Dans une exposition créée par le Pavillon de l’Arsenal, les journalistes Catherine Sabbah et Olivier Namias, commissaires invités, retracent l’histoire de l’hôtellerie en Ile-de-France, de la création du Meurice en 1815 aux plus récents ouvrages. Une mine d’informations à la fois historiques, techniques et sociologiques, avec la présentation de prototypes décarbonés de la chambre d’hôtel du futur.
« Figure familière de nos villes, enracinée depuis toujours dans le paysage urbain, l’hôtel est un édifice en mutation perpétuelle construit pour anticiper les évolutions sociétales, économiques et culturelles », indiquent les commissaires de l’exposition. Hôtel métropole révèle l’histoire de cette architecture depuis sa naissance, dresse le portrait du parc hôtelier métropolitain actuel et explore les perspectives de ces établissements à l’heure des nouveaux enjeux climatiques, résument Catherine Sabbah et Olivier Namias, dont les études historiques et techniques sont accompagnées des travaux des ingénieurs de S2T et des architectes de On Cities.
« Depuis l’ouverture de l’hôtel Meurice en 1815, l’évolution de cet habitat temporaire et des services associés offre, plus que tout autre programme, un stimulant portrait de la ville par anticipation : techniques constructives d’avant-garde, transformation de l’usage des immeubles et attentes de la société. Premières salles de bains, ascenseurs, climatiseurs, programmes mixtes, préfabrication, informatique… l’hôtel est depuis deux siècles le laboratoire de la construction et l’accélérateur de nouvelles pratiques, soulignent Catherine Sabbah et Olivier Namias. Multiple dans sa forme et divers dans les services associés, ce programme se glisse dans tous les types de bâtiments, investissant parkings, tours, centraux téléphoniques, anciennes postes, hôtels particuliers et même les bureaux ces dernières années. »
À la veille du rendez-vous olympique de 2024, le Grand Paris réinvente son architecture hôtelière. Chambre familiale, lit-capsule, dortoir, suite XXL, toiture habitée, cour végétalisée, lobby multifonction, plus de 150 projets répondant à tous les goûts et tous les budgets, sont en cours d’étude ou de construction, apprend-on également.
Course à l’innovation
L’expo retrace les grandes heures de l’hôtellerie parisienne. L’hôtel Meurice, dont les commodités en font le prototype de l’hôtel moderne, se démarque des traditionnelles auberges au confort aléatoire par la qualité et l’éventail de ses services : logements de différentes tailles, blanchisserie, salons, personnel anglophone. « A partir de 1855, date de la première Exposition universelle, les exigences des visiteurs venus de l’étranger servent les desseins des spéculateurs immobiliers désireux d’urbaniser la rive droite », indiquent les commissaires.
Le Grand hôtel du Louvre voit le jour en 1855, puis le Grand Hôtel, place de l’Opéra, en 1862. Sous la III° République, les propriétaires des compagnies ferroviaires édifient de grands hôtels à proximité immédiate des gares : Terminus Saint-Lazare connecté directement aux quais par une passerelle, Terminus Nord, Terminus Est, Hôtel de la gare d’Orsay. « Avec l’ouverture du Ritz en 1898 et de l’Elysée palace quelques mois plus tard, le terme « palace » apparaît en France », notent les commissaires.
Face à la concurrence, les propriétaires de ces équipements se livrent à une course à l’innovation : en 1904, les salons du Régina sont couverts d’un plafond vitré amovible, actionné par un système hydraulique installé en sous-sol. En 1908, au Chatham, de l’eau chaude circule dans les supports de serviette des salles de bains…
En 1966, le Hilton Suffren est le premier grand hôtel ouvert dans la capitale depuis les années 1930, important à Paris les valeurs de « l’american way of life », apprend-on encore. Les compagnies aériennes ouvrent leurs propres établissements, à l’instar du Méridien, Porte Maillot, construit par Air France ou de l’hôtel Nikko, dans le quartier du Front de Seine, que l’on doit à la Japan airlines.
1984 : 1er Formule 1 à Evry
A partir des années 1970, Novotel inaugure le déploiement d’une hôtellerie de chaîne intégrée française qui se diffusera sur tout le territoire. Le groupe Accor ouvre son premier Formule 1 à Evry en 1984, « aboutissement de ces hébergements préfabriqués, réalisés en quelques semaines, grâce à un procédé développé sur mesure par des entreprises du BTP », raconte Catherine Sabbah.
L’histoire d’Hôtel métropole se poursuit à Disney, où Antoine Grumbach sera le seul architecte français retenu pour construire les nombreuses chambres du resort touristique, et à la Villette, avec les hôtels Holyday Inn et Forest Hill, confiés à Christian de Portzamparc et Gérard Thurnauer. Elle s’achève avec des ouvrages tels que le Novotel suites Paris expo de la Porte de Versailles, (Biecher architectes) ou le Joe & Joe de Gentilly, dessiné par Jean-Paul Viguier et associés. L’expo fait également la part belle aux projets, à l’instar du 1Hotel et Slo Living Hôtel, qui s’élèvera en 2022 au 175 avenue de France (Compagnie de Phalsbourg / Semapa / Kengo Kuma).
Hôtel métropole, depuis 1818 : Exposition créée par le Pavillon de l’Arsenal
Catherine Sabbah & Olivier Namias, commissaires scientifiques invités
avec les installations de Cigue, Nicolas Dorval-Bory associé à Vorbot, Lina Ghotmeh, Jean-Benoît Vétillard et les contributions de On Cities et S2T.
La région parisienne compte aujourd’hui 2 450 hôtels totalisant plus de 150 000 chambres. En 2018, ces établissements ont assuré 52 millions de nuitées, (2° rang européen après Londres), affichant une fréquentation en hausse constante malgré l’apparition de nouveaux acteurs et notamment les plateformes de location d’hébergement de particuliers. En nombre de chambres, le parc francilien se situe parmi les plus importants au monde, aux côtés de New York, Orlando, Las Vegas. « La région compte huit fois plus de chambres que Lourdes, qui occupe en France la deuxième marche du podium », indique Olivier Namias.
L’hôtellerie génère 47 500 emplois directs, soit 1/6° des 295 000 emplois touristiques du Grand Paris en 2017, et un chiffre d’affaires de 3,7 milliards d’euros. Avec un taux d’occupation moyen qui se maintient depuis des décennies entre 70 % et 80 %, et qui semble « n’être affecté qu’à la marge par l’offre des plateformes de location en ligne ».
Dans le cadre de cette exposition, quatre équipes pluridisciplinaires interrogent le devenir des espaces hôteliers sous le prisme des enjeux climatiques. Au travers de prototypes à échelle 1, chacun explore de nouvelles perspectives.
Jean-Benoît Vétillard réinterprète l’enseigne hôtelière et le lobby avec une marquise réalisée en fibre végétale et alimentée par l’alternateur d’une porte tambour. Lina Ghotmeh questionne le potentiel des nouveaux usages de la chambre adaptable en bureau, salle de fitness, espace de travail, studio d’enregistrement en libérant dans un « app wall » l’ensemble des fonctions de couchage et d’hygiène. Associé à l’agence Vorbot, Nicolas Dorval-Bory propose de décarboner le couloir, véritable colonne vertébrale de l’immeuble accueillant l’ensemble des gaines et réseaux, alors que les architectes constructeurs de l’agence Ciguë mettent en œuvre une salle de bain vertueuse en matériaux de réemploi qui permet de consommer moins d’eau, rappelant que chaque client utilise en moyenne 300 litres d’eau à l’hôtel.