-de-France. J’échange tant avec l’École des Gobelins qu’avec l’ESCP : ce sont tous les membres d’une même famille, même s’ils ne vivent pas tous dans la même maison. Nous recherchons toujours les moyens de créer des synergies entre les écoles de la chambre, ou bien encore avec les foires et salons, dont nous sommes un acteur essentiel, de Villepinte à la Porte de Versailles, du Palais des congrès de la Porte Maillot à l’Accor Arena de Paris Bercy. Même chose pour notre action internationale. Nous utilisons l’ensemble de notre écosystème pour renforcer notre impact.

Tags

Sur le même sujet

Top