Les enjeux d’optimisation du foncier dans la vallée de la Seine, à l’heure de sa raréfaction, ont été débattus lors du 5e sommet de l’Axe Seine qui s’est tenu le 8 octobre dernier.
En Ile-de-France, a rappelé lors du Sommet de l’axe Seine le 8 octobre dernier le directeur de la stratégie de l’Etablissement public foncier d’Ile-de-France (Epfif) Olivier Denert, le potentiel en matière de développement économique du « stock » dont dispose l’établissement public est aujourd’hui estimé à 400 000 m². Ce qui change la donne aujourd’hui, c’est le contexte. Dans le précédent schéma directeur régional, 1 300 ha de consommation foncière avaient été fléchés. Dans le Sdrif-e, adopté par la Région en septembre, ce chiffre est passé à 515 ha avec la perspective de réduire de 175 ha par an sur les dix ans à venir. Alors l’Epfif regarde du côté du domaine portuaire, avec le gestionnaire Haropa port « pour identifier des potentiels de développement sur Limay, Porcheville ou encore Achères », dans les Yvelines. Côté normand, explique le directeur de la stratégie d’Haropa, Kris Danaradjou, la consommation foncière va devoir quant à elle diminuer de moitié chaque année, « alors même que la demande n’a jamais été aussi forte ».
L’atout du foncier portuaire
Pour faire face, l’autorité portuaire a obtenu de l’Etat que les projets d’intérêt national, voire international, sortent de ce contingent, soit environ « 456 ha d’espaces naturels et forestiers (ENF) en Normandie et une trentaine d’hectares en Ile-de-France qui vont participer à la réindustrialisation de la France ». Sans compter l’effort porté par le gestionnaire du domaine portuaire sur le « brownfield », le recyclage de friches qui concerne près de 700 ha à horizon 2030. Directrice régionale Ile-de-France et Normandie de RTE, Nathalie Lemaitre insiste pour sa part sur la nécessité de préserver du foncier pour accueillir les infrastructures qui devront supporter les nouveaux besoins des industriels de la vallée de la Seine. « Tout cela va nécessiter de renforcer le réseau ». Ce que RTE anticipe avec son projet de nouvelle ligne à haute tension de 30 km entre Rougemontiers dans le département de l’Eure et la zone industrialo-portuaire de Port-Jérôme près du Havre. Un projet qui va consommer près de 40 ha de foncier, à la fois pour l’installation des lignes et des postes électriques. « Et dans les années à venir, nous allons avoir besoin de 40 ha supplémentaires en Ile-de-France pour supporter la demande des installations de datacenters », prévient la représentante de RTE.
Président de l’Union maritime et portuaire du Havre (Umep) représentant les entreprises portuaires, Hervé Bonis se félicite du potentiel important du domaine portuaire, même s’il estime qu’on ne pourra pas faire l’économie d’un débat sur « les entrepôts de grande hauteur » à l’heure de la rareté du foncier. Du côté de Gennevilliers (Hauts-de-Seine), Erwan Le Meur, président de la Communauté portuaire Seine aval (CPSA) témoigne du manque d’information dont souffrent les entreprises et a profité du Sommet de l’axe Seine pour proposer la création, au sein d’Haropa, d’une commission dédiée à laquelle seraient associées les entreprises. Celle-ci « viserait à faire des propositions sur l’utilisation stratégique du foncier portuaire ». En contrepartie de quoi ces entreprises s’engageraient à travers une charte d’amélioration, à l’instar de celle en vigueur sur le bief parisien avec les acteurs du secteur des matériaux de construction, afin de mieux contribuer à l’acceptation sociale des projets.
En matière d’acceptabilité des grands projets, « tous ceux qui se sont bien passés sont ceux qui le plus tôt possible ont réuni les acteurs locaux », résume Aymeric Cotrel, directeur des affaires publiques de RTE Normandie. Point de vue partagé par la directrice du projet transition écologique et énergétique d’Haropa, Sandrine Samson, qui se dit convaincue que le dialogue est nécessaire pour assurer une bonne coexistence entre les activités portuaires et les riverains : « il est important de bien connaître son territoire pour pouvoir travailler en amont sur la concertation » relative à ces grands projets. Dans le cadre de l’aménagement de Port Seine métropole ouest (PSMO), dont la finalisation n’interviendra pas avant 2040, instaurer un dialogue continu était une évidence, explique-t-elle.
« Nous avons demandé l’organisation d’un débat public à l’issue duquel nous avons travaillé sur la poursuite du dialogue », y compris lors de la phase de démarrage du chantier à travers la création en 2023 d’une instance permanente de concertation (IPC). Luc Blanchard, président de France nature environnement Ile-de-France, reconnait que « l’important pour nous c’est l’organisation de la concertation très en amont des projets ». Et s’il admet l’existence de besoins en matière de développement économique, il prône néanmoins « une réflexion globale sur l’aménagement des ports » à laquelle la société civile devrait être mieux intégrée. Avec une limite, pointée par Bernard Landau, président de l’association La Seine n’est pas à vendre : les débats techniques sont souvent un frein à la participation citoyenne. Il suggère donc la mise en place d’un réseau de Maisons des fleuves le long de la Seine qui seraient autant de lieu de dialogue et d’information à disposition du public. En conclusion, résume Aymeric Cotrel, « il n’y a pas de risque à écouter ce que chacun a à apporter au pot commun de la concertation ».