Pascal Auzannet : « Travailler à un Grand Paris de toutes les mobilités »

Pascal Auzannet, ancien président d’Ixxi (RATP smart systems) et désormais consultant, préconise une réforme de la gouvernance des transports franciliens, distinguant le réseau structurant et l’organisation des mobilités en zone dense.

Quelles ont été les principales évolutions institutionnelles caractérisant la gouvernance des transports au cours des dernières décennies ?

Pascal Auzannet. © Jgp

Depuis la seconde Guerre mondiale et pendant près d’un demi-siècle, l’État a été à l’initiative, tout en contrôlant l’ensemble de l’organisation des transports franciliens. L’ordonnance de 1959 a constitué une étape structurante avec la création du Syndicat des transports parisiens (STP) qui coordonne les activités de la RATP, de la SNCF et des transporteurs routiers en grande couronne (Optile). L’État majoritaire au sein du conseil d’administration décidait de tout. Il procédait sans mise en concurrence au choix des exploitants, des maîtres d’ouvrage pour les infrastructures nouvelles qu’il décidait, des niveaux de services et de la tarification. C’est sur la base de cet arsenal réglementaire que le schéma Delouvrier avec les villes nouvelles et les RER a été défini après la fameuse balade en hélicoptère du général de Gaulle et sa formule : « Mettez-moi de l’ordre dans ce bordel ».

Ce contexte de centralisation étatique a connu ensuite plusieurs évolutions : en 2000, avec la loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU) qui a permis l’entrée de la Région au conseil d’administration du STP rebaptisé Syndicat des transports d’Ile-de-France (STIF), puis en 2004 avec une nouvelle étape de décentralisation qui a acté le retrait total de l’État.

La gouvernance des transports est donc aujourd’hui décentralisée ?

En effet, à compter de ce moment, tout le pouvoir a été confié aux collectivités territoriales et plus particulièrement la Région, majoritaire au sein du conseil d’administration de l’autorité organisatrice. Il a ensuite été décidé de confier à Ile-de-France mobilités (IDFM) l’organisation de la mise en concurrence pour l’ensemble des réseaux franciliens. Cette mise en concurrence se fera par étapes (de 2016 à 2039) conformément au règlement européen de 2007 et la loi Organisation et régulation des transports ferroviaires (2009).

Les années 2000 ont ainsi été marquées par une volonté de l’État de s’engager dans une démarche de décentralisation. Avec cependant une inflexion en 2010, avec la loi sur le Grand Paris, l’État souhaitant s’impliquer dans le développement du futur métro (200 km de réseau avec 68 gares).

Ensuite, la loi portant sur la Modernisation de l’action publique territoriale et affirmation des métropoles (Maptam, 2014) a défini la métropole du Grand Paris et a été renforcée par la loi sur la nouvelle organisation territoriale de la République, dite « loi NOTRe » (2015).

Des investissements structurants ont ainsi été engagés dans les transports (RER, extensions des lignes de métro, tramways…). La dernière période a été marquée par le métro du Grand Paris et sous l’égide d’Ile-de-France mobilités et de la Région de très substantielles améliorations dans de nombreux domaines ont été réalisées, notamment la modernisation des réseaux, leurs extensions, la décarbonisation (nouveaux bus propres…), la digitalisation de la billettique et la qualité de service. A cette implication, il convient de rajouter le Grand Paris des bus et les renforcements de l’offre en grande couronne qui ont constitué de nouvelles améliorations pour les voyageurs.

Donc la gouvernance est en bonne adéquation avec les enjeux de mobilités ?

Des évolutions sont encore souhaitables. La métropole du Grand Paris a élaboré un Plan climat air – énergie métropolitain (PCAEM) qui s’est notamment traduit par l’instauration d’une zone à faibles émissions (ZFE) métropolitaine. Cette compétence environnementale (qualité de l’air, lutte contre les nuisances sonores…) constitue une interface forte avec l’organisation des mobilités. Mais, malheureusement, à contrario des autres métropoles françaises, celle du Grand Paris ne bénéficie pas de la compétence transport, ce qui ne lui permet pas de disposer des leviers d’actions indispensables dans le domaine des mobilités de surface.

« La métropole du Grand Paris a élaboré un Plan climat air – énergie métropolitain (PCAEM) qui s’est notamment traduit par l’instauration d’une zone à faibles émissions (ZFE) métropolitaine ». © Jgp

L’Ile-de-France bénéficie d’un excellent réseau de transports collectifs qui ne cesse de se développer significativement. Mais quotidiennement, les opérateurs sont confrontés à de très hauts niveaux de trafics et doivent exploiter certaines lignes en saturation. Avec, au final, des résultats contrastés selon les territoires, les enjeux de déplacements étant très différents entre la zone centrale et la grande couronne.

Quelle réforme préconisez-vous ?

Pour la grande couronne, il convient de rattraper les retards et, sous l’égide d’IDFM, d’importants investissements de renouvellement de matériels roulant (Transilien et RER) ont été réalisés (40 % des investissements de l’actuel CPER État-Région contre 25 % dans le précédent). L’amélioration des accessibilités dans la grande couronne est donc un enjeu bien identifié par IDFM et les actions engagées doivent être amplifiées et répondre à la demande des élus d’un véritable « Plan Marshall ».

Dans la zone centrale, des dysfonctionnements sont constatés. Ainsi, la vitesse des bus, tant à Paris qu’en petite couronne, n’a cessé de baisser depuis une vingtaine d’années : 9-10 km/h à Paris contre en 13-14 km/h en 2000 ; 14-15 km/h en proche couronne contre plus de 18 km/h en 2000. Cette aggravation est paradoxale compte tenu de la baisse du trafic automobile constatée (sur le territoire de la métropole la baisse a été de 25 % entre 2001 et 2018).

Pourquoi estimez-vous que l’effort en faveur du vélo doit encore s’accentuer ? 

Concernant la pratique du vélo d’important efforts sont engagés par plusieurs acteurs institutionnels (Paris, Région, IDFM, Métropole, collectivités locales), mais en termes de part modale, malgré des hausses importantes constatées sur la dernière période liée au Covid 19, il reste encore beaucoup de progrès à réaliser – pour Paris ce taux est actuellement de 5,6 % et de 2,3 % pour la Métropole – en comparaison des villes d’Europe du Nord et certaines agglomérations françaises (Strasbourg, Grenoble…).

« En termes de part modale du vélo, malgré des hausses importantes constatées sur la dernière période liée au Covid 19, il reste encore beaucoup de progrès à réaliser ».© Jgp

 

Enfin, la régulation de l’espace urbain est loin d’être optimale comme l’attestent les 250 km de bouchons quotidiens, les faibles vitesses commerciales des bus dans la zone centrale. Ces exemples montrent que dans la zone centrale, l’enjeu de la régulation de l’espace urbain est majeur et l’implication des collectivités locales déterminante.

Il faut expertiser ce qui marche bien, ce qui doit être amélioré et intégrer les spécificités territoriales. Avec l’ambition de renforcer l’implication d’Ile-de-France mobilités sur, d’une part, ce qui est structurant (réseau ferré SNCF, RER, métro) et le traitement de la grande couronne et, d’autre part, pour la zone centrale, d’identifier les acteurs institutionnels les plus pertinents avec les leviers d’actions adaptés pour optimiser l’organisation des transports de surface (bus, tramway, taxis, vélos, trottinettes, transport fluvial…).

Compte tenu de l’urgence climatique, l’objectif est bien de réduire la place de l’automobile, au bénéfice des modes les plus vertueux. Le potentiel est élevé car, majoritairement, les déplacements sont de courtes distances : 72 % des déplacements font moins de 3 km sur le périmètre de la métropole du Grand Paris dont les compétences doivent être renforcées en lien avec IDFM. L’objectif est bien de travailler à une nouvelle gouvernance, avec l’objectif d’un Grand Paris de toutes les mobilités.

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