De Corbeville au Moulon en passant par le quartier de l’école Polytechnique, le plateau de Saclay poursuit son aménagement. Mais depuis quelques mois, une vie de quartier commence à prendre forme dans ce chantier permanent.
Des grues, des palissades de chantier et des rues bloquées pour travaux : depuis bientôt dix ans, c’est un paysage en perpétuel remaniement qui accueille les visiteurs du plateau de Saclay. Cette année, cette ambiance de grands travaux est à son comble : la construction du tunnel et celle du viaduc qui accueilleront en 2026 la ligne 18 du Grand Paris express ont commencé, rendant enfin concret le futur raccordement du plateau à la métropole par un mode de transport en commun lourd.
Pourtant, en cette journée d’automne ensoleillée, le va-et-vient des véhicules de chantier ne parvient pas à cacher un phénomène très nouveau pour le campus urbain : un – timide – début de vie urbaine. Jusqu’à présent, en effet, le quartier présentait un visage plutôt austère au visiteur : à quelques exceptions près, la plupart des bâtiments étaient des parallélépipèdes en béton posés sur un paysage plat, souvent balayé par les vents. La surreprésentation des institutions académiques (grandes écoles, faculté, laboratoires de recherche), l’absence de logements familiaux et les perpétuels travaux ne favorisaient guère l’émergence d’un vrai sentiment urbain.
Des commerces désormais ouverts
L’ambiance, cependant, est en train de changer. A midi, le visiteur du quartier de l’école Polytechnique croise ainsi, non seulement des hordes toujours plus denses d’étudiants, mais aussi des groupes de jeunes lycéens, sortis du tout nouveau lycée international de Palaiseau. Devant la boulangerie du quartier, la file d’attente s’allonge. Car quelques commerces ont fait leur apparition : une supérette et une maison de la presse notamment. Et, alors que des bâtiments continuent à sortir de terre – la toute première résidence étudiante construite en bois, par exemple, ou encore le bâtiment d’enseignement mutualisé qui constituera la future entrée occidentale du campus de l’Institut polytechnique -, les espaces publics prennent vie : ainsi, la place Marguerite Perey affiche désormais fièrement sa verdure.
Le sentiment est encore bien plus net de l’autre côté de la N118, dans le quartier du Moulon. Sur le parvis de CentraleSupélec, de la musique se fait entendre : après une longue interruption due à la crise sanitaire, la vie étudiante a repris ses droits. A quelques dizaines de mètres de là, des jeunes se sont appropriés les espaces du magnifique jardin Argenté, dessiné par D’Ici là paysagistes. Et soudainement, l’on remarque une verdure qui, jusqu’alors, passait inaperçue. Certes, beaucoup de parcs restent à aménager, comme celui qui reliera le centre du quartier de l’école Polytechnique au coteau boisé proche, comme l’explique Benoît Lebau, directeur de l’aménagement à l’Etablissement public d’aménagement (EPA) Paris-Saclay.
Une verdure nouvelle
Mais, dans tout le campus, de nombreuses noues ont été plantées, le long des trottoirs ou devant des immeubles. Quelques plantes commencent même à grimper devant quelques bâtiments. Bref, certains endroits commencent à donner l’impression d’être (presque) « finis ». Tel est le cas dans le centre du quartier du Moulon. Au fil de la déambulation, l’on aperçoit des bambins jouant dans une cour d’école : fin 2019 ont en effet été livrés les premiers 600 logements familiaux du programme O’rizon. Et l’arrivée de familles a entraîné, dans son sillon, l’émergence de nouveaux besoins et de nouveaux commerces et services : supermarchés, services médicaux, etc.
Beaucoup reste à faire : « entre ce qui est engagé et livré, nous en sommes à 40 % de notre programmation », calcule Benoît Lebeau.
Reste notamment à construire le nouveau quartier de Corbeville, situé entre les deux ZAC de l’école Polytechnique et du Moulon. Pour l’heure, seuls deux chantiers y ont démarré : celui du futur hôpital de Paris-Saclay et les premiers travaux sur les espaces publics. Sur l’ancien domaine de Corbeville, cependant, naguère propriété de Thalès et où trône un petit château, quelques mobiliers urbains ont été mis en place pour ouvrir le lieu aux visiteurs. Le site sera, à l’avenir, transformé en parc. L’on espère également remettre en état la rigole qui, autrefois, alimentait les étang de Gobert, à Versailles (Yvelines). Faire vivre le plateau : tel est bien le principal défi encore à relever.
C’est en janvier 2020 que l’ex-ENS de Cachan a déménagé dans ses nouveaux locaux de Paris-Saclay, dessinés par Renzo Piano. Mais aucune inauguration officielle n’a encore eu lieu : la crise sanitaire a bouleversé l’appropriation des lieux. En cette rentrée 2021 cependant, les quelque 1 700 étudiants et 300 enseignants-chercheurs ont pris leurs marques dans cet impressionnant ensemble.
Tout de béton et de verre, les 62 500 m2 de surface de plancher des bâtiments d’enseignement et de recherche bordent en effet un immense et majestueux jardin d’un hectare. Y trônent les œuvres d’art acquises au titre du 1 % créatif (l’obligation pour les donneurs d’ordre publics de consacrer 1 % du budget de construction à l’acquisition d’œuvres) tout à la fois en 1957, à la construction du campus de Cachan, et à la faveur de celle du site de Saclay. A l’intérieur, un atrium long de 220 m dessert tout le bâtiment. D’immenses gaines le parcourent : elles servent à la ventilation naturelle et au désenfumage des lieux.
Le rez-de-chaussée affiche une hauteur sous plafond de 7 m : ici se trouvent d’immenses halles d’expérimentation, abritant des équipements souvent lourds et de dimension importante. Les sciences de l’ingénieur figurent en effet parmi les spécialités de l’ENS Paris-Saclay. Mais les sciences « molles » et artistiques ne sont pas oubliées : le site abrite également une scène de recherche, qui accueillera ses premiers spectateurs extérieurs le 14 octobre 2021. En tout, la construction de l’école est revenue à 267 millions d’euros, taxes et études préalables comprises.