Le comité de sauvegarde des sites de Meudon (Hauts-de-Seine) ainsi que les amis de l’avenue de Château ont déposé un recours gracieux auprès de la mairie contre des permis de construire accordés au promoteur Batiterre, qui souhaite lotir le jardin de la maison Schacher, joyau de l’architecture second empire.
L’historienne Anne Pingeot, l’animateur et défenseur du patrimoine Stéphane Bern, ainsi que plusieurs éditorialistes de renom se pressent à son chevet : la villa Charles Schacher, sise non loin de l’observatoire de Meudon, au 11 bis rue des Capucins, n’est pas directement menacée. Cette demeure construite par l’industriel Charles Schacher (1806-1883), puis vendue à Albert de Jaeger, sculpteur de renom, dont la descendance est toujours propriétaire, est protégée, depuis 2010, par le plan local d’urbanisme (*). Mais le promoteur Batiterre a acquis une partie de son jardin et obtenu des permis de construire pour y construire quatre maisons individuelles. Le même promoteur tente, par ailleurs, d’acquérir la demeure pour y réaliser plusieurs appartements.
« Le projet de construction de quatre maisons individuelles dans la partie basse du parc bordant l’avenue Marcellin Berthelot ne nous parait répondre ni aux exigences de qualité qu’impose la nature de cette avenue comparable à la rue des Capucins, ni à celles d’intégration paysagère résultant de la proximité de deux monuments historiques – l’avenue du Château et la maison André Bloc – présentant une covisibilité avec les quatre maisons projetées », indiquent les associations pour étayer leur recours.
Trois arbres remarquables
« Le jardin comporte trois arbres, recensés comme remarquables dans l’inventaire des Hauts-de Seine, souligne l’historien de l’art François de Vergnette : un cèdre de l’Himalaya, un cèdre du Liban et un séquoia géant de Californie. Ces derniers ont été probablement plantés au moment de la construction de la maison. Ces arbres en cœur d’îlot sont également repérés dans le PLU depuis 2010 et doivent être conservés ».
« Entre 2017 et 2018, la commune a pu empêcher plusieurs projets, notamment d’immeuble collectif sur la partie basse du terrain et la construction d’une maison sur la partie haute à immédiate proximité de la villa, souligne la municipalité. En juin 2020, après l’avis de l’architecte des bâtiments de France (ABF), le maire de Meudon a délivré un permis d’aménager pour quatre maisons individuelles, dans la partie basse de la propriété, sans impact sur la maison protégée, évitant ainsi une urbanisation trop importante et préservant les arbres en cœur d’îlot, poursuit la mairie. Le permis d’aménager a reçu, comme les permis de construire, l’accord préalable de l’ABF. Récemment, le maire de Meudon a mis en demeure les propriétaires indivis de prendre toutes les dispositions pour sécuriser les lieux et préserver cette maison », ajoute-t-on.
* Immeubles à protéger et à mettre en valeur, et prescriptions de nature à assurer leur protection, au titre de l’article L. 123-1-5 III 2e, désormais codifié à l’article L. 151-19 du code de l’urbanisme.
François de Vergnette : « Une grande culture architecturale »
« L’architecte de cette maison [qui n’est pas identifié, ndlr] montre une grande culture architecturale, avec des références allant du Maniérisme au XVIIIe siècle et le goût d’une ornementation architecturale très riche, indique l’historien de l’art François de Vergnette. C’est pour cela qu’il n’est pas insensé d’envisager que cette villa soit l’œuvre d’Hector Lefuel (1810-1881), l’architecte du Nouveau Louvre de Napoléon III, qui depuis 1848 était en charge du Château neuf de Meudon. D’autres noms d’architectes peuvent être avancés, comme Armand Berthelin (1811-1877), qui a construit le château Rothschild (1855-1861) à Boulogne-Billancourt et dont certains détails ornementaux rappellent la villa de Meudon, ou comme Adolphe Azémar (1807-1864), qui à Saint-Cloud réalisa une villa suburbaine à l’élévation comparable pour le secrétaire de Napoléon III ».
La demeure d’Albert de Jaeger
En 1940, la maison Schacher a été achetée par le sculpteur Albert de Jaeger (1908-1992), élève d’Henri Bouchard et de Paul Niclausse, et Prix de Rome de médaille en 1935. « Sous l’Occupation, en 1942, Albert de Jaeger a eu l’audace et le courage d’y concevoir la médaille du général de Gaulle, qui a été éditée à la Libération en 1944 par la Monnaie de Paris, indique François de Vergnette. Après la guerre, dans sa villa, Albert de Jaeger a souvent reçu son ami le général Koenig (1898-1970), le vainqueur de Bir Hakeim. Ce dernier, commandant de la zone française d’occupation en Allemagne, l’a emmené avec lui à Baden-Baden en 1945 et l’a nommé conseiller artistique. A son retour à Meudon, en 1956, l’artiste a installé son atelier de fonderie de médailles dans sa demeure ».