A l’occasion de la REF, l’université d’été du Medef, Daniel Weizmann, président du Medef Ile-de-France et président d’In’li Ile-de-France, confie son inquiétude sur les perspectives économiques dans les mois à venir pour des entreprises franciliennes qui ont bénéficié au cours des derniers mois d’une situation économique favorable malgré la dégradation du contexte international.
Comment se portent les entreprises d’Ile-de-France dans cette période politique très particulière ?
Alors que, dans un contexte international exécrable, le premier semestre 2024 s’est très bien passé pour la France et en particulier pour l’Ile-de-France, nous sommes aujourd’hui dans une séquence anxiogène pour les entrepreneurs. A l’exception du secteur du bâtiment, qui souffre terriblement, nous sommes est un des rares pays d’Europe à afficher une croissance de PIB au premier semestre alors que de nombreuses nations affrontent un profond marasme. Les secteurs de l’industrie, de l’aéronautique, du numérique, ainsi que l’ensemble des services ont connu un premier semestre 2024 très dynamique. La cosmétique, une de nos industries phares, affiche une croissance située entre 15 et 20 %. Les Jeux olympiques constituent un second sujet de satisfaction. C’est un énorme succès, qui a généré de l’activité, et auquel va s’ajouter une partie héritage très importante à la fois dans l’immobilier, dans le tourisme et dans de nombreux secteurs d’activité.
A quoi attribuez-vous cette bonne santé économique globale ?
Tous les chefs d’entreprise le reconnaissent : depuis 2017, le gouvernement a mené une politique très pro-entreprise. La baisse de l’impôt sur les sociétés, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) ou le soutien que les entreprises ont reçu pendant la pandémie sont à mettre au crédit des gouvernements qui se sont succédé au cours des dernières années. Hélas, la donne est peut-être en train de changer puisque nous n’avons plus de gouvernement.
Pourquoi estimez-vous que l’immobilier et le bâtiment vont continuer de souffrir ?
La construction d’immeubles d’habitation s’est arrêtée en France. Or l’unité de temps en immobilier, c’est quatre ans. Autrement dit, si le gouvernement initiait aujourd’hui une politique de soutien au secteur, ce qu’il ne fait pas, il se passerait quatre ans avant qu’elle porte ses fruits. Je peux donc vous annoncer aujourd’hui que l’on va connaître une crise du logement, dans le neuf en particulier, qui va durer jusqu’en 2028 au moins. C’est clairement la faute du gouvernement, qui a pris en l’occurrence une série de décisions suicidaires, je pense à l’arrêt du dispositif de défiscalisation Pinel, du prêt à taux zéro, etc. Alors que la France, si on veut répondre à la demande, doit construire 500 000 logements par an, nous sommes à peine à 200 000 ! Le secteur du bâtiment va perdre 150 000 emplois au cours des deux prochaines années. J’ajouterais que l’élévation des taux d’intérêt continue de freiner l’investissement des entreprises, tous secteurs confondus. Or l’investissement, c’est le moteur de l’innovation et de la croissance de demain. On peut donc être très pessimiste pour le 4e trimestre 2024 et pour l’année prochaine, les incertitudes politiques actuelles aggravant encore sensiblement les choses.
Quelles sont les priorités du Medef Ile-de-France ?
Ma feuille de route est toujours la même. C’est de travailler avec les entreprises pour qu’elles intègrent tous les mandats dans lesquels notre organisation patronale est représentée, que ce soit les prud’hommes, les chambres de commerce, les tribunaux de commerce, soit au total 3 500 mandats. Notre vocation est de placer au sein de ces organismes des gens qui défendent les intérêts des entreprises et des entrepreneurs. Ensuite, tout le monde est au courant des difficultés de recrutement que rencontrent les entreprises. Il faut remonter à l’orientation, à la formation pour comprendre la situation. Le deuxième sujet, c’est le logement qui constitue un vrai drame en Ile-de-France et qui est lié d’ailleurs à l’emploi puisqu’on voit aujourd’hui que l’impossibilité de se loger représente un très gros frein à l’emploi. Quant au troisième sujet, important aussi pour l’Ile-de-France, pour plusieurs raisons, c’est le transport, qui coûte sept milliards d’euros annuels aux entreprises.
Pourquoi avez-vous souhaité intégrer Ile-de-France mobilités ?
Justement pour faire peser davantage la voix des entreprises. Les entreprises d’Ile-de-France financent plus de 60 % du transport mais le trafic voyageurs des salariés ne représente que 37 % du total. Voilà donc deux chiffres à connaître. On paye 60 % et on n’a que 37 % d’utilisateurs. Je viens par ailleurs de prendre la présidence d’In’li Ile-de-France, qui gère un peu moins de 100 000 logements. Je siège aussi au conseil de surveillance de la CDC habitat. Comme les transports, le logement est un sujet un peu irritant pour les entreprises. Nous finançons en effet une grande partie du logement social en France. Mais on en récupère finalement peu de fruits, parce que nombre de ces logements sont préemptés pour des attributaires qui ne sont pas des salariés.
Quel regard portez-vous sur l’organisation administrative francilienne ?
On compte trop de strates en Ile-de-France. On a la Région, les Départements, les communes, les groupements de communes, le Grand Paris. Tout ça est très complexe. et surtout indigeste pour les chefs d’entreprise. Ce que l’on comprend, c’est qu’il y a beaucoup d’argent qui circule, mais d’un point de vue concret, le chef d’entreprise n’en a ni la visibilité ni la compréhension. Je pense que l’on gagnerait énormément à simplifier les choses.