Le nouveau président du Syctom, Eric Cesari, décrit les ambitions de l’agence métropolitaine des déchets en matière de valorisation et de réduction des volumes produits en Ile-de-France. Il revient également sur l’impact de la pandémie et détaille les grands chantiers du syndicat.
Quelles sont les grandes orientations de votre mandat à la présidence du Syctom ?
Si je dois résumer en une phrase, je dirais que l’ambition que je souhaite partager est de faire du Syctom le « champion de la valorisation »… Pas seulement pour être en conformité avec les objectifs affichés par l’Union européenne et la France en faveur de l’économie circulaire. Mais bien parce que nous avons, collectivement, la volonté d’agir face aux défis environnementaux. Atteindre cet objectif demandera du temps, beaucoup, et de l’énergie, encore plus, pour développer et rendre efficace les différentes filières alternatives à l’enfouissement et l’incinération.
Sur le territoire du Syctom nous traitons près de 2,4 millions de tonnes par an et l’enfouissement représente un peu moins de 7 %. Mais ce sont encore 7 % de trop ! (en comparaison, la moyenne nationale est de 30 % de déchets ménagers encore enfouis chaque année). La grande priorité des années à venir pour le Syctom sera donc d’agir pour mettre un terme à l’enfouissement des déchets qui pourraient être valorisés.
Souhaitez-vous également réduire l’incinération ?
Absolument. Déjà, la future unité de valorisation énergétique à Ivry/Paris XIII aura une capacité divisée par deux : ce seront donc 350 000 tonnes qui ne pourront plus être incinérées et pour lesquelles nous devrons trouver de nouvelles formes de valorisation ou… que nous devrons réussir collectivement à ne pas produire !
Pour répondre à la complexité de ces enjeux, le Syctom devra poursuivre ses investissements en matière d’innovation, afin d’assurer en permanence la modernisation de ses installations et continuer à financer les projets de R&D nécessaires à faire émerger de nouvelles pistes de valorisation et à améliorer encore les performances environnementales de ses usines. Nous devons également concourir plus encore à prévenir la production des déchets et sensibiliser à la nécessité du tri. C’est LE grand défi du Syctom pour les années à venir !
Comment comptez-vous accélérer le rythme de réduction de la quantité de déchets produits en Ile-de-France ?
C’est un défi qui ne peut être relevé que collectivement. C’est pour cette raison que le Syctom a associé tous les acteurs volontaires (EPT, Communes, Région, associations, représentants des producteurs de déchets, acteurs du traitement, etc.) à la construction d’un plan de prévention et de sensibilisation en 35 actions. D’où son nom, « Le Grand défi ». Ce sont, pour beaucoup, des actions de proximité : développer la sensibilisation des scolaires, multiplier les visites de sites, ouvrir une Maison des déchets, mener des opérations de communication ciblées à l’adresse des différents producteurs de déchets, etc.
Il faut aussi travailler l’amont et c’est sans doute encore plus stratégique, en faisant preuve de pédagogie sur deux axes : nous avons un rôle à jouer en direction des industriels avec lesquels il faut travailler à la promotion de l’écoconception ou de l’économie de la fonctionnalité et de l’usage ; et nous devons renforcer les moyens de sensibilisation des populations.
Pourquoi insistez- vous sur la nécessité d’un partenariat avec les collectivités ?
Parce que le plan d’actions a été construit avec, en particulier, les collectivités adhérentes au Syctom et ne pourra pas être mis en œuvre sans leur collaboration. C’est la raison pour laquelle je souhaite développer des contrats d’objectifs partagés entre le Syctom et les territoires adhérents. Je me suis d’ores et déjà adressé aux présidents de territoire pour leur proposer d’échanger sur les enjeux que nous devons relever ensemble. Les maires des 85 communes du territoire peuvent également compter sur mon entière disponibilité pour développer des actions adaptées aux particularités locales.
Quel est l’impact de la Covid-19 et à quoi est-il dû ? Autrement dit, comment la crise sanitaire affecte-t-elle vos recettes ?
En premier lieu, la crise de la Covid-19 s’est traduite par une baisse des déchets collectés et donc par celle des recettes liées à la vente de l’énergie produite et des déchets recyclables. L’estimation provisoire du surcoût et des moindres recettes liées à la crise sanitaire représente une perte de 8,6 millions d’euros (10 millions d’euros de perte de redevances et 4,7 millions de pertes de recettes énergétiques/subventions compensés à hauteur de seulement 6,1 millions d’euros d’économies liées aux dépenses de traitement en moins).
Les finances du Syctom ont également été mises à rude épreuve par les grèves qui sont intervenues dans nos unités de valorisation énergétique dans le cadre de la contestation contre la réforme des retraites à la fin de l’année 2019 et au début de l’année 2020. Les surcoûts et moindres recettes liées à ces mouvements de grève s’élèvent à 19,2 millions d’euros. C’est donc au total 27,8 millions d’euros que le Syctom va devoir trouver pour équilibrer son budget ! A ces contraintes budgétaires viennent également s’ajouter l’augmentation de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP – soit – 30 millions d’euros par an à compter de 2023) décidée par le gouvernement. Il faut aussi faire face à la chute du cours des matières recyclées.
Quelle est votre position sur ce dernier point ?
Il faut une réaction forte du gouvernement pour aider les acteurs économiques à structurer les filières et à former le marché. Tant que celui-ci n’aura pas atteint la « maturité » minimale par l’équilibre des prix entre matière recyclée et matière première, il sera impossible d’assurer une sortie « industrielle » et donc aucune chance de réduire le niveau de l’incinération. L’État doit donc s’engager pour consolider l’avenir des filières de recyclage avec, par exemple, la création d’une caisse d’amortissement destinée à soutenir l’effort financier de « l’acheteur »… sinon les produits recyclés resteront invendus et, dans la durée, cela sera économiquement insoutenable pour nous.
Ou en est la rénovation du centre d’Ivry ?
C’est un chantier impressionnant qui a pour objectif de transformer l’ancienne usine, en fin de vie après 50 ans de fonctionnement, en une unité de valorisation énergétique moderne et à la pointe de la technologie. La nouvelle usine sera opérationnelle en 2023 et sera dotée des équipements les plus performants en matière de protection de l’environnement : odeurs maîtrisées, bruit atténué, réduction des rejets atmosphériques et réduction des flux de circulations. A l’issue des travaux de construction de la nouvelle unité, commencera la déconstruction de l’ancienne.
Une deuxième unité, appelée unité de valorisation organique (UVO), était initialement envisagée sur l’emplacement de l’usine actuelle. Suite à la demande du maire d’Ivry-sur-Seine, les élus du Syctom ont voté fin 2019 un moratoire de trois ans sur ce projet d’UVO. Ce moratoire vise avant tout l’unité de tri-préparation des OMR (ordures ménagères résiduelles, ndlr), objet des débats, sans remettre en cause l’unité de préparation des biodéchets, jugée indispensable.
Ces trois années doivent être mises à profit pour mettre en œuvre un plan d’actions et de prévention sans précédent – le Grand défi, dont je vous ai parlé précédemment – et développer la collecte séparée des déchets alimentaires, tout en poursuivant les efforts sur la collecte des papiers et des emballages. Le dimensionnement et la nature des procédés prévus dans l’UVO pourraient donc être revus à l’aune de la réussite de ces deux actions.
Comment préparez-vous l’échéance de 2025 pour la collecte et le traitement des biodéchets ?
D’ici à 2024, le tri à la source des biodéchets doit être généralisé pour l’ensemble des producteurs : que ce soit les plus gros (restaurants, cantines, marchés, etc.) ou les plus petits, à savoir les ménages. Suivant le type d’habitat et la densité de population, les solutions techniques mises en place devront être différentes : compostage de proximité par endroit, collecte en porte-à-porte ou en apport volontaire et traitement industriel à d’autres.
Je rappelle à cette occasion que le Syctom est en charge du traitement des déchets que lui apportent les collectivités, les opérations de collecte étant normalement à la charge des collectivités. Malgré tout et afin d’amorcer la gestion de ces déchets alimentaires, le Syctom accompagne déjà depuis plusieurs années les collectivités volontaires dans la mise en place de solutions locales : fourniture de composteurs ou expérimentation de collecte séparative. Pour la collecte séparative, le mouvement a commencé pour les plus gros producteurs : cantines scolaires et marchés aux comestibles. Des expérimentations de collecte en porte à porte pour les ménages sont également en cours, notamment dans certains arrondissements parisiens.
Quels efforts réalisez-vous en matière de traitement ?
Notre compétence étant le traitement, c’est là que porte en effet l’essentiel de nos efforts ; la valorisation matière et énergétique des déchets organiques est d’ailleurs au cœur de plusieurs programmes d’innovation soutenus par le Syctom. Cela passe, par exemple, par la maîtrise d’ouvrage avec le Sigeif d’un projet de construction d’une unité de bio-méthanisation au port de Gennevilliers (production du biogaz pour l’injecter dans le réseau de GRDF à partir du gisement de matière organique contenue dans les déchets alimentaires). L’attribution d’un contrat de concession pour la conception, la construction et l’exploitation de cette unité devrait être concrétisé à l’automne prochain.
Le projet Cométha – porté par le Syctom et le Siaap – s’appuie lui aussi sur la valorisation du potentiel énergétique de la matière organique qui n’aurait pas été triée préalablement par les habitants et resterait alors dans les ordures ménagères et dans les boues et graisses d’épuration provenant du traitement des eaux usées, ainsi que dans le fumier équin. La phase de R&D est achevée et les deux équipes lauréates préparent actuellement la construction de deux unités pilotes sur deux sites du Siaap, avant de déboucher, éventuellement, sur la construction d’une unité industrielle.
Quels sont les grands projets de la mandature qui s’ouvre ?
Comme je vous le disais précédemment, le défi de l’amélioration des performances de tri et la recherche de nouvelles formes de valorisation des déchets conduit le Syctom à réaliser en permanence d’importants travaux d’entretien, de modernisation et de transformation de son outil industriel. Il s’agit d’investir pour continuer à offrir un service public performant, adapté aux exigences de l’économie circulaire et de la protection de l’environnement. Je vous ai déjà parlé de la reconstruction de l’UVO à Ivry/Paris XIII et du projet d’unité de méthanisation à Gennevilliers, qui sont deux exemples emblématiques des projets du Syctom.
Quels sont les autres grands projets en chantier ou à l’étude ?
Citons la rénovation de l’Etoile verte à Saint-Ouen-sur-Seine avec des enjeux fondamentaux pour l’acceptation de l’usine au sein de l’écoquartier des Docks : intégration architecturale du bâtiment par l’adjonction de bâtiments tertiaires et végétalisation des toitures et des terrasses, auxquels s’ajoutent la suppression des nuisances sonores et olfactives et l’optimisation du traitement des fumées pour un coût de 210 millions d’euros.
Je citerais également l’augmentation de la capacité de tri et d’adaptation à l’extension des consignes de tri dans le centre de Nanterre (de 39 000 à 55 000 tonnes/an) pour un montant de 45 millions d’euros. Des études sont également en cours pour améliorer le centre de tri de Sevran.
Et enfin bien sûr, un projet à l’étude à Romainville pour doter le quart nord-est parisien d’un centre de tri et de réception des ordures ménagères plus adapté au nouveau paysage urbain et aux exigences environnementales du territoire et du Syctom (extension de la capacité de tri, réception des déchets alimentaires, maintien de la déchèterie, création d’une ressourcerie, utilisation du Canal de l’Ourcq pour le transport fluvial afin de limiter le transport par camions).
Prévoyez-vous des évolutions dans vos relations avec Suez ?
Je suppose que si la question est posée, c’est bien sûr en rapport avec la volonté de rachat de Suez par Veolia. Suez est, au même titre que Veolia, l’un de nos exploitants. Dans ce contexte, je ne souhaite donc faire aucun commentaire… Sauf à rappeler que le Syctom est un syndicat « fermé », composé exclusivement de collectivités locales et que ses relations avec ses exploitants, comme avec l’ensemble de ses fournisseurs, sont régies de manière très stricte par le code des marchés publics.