Présidentielle : les candidats auditionnés par les maires de France

L’Association des maires de France a auditionné, mercredi 22 mars 2017, chacun des candidats à la présidentielle ou leur représentant afin de connaître leur programme à l’intention des collectivités locales.

François Fillon veut associer les élus aux changements

François Fillon a débuté son intervention en fustigeant les réformes du quinquennat qui s’achève et la « cure d’austérité » imposée aux collectivités locales. Le candidat LR ne souhaite donc pas engager de nouvelle réforme territoriale ayant entendu le « ras-le-bol » des élus devant les changements incessants et affirmant que sa priorité est le redressement économique et social. S’il confirme le besoin de stabilité, il estime toutefois que des changements sont nécessaires : collectivités et Etat doivent, selon lui, s’inscrire dans une logique de liberté et d’expérimentation. Ainsi, l’ancien Premier ministre considère que ce n’est plus au préfet de déterminer les limites des intercommunalités, mais aux élus.

Contrat de mandature

L’Etat passerait avec les communes un « contrat de mandature » qui s’appuie sur des libertés et des responsabilités avec un principe : le niveau qui décide, doit financer… citant l’exemple de la réforme des rythmes scolaires. Si la baisse des dépenses publiques est « au cœur » de son projet, il ne prévoit « pas de coup de rabot aveugle ». « Je m’engage à ce que l’Etat allège considérablement les contraintes qui pèse sur les collectivités », a-t-il affirmé, citant notamment les normes et le contrôle de légalité.

Les candidats à la présidentielle ou leur représentant se sont succédés mercredi 22 mars 2017 face aux maires de France. © Jgp

Outre une plus grande autonomie de recrutement et un retour progressif aux 39 h de travail hebdomadaire, François Fillon veut instaurer une « nouvelle relation entre l’Etat et collectivité, basée sur la négociation et la transparence », afin notamment de fixer en commun un objectif de réduction des dépenses publiques. Les efforts qu’il attend « seront nettement inférieurs » à ceux demandés pendant le quinquennat précédent, a-t-il assuré. Les élus locaux seraient ainsi plus étroitement associés à la définition des politiques publiques.

Emmanuel Macron propose un plan quinquennal pour les collectivités

Emmanuel Macron a proposé aux communes un pacte financier. Premier élément de ce contrat « de confiance et de responsabilité », la fixation par le gouvernement d’une trajectoire quinquennale pour les collectivités comme pour l’Etat, « leur donnant une parfaite visibilité ». « Je ne suis pas venu devant vous pour vous dire que l’Etat ne vous demandera plus d’effort. Ceux qui vous le diraient vous mentiraient », a asséné le candidat d’En Marche !. Mais ce dernier annonce une méthode nouvelle, à l’anglaise. S’il veut réduire de dix milliards d’euros les dotations de l’Etat aux collectivités territoriales sur le quinquennat, soit environ 10 % de leur montant total, il propose la fin des baisses égales pour tous. Emmanuel Macron entend mettre sur pieds une conférence des territoires, au sein de laquelle prendraient place des auditeurs indépendants et des élus locaux. Et, tous les semestres, cette commission observerait les efforts consentis par chaque commune pour réduire ses dépenses de fonctionnement. Ainsi que la structure globale de ses charges et de ses recettes diverses. Une série d’indicateurs de gestion en fonction desquels les baisses de dotation de l’Etat seraient donc modulées, à la hausse comme à la baisse.

Emmanuel Macron affirme, à ce sujet, qu’un tel changement de méthode proscrirait par ailleurs les décentralisations larvées et non compensées d’un Etat qui a fait du délestage de ses charges les plus dynamiques sur le secteur public local une de ses spécialités, à l’instar des prestations de solidarité confiées aux départements sans compensation équivalente.

Un choc d’investissement

L’ancien ministre de l’Economie propose également un plan multiforme dans le cadre du « choc de l’investissement » qu’il annonce. Le secteur public local bénéficierait, lors du prochain quinquennat, de 10 des 50 milliards de ce plan, attribués « avec pragmatisme » par exemple pour relier les communes à des zones d’intérêt économique ou à des métropoles, afin de favoriser leur développement.

Concernant la taxe d’habitation, Emmanuel Macron a confirmé qu’il comptait exonérer 80 % des ménages d’un impôt « injuste », dont le poids sur les classes moyennes, les villes moyennes et la ruralité est proportionnellement trop élevé. Mais il affirme que cette perte pour les communes, estimée à dix milliards d’euros, sera intégralement compensée, en puisant dans les 60 milliards d’euros d’économie sur la dépense publique réalisée par ailleurs. Mieux, il assure que les élus conserveront l’intégralité de leur pouvoir de taux sur cet impôt, les éventuelles futures hausses de taux étant prises en charge non pas par l’Etat mais par le contribuable. Le tout « suivi par une instance indépendante, qui constatera l’intégralité de ces remboursements et la prise en compte de la dynamique des bases », poursuit le candidat.

Ce dernier annonce également une petite révolution en matière normative, appelant à une coproduction en la matière avec les élus de terrain et annonçant son intention de renforcer le rôle du conseil national d’évaluation des normes. Enfin, interrogé sur son opinion à propos de l’élection au suffrage universel direct des présidents d’intercommunalité, il s’y est déclaré hostile, sauf pour les métropoles, « qui nécessitent en l’occurrence un traitement au cas par cas pour les rendre gouvernables ».

Jean-Luc Mélenchon pour une « renaissance de la démocratie communale »

Le candidat de la France insoumise était représenté par François Cocq (FDG) qui a débuté en affirmant que la réforme territoriale a semé « une grande pagaille ». Les contraintes pesant sur les collectivités locales viennent, selon lui, de l’emprise de la technocratie européenne, il appelle donc à ne plus respecter les objectifs de réduction du déficit public. Jean-Luc Mélenchon souhaite abroger les récentes réformes territoriales (lois Maptam et NOTRe) et refonder l’organisation territoriale avec une assemblée constituante pour le VIe République qui visera à la « renaissance de la démocratie communale ». « L’heure est venue que le peuple se refonde par lui-même », a déclaré son représentant. Et de proposer de rendre effectif le non cumul des mandats – y compris dans le temps -, d’installer des conférences citoyennes de territoire, de séparer les fonctions délibérative et exécutive à des fins de transparence ou de mettre fin au binôme métropole-région qui crée une compétition notamment au détriment des communes.

Fiscalité plus dynamique

Le candidat veut également repenser l’aménagement du territoire pour qu’il ne soit pas soumis à la concurrence, en installant par exemple des maisons de santé. Abrogation de la réforme des rythmes scolaires, gratuité des cantines scolaires sans que les maires « n’aient à mettre la main à la poche », recréer des circuits courts, basculer vers la transition énergétique… François Cocq a égrainé le programme tous azimuts. Sur le plan financier, Jean-Luc Mélechon prévoit de stopper la baisse des dotations et prône un plan de relance par un choc de l’investissement qui se fera avec les collectivités. Enfin, il veut rendre la fiscalité locale plus dynamique, notamment en revoyant les bases de la taxe d’habitation.

Benoît Hamon veut plus de justice fiscale et moins de réforme territoriale

Après avoir rendu hommage en des termes élogieux au rôle des maires, le candidat socialiste s’est positionné en faveur d’une stabilisation des mouvements de décentralisation. Benoît Hamon souhaite ainsi « consolider les réformes qui ont été engagées mais surtout pas relancer un nouveau cycle de réformes ». Le député des Yvelines se dit cependant tout à fait prêt à accompagner les rapprochements communaux sur la base du volontariat.

Devant les maires de France, il a fustigé l’idée de suppression de postes dans les collectivités territoriales, arguant que « c’est dans le vide laissé par la République que s’installe le désespoir de ceux qui souffrent ». Selon lui, la commune doit être « la cellule de base de la  République », et en premier lieu sur le plan démocratique. « Réduire les dotations n’aura qu’une conséquence : creuser les inégalités, accroître les ségrégations et approfondir le désenchantement démocratique », fait valoir le candidat. Celui-ci s’engage donc à ne pas baisser les dotations aux communes sur la mandature et à abonder les fonds d’investissement.

Parallèlement, le candidat veut inscrire le principe de neutralité financière des collectivités qui assurent des prestations de solidarité et garantir l’autonomie fiscale des collectivités en général. L’ancien ministre de l’Education nationale se dit aussi en faveur d’un mécanisme de péréquation plus efficace et souhaite que la réforme des dotations globales de fonctionnement « aboutisse enfin, pour prendre en compte les ressources de chacun et la réalité des charges de chaque commune ».

Grande conférence des territoires

Benoît Hamon souhaite, en cas de victoire, organiser une grande conférence des territoires courant 2017. Elle devrait définir le cadre financier pour le quinquennat et serait déclinée chaque année par une loi de financement des collectivités. Ce sera par exemple l’occasion de définir les financements des nouvelles compétences des collectivités en matière de transition énergétique. Questionné sur le sujet, le candidat se dit pour l’heure en faveur d’une dotation additionnelle « climat », qui serait financée par une hausse de la taxe carbone. Enfin, le socialiste propose une « garantie service public universelle » qui permettrait à chaque citoyen de pouvoir accéder aux services publics fondamentaux en moins de 30 min.

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