J.-Ph. Dugoin-Clément : « Le Sdrif-e doit concilier le ZAN et le maintien de pôles de développement »

Jean-Philippe Dugoin-Clément décrit les enjeux et le calendrier du futur schéma directeur environnemental de la région Ile-de-France écologique (Sdrif-e). Alors que ce document stratégique va réduire le rythme et la superficie de l’artificialisation des terres, le vice-président du conseil régional en charge de l’aménagement insiste sur l’importance de la concertation avec les collectivités et l’ensemble des parties prenantes, pour identifier au mieux les zones de développement futur.

Pouvez-vous nous rappeler ce qu’est un Sdrif-e ?

Le schéma directeur de la région Ile-de-France environnemental (Sdrif-e) réglemente l’intégralité de l’aménagement et de l’urbanisme sur le territoire de la région Ile-de-France. Il dit où est-ce que l’on construit, où l’on ne construit pas, où l’on bâtit des infrastructures de transports, où se situent les réserves agricoles, industrielles, de préservation de la biodiversité ou des forêts… Il possède une puissance normative. Ce qui signifie que tous les documents infrarégionaux doivent être compatibles avec lui. C’est le cas des schémas de cohérence territoriale (Scot), dont celui de la métropole du Grand Paris, ou des plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUI). Certains de ces documents devront, par conséquent, être modifiés dans les deux ans qui suivent son adoption.

J’ajouterais qu’il s’agit d’un document très encadré par la loi, validé en Conseil d’Etat. Il tient naturellement compte, en particulier, des dispositions de la loi dite 3C, issue de la convention citoyenne sur le climat, ou du principe du zéro artificialisation nette (ZAN).

Jean-Philippe Dugoin-Clément. © Jgp

Comment se décline le Sdrif-e ?

Il comprend un plan d’aménagement et de développement durable (PADD), qui présente ses objectifs et sa philosophie générale, auquel s’ajoutent des orientations réglementaires (OR) d’une part, ainsi qu’une série de cartographies, sans toutefois descendre à l’échelle communale. Nous ne pouvons descendre en-dessous du 150 000e. Là où nous décidons de réserver des espaces à l’industrie, ce sont les communes et leurs intercommunalités qui définissent des stratégies sectorielles, décidant de créer par exemple des pôles aéronautiques ou manufacturiers. Même chose pour les typologies d’aménagement, qui ne relèvent pas du Sdrif-e. Mais les communes doivent tenir compte de ce schéma. Une commune ne pourra pas, par exemple, prévoir la construction d’un lotissement dans un secteur réservé au développement de l’agriculture.

Le Sdrif-e comportera-t-il des cartes thématisées ?

Il est assez probable, en effet, que nous travaillions sur plusieurs documents, thématisés, et non sur une seule et même carte générale. Les questions environnementales ou économiques peuvent, notamment, mériter d’être traitées spécifiquement, pour une question de lisibilité, mais aussi d’impact. Rappelons que ces cartes comprennent des pastillages, des continuités, des jonctions, des zones agricoles, de protection naturelle, de risques de crue.

Quel est le degré d’opposabilité du Sdrif-e ?

Un Scot ou un PLU ne peuvent pas être incompatibles avec le Sdrif-e. Par exemple, le Scot d’une agglomération qui ne respecterait pas les objectifs fixés par le Sdrif-e ne résisterait pas à un recours contentieux.

Quelle sera la portée de ses orientations réglementaires ?

Nous continuons de travailler à leur élaboration. On en comptera au final entre 150 et 170. Elles définissent, point par point, ce qui est autorisé et ce qui ne l’est pas. Autorise-t-on, ou pas, les zones commerciales de plus de 10 000 m2 ? Impose-t-on, sur un nouveau quartier qui se crée en extension urbaine, une densité minimale ? Autorise-t-on encore des parkings totalement à plat, sans production d’énergie, sans désimperméabilisation, ou sans utiliser la hauteur en faisant des parkings en silos ?

Quelle articulation avec le schéma de cohérence territoriale (Scot) de la métropole du Grand Paris ?

La Métropole, pour élaborer son Scot, a mené quasiment un an de négociations territoriales fines avec l’ensemble de ses communes-membres, qui a permis un certain nombre de déminages. Cela facilite les choses. Nous souhaitons aboutir à une gestion coordonnée du développement de la zone dense.

Quelles seront les orientations du Sdrif-e en matière de non-artificialisation ?

Le Sdrif-e réduira la consommation de terres naturelles par rapport à ce qui se faisait jusqu’à présent. L’Ile-de-France est particulièrement vertueuse du point de vue de la consommation d’espace car elle s’est construite de manière très dense et donc peu artificialisée. La petite couronne est l’espace urbain le plus dense d’Europe.

Ainsi, le Sdrif de 2013 prévoyait 1 315 ha de consommation annuelle. Aujourd’hui, on est à 774 ha, soit la moitié de ce qui était autorisé. Ceci prouve qu’un effort très important a d’ores et déjà été réalisé. Nous sommes sur une trajectoire vertueuse que nous souhaitons renforcer. Pour porter cette ambition, nous avons donc mené un travail important pour évaluer les besoins de développement économique, avec les Départements, les chambres consulaires, les collectivités locales pour identifier au mieux où sont les besoins vitaux. Nous pensons en effet que l’on peut concilier une réduction très forte de l’artificialisation, le maintien et le renforcement de plaques de polycentralité.

Quelle granulométrie pour les pastilles ouvrant des droits d’artificialisation ?

Pour tenir compte du ZAN, nous allons adopter une approche beaucoup plus fine du pastillage que celle retenue pour le Sdrif de 2013 pour tenir compte des enjeux territoriaux. De même, pour respecter la trajectoire ZAN, une trajectoire d’économie du foncier devra être faite sur les potentiels d’extension non cartographiés.

Quels sont les autres objectifs du Sdrif-e ?

Il doit aboutir non seulement à une région appliquant le principe du zéro artificialisation nette (ZAN), mais aussi le ZEN, comme zéro émission nette, c’est-à-dire décarbonée, luttant contre le changement climatique, assurant la transformation du bâti, celle de l’industrie, de l’énergie, ainsi que la renaturation. Le Sdrif-e doit conduire également à une région circulaire, zéro déchet, qui réemploie, réutilise, qui soit plus sobre, moins dépendante aussi, puisque 80 % des matériaux utilisés en Ile-de-France sont importés de l’étranger. Nous sommes la région qui porte l’économie du pays, avec 31 % du PIB national. Pour autant, notre écosystème économique est fragile parce que dépendant de l’extérieur.

Quelle a été la concertation dans le cadre de l’élaboration du Sdrif-e ?

Avec Valérie Pécresse, nous avons tenu à être au plus près des territoires, des acteurs associatifs et économiques. Un travail considérable a été effectué depuis novembre 2021 avec les Départements, l’ensemble des communes et de leurs intercommunalités, les chambres consulaires, les établissements publics d’aménagement, le Conseil économique social et environnemental régional (Ceser). La concertation s’est tenue à plusieurs niveaux. La première, menée au titre du code de l’urbanisme, a été entamée l’été dernier et s’achèvera cet été, avec la présentation d’une première mouture du Sdrif-e. Il s’agit là d’une concertation qui permet à l’ensemble des acteurs, particuliers, associations, collectivités, entreprises, fédérations professionnelles de contribuer, d’exprimer leurs lignes rouges. 5 000 contributions ont été recueillies sur la plateforme citoyenne que nous avons mise en place dans ce cadre.

Par ailleurs, nous avons mis en place un Comité des partenaires  et une Conférence des territoires franciliens, qui s’est déjà réunie quatre fois et qui se réunira de nouveau le 7 avril prochain. Y siègent l’ensemble des personnes publiques associées (PPA), soit l’ensemble des niveaux de collectivités et un certain nombre d’acteurs institutionnels qui ont ainsi pu travailler avec nous sur des thématiques particulières : protection environnementale, développement économique, crise du logement, etc.

Une autre concertation a eu lieu au titre du code de l’environnement, sur une durée de trois mois, soit la durée maximum prévue par les textes. Elle s’est achevée le 16 décembre et a été encadrée par la Commission nationale du débat public (CNDP). Une quarantaine de réunions publiques ont eu lieu dans ce cadre, un bus a sillonné la région, avec une cinquantaine d’arrêts. Enfin, une conférence citoyenne a été mise en œuvre, réunie trois samedis, tout au long de la journée, à l’Institut Paris Region. Nous avons reçu un satisfecit de la part des deux garants de la CNDP, qui ont remis un rapport très positif sur la façon avec laquelle cette concertation a été menée.

Quel regard portez-vous sur la crise du logement ?

L’Ile-de-France est une région très particulière, qui représente 18 % de la population française. Elle compte 31 % de son produit intérieur brut, et accueille toujours 50 000 nouveaux habitants par an et 1,35 million de mal-logés cette année, contre 1,2 million l’an dernier, 2,5 millions de personnes en suroccupation de logement. Nous sommes confrontés à une crise du logement absolument incroyable. Tout l’enjeu du Sdrif-e consiste à inscrire la région dans la trajectoire du zéro artificialisation nette (ZAN) des sols, sans pour autant aboutir à un document qui soit antisocial et crée une bombe à retardement. Cela suppose une bonne articulation entre ces différents objectifs. Une obligation morale, sociale s’impose à nous : permettre aux Franciliens de se loger.

Le Sdrif-e fixe-t-il des objectifs territorialisés de construction de logements ?

Ce sera  le rôle du SRHH (schéma régional de l’habitat et de l’hébergement), établi par le CRHH, le Comité régional de l’habitat et de l’hébergement, co-présidé par l’Etat et la Région. Ce document doit répondre à l’exigence de la loi relative au Grand Paris, qui fixe un objectif de construction de 70 000 logements par an en Ile-de-France, dont 37 000 logements sociaux. C’est au SRHH qu’il revient de fixer la territorialisation de ces objectifs de construction par agglomération. Le Sdrif-e n’a pas vocation, selon nous, à se substituer à une instance collégiale rassemblant la Région et l’Etat. Même si le Sdrif-e contiendra des objectifs ambitieux, sur la question du logement pour tous notamment.

Le Sdrif-e sera soumis au vote définitif du conseil régional à l’été 2024 avant d’être soumis au Conseil d’Etat. © Jgp

Quel regard portez-vous sur le Sdrif de 2013 ?

Depuis plus de 20 ans, la région Ile-de-France, contrairement aux autres régions de France, connait une intégration, une mise en cohérence de ses politiques d’aménagement plus forte. L’Ile-de-France a toujours été traitée différemment. Nous considérons que le Sdrif de 2013 a eu de nombreux effets positifs. Même si nous ne partageons pas l’ensemble de ses dispositions. J’ajouterais qu’il présente l’intérêt, dix ans après son adoption, d’être compris et intégré par les différents acteurs. Je pense par exemple à la question des pastilles. Nous allons conserver un système de pastillage car les acteurs directement concernés connaissent leur signification. Il en est de même lorsque l’on parle de trame verte. Autrement dit, nous travaillons sur la base de l’existant. Pour autant, la réalité, est qu’au cours des dix dernières années, le monde a profondément changé et que notre cadre d’aménagement doit donc lui aussi évoluer.

Pourquoi insistez-vous sur l’importance du travail de concertation menée en amont ?

Le Sdrif-e doit marcher sur ses deux jambes : l’une impose l’autre propose. Le Sdrif-e comprend des interdictions et il ouvre des droits. Si le bloc communal qui gère le droit du sol ne veut pas se saisir de ces opportunités, il restera unijambiste. C’est une des raisons pour lesquelles nous avons passé une année à travailler avec les Départements, les agglomérations et les communes pour construire une ambition régionale.

Quelles sont les prochaines étapes ?

Un travail de finalisation avec les personnes publiques associées (PPA) sur la pré-version du Sdrif-e commencera le 7 avril au terme de la Conférence des territoires franciliens. Un travail d’ajustement  jusqu’au mois de juin, afin d’aboutir à un document qui pourra être arrêté à l’été prochain.

Ce document fera l’objet d’une enquête publique à l’hiver 2023-2024 et il sera soumis au vote définitif du conseil régional à l’été 2024 avant d’être soumis au Conseil d’Etat.

Comment l’Etat est-il associé à ce travail ?

Nous discutons d’ores et déjà beaucoup avec les représentants de l’Etat, dans le cadre de comités techniques et de pilotage réguliers. Contrairement à 2013, l’Etat n’est plus formellement en co-élaboration du Sdrif-e avec le conseil régional. Il est aujourd’hui une personne publique associée, au même titre que les autres. Nous avons néanmoins voulu mener avec lui un travail partenarial pour harmoniser le plus possible nos positions et permettre un aménagement efficace, volontaire et résilient de la Région capitale, première région d’Europe..

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