P. Monin : « Engie solutions accompagne la transformation du modèle énergétique de ses clients » 

Délégué territorial Ile-de-France d’Engie, Pierre Monin décrit l’impact de la crise sanitaire, pour aujourd’hui et demain, ainsi que la mutation de l’énergéticien, son engagement pour une énergie décarbonée et la réorganisation du groupe, dont le siège quittera La Défense en 2023 pour La Garenne-Colombes (Hauts-de-Seine).

Quel impact a le Covid-19 sur l’activité d’Engie ?

Ici, une grande part des activités a basculé en télétravail durant le confinement, la santé et la sécurité des salariés étant mis au premier plan. C’est par exemple le cas pour la quasi-totalité des 4 000 salariés du siège. L’autre priorité d’Engie est d’assurer la continuité de service sur des activités vitales en cette période : dépanner les chaudières, assurer l’exploitation du chauffage urbain de la CPCU ou la continuité des chaînes du froid. Les collaborateurs du groupe sont pleinement engagés dans ces missions de terrain.

Pierre Monin, délégué territorial Ile-de-France d’Engie © Jgp

J’ajouterais que la crise entraînera une remise à plat des modèles de développement de l’économie de nos territoires. Depuis le début de la crise sanitaire, les collaborateurs d’Engie ont notamment renforcé leur présence sur les sites hospitaliers d’Ile-de-France : accélération des travaux au sein de l’hôpital Henri Mondor de Créteil pour la mise en place de 90 lits de soins intensifs de 21 blocs de chirurgie ; soutien technique 24h/24 in situ à l’hôpital Tenon et auprès des chercheurs de l’Institut Pasteur à Paris.

Vous estimez que la transition énergétique sera un puissant moteur de la relance ? 

Cette cassure va en effet constituer une opportunité pour recadrer nos politiques et répondre à l’autre grande crise que traverse notre planète : la crise écologique. La nécessité de relance économique va de pair avec une accélération des programmes de transition énergétique et écologique. Elle offre une opportunité de revoir en profondeur nos modèles pour atteindre les objectifs ambitieux de sauvegarde de notre planète (voir l’appel de 12 ministres européens à user du Green deal européen comme d’un moteur de relance). Il faudra donc être au plus proches des élus locaux pour les aider à ne pas abandonner les ambitions écologiques de leurs programmes aux municipales pour se recentrer sur des urgences de court terme, mais au contraire en faire un outil de redressement social et économique.

La résilience des systèmes et l’autonomie des territoires deviennent des sujets centraux ? 

Ils sont au cœur de la stratégie de décentralisation d’Engie depuis deux ans, et de notre offre : énergie décentralisée, autoconsommation, filières locales, économie circulaire, pilotage de la ville… Cette résilience passe également par une réindustrialisaiton de la région Ile-de-France, adaptée aux nouveaux outils numériques. Une industrie potentiellement très énergivore. Il faut donc développer des solutions d’efficacité énergétique, comme on le fait aujourd’hui avec le solutions énergétiques pour le développement des datacenters (récupération de chaleur, etc.).

En Ile-de-France, la question du redémarrage des transports en commun après la crise induit le développement des solutions de gestion de flux (pilotage intelligent de la circulation) en privilégiant les énergies alternatives (électrique, hydrogène,, GNV) avec un maillage qui permette une mobilité propre y compris sur les véhicules individuels.

Quel rôle pour Engie dans ce contexte ?

Engie jouera également son rôle d’intégrateur et d’acteur-clef du développement économique local (en 2017, Engie soutenait 123 440 emplois en Ile-de-France, source : étude Utopies). Nous souhaitons réinventer les liens avec les acteurs publics dans une logique de grands programmes, consolider les liens avec les TPE/PME et les projets communs (via par exemple les pôles de compétitivité : nous présidons l’enjeu territoires de Systematic) et accroître notre rôle de lutte contre la précarité sociale, en premier lieu en luttant contre la précarité énergétique dans les logements.

Engie a connu ces dernières années une mutation sans précédent ? 

Le groupe s’est transformé, passant d’une activité majoritairement centrée sur la fourniture d’énergie, avec un modèle économique fortement dépendant de la consommation d’énergie, vers un modèle qui est celui de la transition énergétique, visant la sobriété énergétique et le zéro carbone. Il s’agit donc d’un virage à 180 degrés.

Vous avez cédé une partie de vos actifs ? 

Nous nous sommes retirés, en effet, de nos activités d’exploration/production, de même que nous nous désengageons progressivement d’actifs au charbon ou au fuel, pour développer de la production par énergie renouvelable ou en cogénération gaz. Le gaz dont nous gérons toujours les réseaux de transport et de distribution, se verdit notamment grâce au biogaz et à la méthanisation sur laquelle nous investissons massivement.

Le gaz a la vertu de se stocker ?

Le gaz est effectivement une énergie nécessaire à la transition. Nous ne sommes pas capables de basculer sur un modèle 100 % électrique, photovoltaïque. Cela nécessiterait de développer des infrastructures de stockage phénoménales, qui n’auraient aucun sens économique et un bilan carbone insoutenable sur l’ensemble du cycle de vie.

Quels sont les métiers d’Engie ? 

Le groupe compte 160 000 personnes, dont 73 000 en France et 22 000 en Ile-de-France qui est notre premier bassin d’activité au niveau mondial. Une partie de nos activités liées aux infrastructures demeure régulée, celle liée au réseau de gaz, avec GRTGaz pour le réseau de transport et GRDF pour le réseau de distribution, Engie storengy, autre filiale d’Engie, est dédiée au stockage de l’énergie et possède un site en Ile-de-France, à Beynes dans les Yvelines.

En dehors des activités régulées, nous développons également des réseaux de chaleur et de froid : nous opérons ainsi, par exemple, les deux réseaux parisiens de la CPCU et de Climespace qui font référence dans le monde entier. Avec un potentiel considérable en Ile-de-France, tant en termes de développement de réseau de chaleur vert – grâce aux capacités géothermiques de la région – que de réseau de froid, avec un fort développement dans le tertiaire.

Le rafraîchissement des bureaux et des habitations est amené à se développer compte tenu du réchauffement climatique ? 

Absolument. Et les réseaux de froid sont nettement plus sobres en émissions de gaz à effet de serre que les climatiseurs. Nous opérons par exemple, avec Climespace, le réseau de froid de la mairie de Paris, dans le cadre d’une délégation de service public qui s’achève en 2021. Il existe un creuset exceptionnel en Ile-de-France pour la géothermie. Le dernier exemple en date est le réseau de Champs-sur-Marne (Seine-et-Marne), développé par Géomarne, dont nous venons de terminer avec succès le forage à 1 900 m de profondeur, pour alimenter 10 000 logements en énergie verte.

Vous êtes également producteur et fournisseur d’électricité ? 

Oui, avec une production en France entièrement orientée vers le zéro carbone, le photovoltaïque, l’éolien, la géothermie. Le territoire francilien est peu propice au développement de l’éolien, mais représente un potentiel important pour le photovoltaïque, que ce soit pour de l’autoconsommation, avec des avancées législatives récentes qui vont nous permettre d’augmenter très fortement nos activités, ou que ce soit par le biais de fermes solaires, qui nous permettront d’injecter de l’électricité dans le réseau. Ce sera notamment le cas à Marcoussis, que nous opérons pour le compte du Sigeif, et qui sera la plus grande ferme photovoltaïque d’Ile-de-France. Nous opérons déjà la ferme de Meaux, inaugurée à l’automne dernier, qui est actuellement la plus importante de la région.

Avec 39 996 panneaux, sur 10 ha, la ferme photovoltaïque d’Engie à Meaux est la plus grande d’Ile-de-France. © Engie

Qu’est-ce que le « zéro carbone as a service », votre nouveau leitmotiv ? 

Il s’agit de développer une activité de service afin d’accompagner nos clients, collectivités, industriels, tertiaires, dans la transformation de leur modèle énergétique. Nous pouvons être prescripteur sur ces questions. Lancé il y a trois ans, le dispositif Terr’innove nous permet d’ores et déjà d’accompagner une trentaine de territoires dans l’analyse de leurs potentialités en termes de gisement d’économie d’énergie, qu’il s’agisse de production ou d’usage.

Ce programme se déroule sur un ou deux ans afin de déterminer un plan d’action, étalé dans le temps, avec un plan d’investissement correspondant. Sa spécificité provient du fait que l’on travaille en lien avec nos différentes entités. Les bénéficiaires de cet accompagnement ont ainsi une vision claire du chantier qu’ils engagent, de son phasage, afin d’aboutir à des programmes cohérents.

Ces programmes incluent l’éclairage public ? 

L’éclairage public constitue un actif de la ville qui, jusqu’à présent, était énergivore et monofonctionnel. Notre rôle, dans le cadre du « zéro carbone as a service », consiste à étudier avec la ville comment ces infrastructures peuvent être mutualisées, dans une optique pluriusage associant la vidéosurveillance, des services de détection de la pollution de l’air, différents capteurs. Nous réfléchissons avec la collectivité aux moyens de rendre ces infrastructures intelligentes, c’est-à-dire à la fois économes en énergie et offrant de nouveaux services utiles aux habitants. Nous accompagnons les villes jusqu’à la supervision urbaine de ces différents outils. C’est ce que nous exposons dans notre Lab “Ville de demain” à Lieusaint en Seine-et-Marne et que nous avons développé dans des villes comme La Baule.

Vous gérez également des contrats de performance énergétique ?

Nous œuvrons beaucoup, en matière de transition, dans le cadre de contrats de performance énergétique (CPE). Avec à la clé des économies qui permettent à nos clients de financer des investissements dans les infrastructures intelligentes. Mais nous utilisons aussi beaucoup ces contrats de performance énergétique dans la gestion des bâtiments.

Aujourd’hui par exemple, nous détenons un marché avec l’ensemble des écoles de la ville de Paris, avec des contrats de performance énergétique qui encadrent leur rénovation et permettent à la mairie de réaliser des économies d’énergie substantielles. Ce qui implique que l’on soit présent sur toute la chaîne, jusqu’à l’exploitation de ces bâtiments. Un autre exemple pratique est le réseau de chauffage de la copropriété de Parly 2 dans les Yvelines, dont le CPE a permis une réduction des consommations de chauffage (et donc des coûts à l’usager) et de trace carbone de plus de 20 % depuis sa mise en œuvre.

En 2020, plusieurs filiales d’Engie se regroupent dans Engie solutions ? 

2020 marque un tournant pour le groupe car nos différentes marques, Engie Ineo, Engie Cofely, Axima ou Engie réseaux s’effacent au profit d’une marque et d’un interlocuteur unique, Engie solutions. Engie solutions a ainsi vocation à articuler l’ensemble des thématiques, avec trois grands domaines : ville et collectivités, industrie, ainsi que tertiaire et proximité. Les collectivités vont donc, par conséquent, bénéficier d’un interlocuteur unique qui va permettre d’adresser un projet complexe dans sa totalité et de proposer la solution énergétique qui va peut-être combiner un réseau de chaleur avec de la géothermie et une pluralité d’usages.

Il s’agit de favoriser une approche globale, de rompre avec une organisation en silos ?

Absolument. Et cette transformation doit avoir lieu du côté des entreprises, mais aussi des collectivités. Nous constatons que le développement durable occupe une place centrale dans les campagnes électorales en vue des élections municipales. Est-ce que cela va transformer le modèle de fonctionnement des collectivités, pour que le développement durable soit désormais placé au cœur de l’ensemble des projets ? Les questions de transition énergétique doivent être abordées de manière transverse, ce qui ne va pas sans poser certaines difficultés aujourd’hui. Le délégué Ile-de-France d’Engie demeure l’interlocuteur privilégié des collectivités, pour l’ensemble de nos métiers. Les collectivités n’auront plus à se demander à quelle entité d’adresser.

Vous avez également créé une filiale de copromotion ? 

Aire nouvelle a été créée il y a trois ans, dans le sillage des appels à projets urbains innovants (APUI), « Réinventer Paris » et « Inventons la métropole du Grand Paris », pour intégrer le plus en amont possible la dimension énergétique au sein des projets. Il s’agit donc d’une filiale de copromotion qui n’a pas vocation à avoir une activité majoritaire au sein des groupements, mais à induire, en amont, la logique énergétique de manière systémique. Afin d’aboutir, en intégrant les phases d’exploitation des sites concernés, à des projets réellement zéro carbone qui aient une capacité à vivre dans le temps.

Vous insistez sur le long terme ? 

Nous ne sommes pas un promoteur qui disparaît après avoir réalisé son projet. Nous sommes également présents tout au long de sa vie, via les différentes entités d’Engie, ce qui est une garantie de la viabilité des infrastructures que nous mettons en place.

Quel regard portez-vous sur le Grand Paris ? 

`La mise en œuvre des multiples projets du Grand Paris est passionnante. La transformation fondamentale de notre entreprise, compte tenu de la transition écologique, environnementale et digitale, rejoint la transformation des territoires du Grand Paris. Les sujets s’imbriquent les uns dans les autres. Avec des questions de création ou de développement des infrastructures qui sont autant d’occasions de réfléchir à la question territoriale. Pour Engie, la question de la décentralisation est fondamentale. Les débats autour de la gouvernance du Grand Paris sont à la fois une opportunité mais aussi un facteur de complexification des sujets.

Et le Grand Paris express ?

Le Grand Paris express représente pour nous d’importantes opportunités. Nous venons par exemple de gagner un appel d’offres important, avec Nokia, sur la mise en place des signaux de circulation du métro automatique. Au-delà, de multiples projets d’aménagement fleurissent. Plus globalement, la mobilité constitue pour nous un sujet extrêmement important. Aujourd’hui, Engie est le seul acteur qui possède une vision globale et systémique de la question de la mobilité et du développement des différentes énergies. Nous sommes présents sur le gaz naturel véhicule (GNV), sur l’électricité ainsi que sur l’hydrogène. Les questions de congestion, de pollution, de logistique du dernier kilomètre ou de desserte des gares demandent des réponses différentes, précises, fines et complémentaires, en termes de développement des réseaux d’énergie, d’installations de bornes électriques ou de GNV. Les solutions proposées doivent être économiquement viables dans le temps.

Le siège d’Engie à La Défense. © Jgp

Engie déménage ? 

Nous inaugurons cette année notre nouveau centre de recherche à Stains (Seine-Saont-Denis). Ce lab de recherche remplace celui qui était installé à la Plaine Saulnier, là où sera construit le Centre aquatique olympique des Jeux olympiques et paralympiques de 2024. Nous demeurons donc à Plaine Commune. Nous avons également un projet de campus qui regroupera notre siège et une grande partie de nos activités franciliennes à La Garenne-Colombes (Hauts-de-Seine), où l’on souhaite déménager en 2023. Il s’agit de l’ancien site des usines PSA, que nous avons acquis avec Nexity, avec lequel nous serons copromoteurs. Ce campus sera un modèle, une vitrine en termes d’infrastructure énergétique et de savoir-faire d’Engie.

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