Les Ateliers Médicis, emblème du Grand Paris de la culture

Les Ateliers Médicis de Clichy-Montfermeil (Seine-Saint-Denis) symbolisent la mutation d’un territoire emblématique d’un certain mal-être des banlieues. Les Ateliers disposeront prochainement d’un bâtiment provisoire situé entre Clichy-sous-Bois et Montfermeil (Seine-Saint-Denis). Avant le lancement du bâtiment définitif. Zoom sur un des projets phares du Grand Paris de la culture.

« Les émeutes de 2005 ne furent que l’expression la plus dramatique du lent processus d’enfermement et d’assignation de Clichy-sous-Bois et Montfermeil », rappelle Olivier Meneux, directeur des Ateliers Médicis. Avec la solennité un rien lyrique de ceux qui croient en ce qu’ils font. Ce projet emblématique du Grand Paris de la culture, lancé en 2015, avance à vive allure. Dans des bureaux où s’active une dizaine de personnes, à deux pas de la future gare de la ligne 16 du Grand Paris express, Olivier Meneux peut désigner du doigt l’emplacement du bâtiment provisoire qui accueillera les Ateliers Médicis jusqu’au début de la prochaine décennie. Une maison du projet située le long de la Dhuys (*), à la place d’un petit square, contribuera à la préfiguration du bâtiment définitif qui prendra place là où s’élève, encore aujourd’hui, la tour Utrillo. De vastes immeubles de bureaux qui ne furent jamais vraiment occupés et dont la déconstruction a commencé.

Concilier l’excellence et l’ouverture

Les Ateliers Médicis ? L’idée est née peu après les tensions urbaines et sociales de 2005. L’une des préoccupations des élus était de ne pas se laisser enfermer dans une image négative. La culture est apparue comme un levier de cohésion sociale et un moyen de changer les regards. Les maires ont alors plaidé pour que leurs villes, particulièrement enclavées, aient aussi le droit au meilleur. Ils ont fait part de leur projet au ministre de la Culture de l’époque, Frédéric Mitterrand : construire une résidence d’artistes empruntant son nom à la prestigieuse Villa Médicis de Rome, au cœur d’un quartier en rénovation urbaine.

Ateliers Médicis

Projet culturel emblématique du Grand Paris, les Ateliers Médicis seront hébergés dans un bâtiment provisoire signé de l’agence d’architectes Encore Heureux. Il ouvrira ses portes début 2018. © DR

En 2011, le ministre de la Culture fait racheter par l’Etat la tour Utrillo. Validé en 2015 par Fleur Pellerin après un temps d’arrêt, le projet n’a pas changé de nature : concilier l’excellence artistique en soutenant des artistes de renom national et international et l’art pour tous, à travers la présence de ces artistes dans les écoles, auprès des habitants, par le biais de spectacles, d’expositions et d’enseignements artistiques. En faisant de Clichy-Montfermeil et de ses populations le sujet de leurs créations. « Avec un calendrier concomitant à celui de l’arrivée de la ligne 16 du Grand Paris express, les Ateliers Médicis doivent participer à la démonstration que Clichy-Montfermeil peut également être un lieu de vie artistique et culturelle, un lieu de destination en somme, et pas seulement une ville que l’on quitte le matin pour aller travailler et où l’on rentre pour dormir », résume le maire de Clichy-sous-Bois, Olivier Klein.

Bienvenue dans un monde de culture partagée

« Difficile, jusqu’à présent, de se sentir relié à la société lorsque l’on met 40 mn en bus pour rejoindre les gares RER du Raincy ou de Gagny, portes d’entrée du réseau vers le reste du monde », poursuit Olivier Meneux. Un enclavement qui appartiendra bientôt au passé, avec la desserte des lieux par le Grand Paris express d’une part et le tramway T4 d’autre part. Bye-bye les clichés véhiculés par Fox News sur toute la surface du globe, dont les journalistes évoquent les « Muslim riots », après les émeutes de 2005.

Bienvenue dans un monde de culture partagée… C’est tout le sens du projet, qui est donc désormais déjà une réalité. Jean-François Carenco, ancien préfet d’Ile-de-France qui siège au sein du conseil d’administration de l’établissement public de coopération culturelle (EPCC) Ateliers Médicis, créé en 2016 pour porter le projet, ne tarit pas d’éloges. Il loue, à chaque occasion, un chantier qu’il considère comme la meilleure illustration « du Grand Paris créateur de lien social, de développement économique et d’émotion culturelle » qu’il appelle de ses vœux. En joignant le geste à la parole. L’Etat finance le projet – dont le budget de fonctionnement s’élève à 1,5 million d’euros – à hauteur de 80 %. Les villes de Clichy-sous-Bois et de Montfermeil, l’établissement public territorial Grand Paris – Grand Est, le département de Seine-Saint-Denis, la métropole du Grand Paris, la région Ile-de-France et la ville de Paris complètent le tour de table.

Des dizaines d’artistes

Les Ateliers Médicis accueillent actuellement des dizaines d’artistes, photographes, plasticiens, musiciens,… L’atelier a ainsi initié différents programmes culturels, dont
« Créations en cours », qui soutient 130 jeunes artistes et les fait intervenir à l’échelle nationale dans les écoles de territoires éloignés de la culture, en partenariat avec le ministère de la Culture et le ministère de l’Education nationale, ou « Les Regards du Grand Paris », la commande photographique à laquelle participent dix photographes œuvrant sur les mutations de la métropole.

Olivier Meneux, directeur des Ateliers Médicis. © DR

A l’instar de la création, par le designer urbain Malte Martin et l’écrivain Mathieu Simonet, d’une signalétique sensible dans une ville fortement concernée par les chantiers du tramway T4, ou du travail d’écriture de la réalisatrice Alice Diop pour son prochain film (une adaptation du livre de François Maspero « Les Passagers du Roissy express »), les actions engagées sont déjà nombreuses et plusieurs spectacles en milieu ouvert ont été organisés. « Le territoire a besoin d’hybridation », répète Olivier Meneux, ravi du succès rencontré par les premières performances publiques organisées auprès des habitants.

Facteur d’attractivité

En mai 2017 démarrera donc la construction de la maison du projet, qui prendra place dans un bâtiment démontable, le long de l’aqueduc de la Dhuys. Son ouverture est prévue en janvier 2018. Sur 800 m2 répartis sur plusieurs niveaux, ce bâtiment, dessiné par l’agence d’architectes Encore Heureux, comprendra un espace d’accueil du public, des ateliers d’artistes, une salle de spectacle d’une centaine de places pouvant se transformer en un lieu d’exposition, ainsi qu’une vaste terrasse et des locaux administratifs. Olivier Meneux ne cache pas qu’il espère que la réglementation de Natura 2000, qui s’impose sur ce site, puisse se détendre pour que le bâtiment provisoire demeure au-delà des six à huit ans prévus. Il accompagnerait ainsi le bâtiment définitif, prévu à la place de la tour Utrillo, face à la sortie de la gare de la ligne 16 du Grand Paris express, dont le projet, qui devrait s’étendre sur 20 000 m2, est en cours d’élaboration. Olivier Meneux y voit des espaces de création, de spectacle et d’exposition, d’enseignement des arts mais aussi une bibliothèque du futur, un tiers-lieu abritant les coworkers et autres nomades d’un monde du travail également réinventé. La culture, conclut Olivier Meneux, demeure le meilleur des facteurs d’attractivité.

La tour Utrillo, en cours de déconstruction, laissera place aux Ateliers Médicis. © Jgp

* L’aqueduc de la Dhuys est un ouvrage souterrain, qui capte une partie des eaux de la Dhuis (ou Dhuys), un petit cours d’eau de la Marne et de l’Aisne d’une vingtaine de km de long, affluent du Surmelin. La longueur totale de l’aqueduc varie suivant les sources, entre 129,6 km et 131,162 km.

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