P. Mansat : « Il faudrait faire plus pour rappeler l’action des résistants du Comac »

A l’occasion de la pose, samedi 25 août 2018, d’une plaque en leur mémoire, Pierre Mansat, responsable de la mission métropole de la ville de Paris, rappelle pourquoi il se bat pour obtenir une reconnaissance plus ample de l’action des 3 V. Le rôle de Maurice Kriegel-Valrimont, Jean de Vogüé et Pierre Villon durant la Résistance, à la tête du comité d’action militaire, constitue, estime-t-il, un exemple d’engagement, de courage et d’union.

Pourquoi souhaitez-vous une plus ample reconnaissance de l’action des dirigeants du Comité d’action militaire (Comac) ?

Pierre Mansat. © Jgp

Trois résistants dirigeaient le comité d’action militaire (Comac) : Maurice Kriegel-Valrimont, pour lequel j’ai obtenu, en 2006, qu’un square porte son nom dans le 18° arrondissement de Paris, avec une stèle commémorative, mais aussi Jean de Vogüé, un aristocrate de droite, et Pierre Villon, qui fut un des rédacteurs du programme national de la résistance. Ces deux derniers n’ont pas de lieu dans Paris honorant leur mémoire, leur combat. Une première étape sera franchie samedi 25 août 2018, avec la pose d’une plaque avenue René Coty, qui rappelle l’action de ces trois V, Villon, Valrimont, Vogüé. Mais il faudrait faire beaucoup plus parce qu’il existe, à ce sujet, un oubli de l’histoire fâcheux.

On oublie, selon vous, l’importance de la résistance intérieure ?

L’histoire de la résistance, parfois glorifiée, réécrite, néglige ou minimise en effet le poids de la résistance intérieure, du soulèvement populaire des Parisiens pour leur libération. On a réussi à honorer la mémoire de Kriegel-Valrimont, dont on voit l’importance, par exemple, puisqu’il figure derrière Von Choltitz, avec le général Leclerc et Henri Rol-Tanguy, qui était chef des FFI, sur la photo qui montre le commandant de l’armée nazie à Paris, emmené comme prisonnier à la gare Montparnasse.

Sur le command-car debout à gauche, le colonel Rol-Tanguy, devant lui Kriegel-Valrimont et le général von Choltitz © DR

Mais il faut inscrire la mémoire de ces combattants de la liberté dans l’histoire parisienne, trouver un lieu. A l’instar de Marie-France Vaillant-Couturier, l’épouse de Pierre Villon, qui a une place à son nom dans le Marais, près de là où ils habitaient. Je propose également qu’un colloque soit organisé sur l’action de ces trois responsables, résistants de la première heure.

Qu’est-ce qui vous semble chez eux particulièrement exemplaire ?

Ils incarnent notamment ce que la Résistance a pu représenter en termes d’union, à un moment décisif de l’histoire de France, alors occupée dans des conditions terribles par les nazis. Leurs parcours personnels sont très différents : au début des années 1940, Pierre Villon est un intellectuel juif, communiste d’assez longue date, Maurice Kriegel-Valrimont est issu d’une famille relativement modeste, juive également, et Jean de Vogüé un richissime aristocrate, qui a mis une grande partie de sa fortune au service de la Résistance.

Par la suite, Maurice Kriegel-Valrimont a adhéré au Parti communiste, il a longtemps été député du parti, puis plus ou moins exclu par Roland Leroy, et réhabilité en quelque sorte par Robert Hue, dans les années 1990. Pierre Villon, à qui le général de Gaulle avait demandé de devenir ministre de la Guerre, a refusé et il est devenu député de l’Allier. C’est là que je l’ai croisé. Il venait à la fédération du PC de Montluçon, où j’étais jeune militant des jeunesses communistes.

Ces trois hommes ont donc incarné le souffle de la résistance intérieure, la volonté que ce soit le peuple de France qui se libère. Avec un épisode très fameux, très éclairant, quand, lors du soulèvement parisien, les représentants de de Gaulle négocient une trêve avec les Allemands. Kriegel-Valrimont, de Vogüé et Villon s’y opposent, affirmant que le peuple de Paris a la force de repousser les nazis et d’accélérer la libération de la Capitale. Avec raison puisque ce soulèvement a permis de libérer Paris, avec le concours des armées de la France Libre, avec la 2° division blindée, et le rôle reconnu récemment des Républicains espagnols au sein de la 2° DB.

Il ne faut rien lâcher sur cette histoire, qui fait l’objet de tentatives de réécriture permanentes. L’esprit de Vichy est encore là. On voit bien comment des Bousquet, Touvier, ont pu être protégés en France durant des années. Il faut batailler, ferrailler pour que l’histoire réelle de la Résistance soit partagée par les jeunes générations. C’est un combat fondamental.

Il s’agit également, pour vous, de réaffirmer les valeurs du programme du conseil national de la Résistance ?

Ce n’est pas assez connu, mais ce qu’a annoncé le programme national de la Résistance, ces « jours heureux » qui viendraient sont toujours d’actualité, à la fois sur des sujets très concrets, mais aussi pour les valeurs qu’ils contiennent, de solidarité, de lien très fort, de partage. 70 ans plus tard, un vrai combat idéologique demeure autour de tout ça. C’est ce qui fonde mon engagement politique, depuis que j’ai 14 ans.

La libération de Paris, le 25 août 1944. © DR

Sur le même sujet

Top