Le maire de Saint-Denis et président de Plaine Commune Mathieu Hanotin revient sur les raisons qui poussent les maires de Saint-Denis et de Pierrefitte (Seine-Saint-Denis) à entamer un processus de fusion de leurs collectivités, qui aboutira à la création d’une commune nouvelle le 1er janvier 2025.
Quelles sont les motivations de la fusion annoncée de Saint-Denis avec Pierrefitte ?
Les choses sont assez simples. Nous pensons qu’unis, nous serons mieux armés pour préparer la ville équilibrée, durable, que l’on souhaite. Construire cette commune nouvelle va dessiner un ensemble urbain très cohérent sur ces questions, qui va permettre de travailler à une plus grande diversification de typologies d’habitats, qui ne sont pas tout à fait les mêmes à Pierrefitte et à Saint-Denis, avec notamment un tissu pavillonnaire beaucoup plus développé à Pierrefitte et une densité moins importante. Cela permettra d’envisager plus aisément le développement de services publics nouveaux que dans la zone ultra-dense du sud de Plaine Commune, où s’étend Saint-Denis.
La solidarité figure-t-elle parmi ces motivations ?
Oui. Je suis maire de Saint-Denis, président de Plaine Commune, j’ai été député de Saint-Denis et de Pierrefitte, je le vois bien, aujourd’hui, la ville de Pierrefitte, malgré tous les efforts de bonne gestion du maire et de son équipe, se trouve dans une situation qui ne peut lui permettre de mettre en œuvre certaines politiques publiques ambitieuses. Cela à cause d’une inadéquation entre la taille de la commune, ses besoins et ses recettes. A Saint-Denis, nous parvenons à assurer une police municipale 24h/24 ou à créer un véritable service qui lutte efficacement contre les marchands de sommeil et l’habitat indigne. A Saint-Denis, le service en charge de ce sujet est passé de 10 à 38 agents. A Pierrefitte, ce même service ne compte que trois agents, alors que la lutte contre l’habitat indigne nécessite une ingénierie forte, qui requiert des ressources humaines adaptées. On va donc permettre à Pierrefitte de se doter d’une capacité de contrôle et d’intervention qui n’existait pas jusqu’alors sur son périmètre, face à ceux qui acquièrent des pavillons pour les diviser et les louer au mépris des règles et des lois.
Mais comment Saint-Denis va-t-elle y trouver également son compte ?
Je ne conteste pas, au contraire, la dimension de solidarité que je viens d’évoquer. Je l’assume complètement. Mais comme je l’ai expliqué aux Dionysiens et aux Dionysiennes, cette fusion ne va rien leur enlever. Autrement dit, la création d’une commune nouvelle avec Pierrefitte n’entrainera aucune hausse de fiscalité. Les efforts de bonne gestion que nous avons fournis depuis trois ans nous permettent d’aborder cette échéance dans la plus grande sérénité. Et la bonne gestion du maire du Pierrefitte fait que si la taille et les ressources de la ville limitent ses ambitions pour développer des politiques publiques nouvelles, elle ne se trouve pas, pour autant, dans une situation budgétaire catastrophique. Cela ne remet donc pas en cause notre projet politique pour 2020–2026.
Ce qui est vrai, c’est que les Pierrefittois et les Pierrefittoises seront les premiers à y trouver un intérêt le 1er janvier 2025, le jour de l’entrée en vigueur de la fusion. Ils vont bénéficier à cette date d’un choc d’offres de services publics, avec une amélioration et une augmentation quasi instantanée d’un certain nombre de prestations. Je pense à la police municipale, qui passera à 24h/24 et sera mieux dotée en effectifs. L’efficacité d’une police municipale est nettement plus grande avec 140 agents à l’échelle de la commune nouvelle qu’avec 120 fonctionnaires d’un côté et 20 de l’autre. Nous commencerons par ailleurs à mettre en place la cantine gratuite dès le mois de septembre 2025 à Pierrefitte, alors que cette gratuité est en cours de mise en place à Saint-Denis.
Comme je vous l’ai dit, les Dionysiens vont trouver dans cette fusion, pour leur part, un intérêt de moyen terme, dans la construction de la ville climatique de demain, qu’il faut penser dès à présent. Or la fusion va accroître nos capacités d’investissement de façon extrêmement importante.
Quel impact cette fusion aura-t-elle sur vos budgets ?
Nous sommes en train de réaliser l’étude d’impact. Mais nous devinons d’ores et déjà les marges de manœuvre dont nous allons bénéficier, en continuant à optimiser nos coûts de fonctionnement. Nous allons également bénéficier d’une aide à la fusion de la part de l’Etat, de six euros par habitants durant trois ans. Et il n’est pas exclu de penser que nous bénéficierons d’une aide supplémentaire sur l’investissement. Nous allons discuter de ces sujets avec l’Etat au cours des mois à venir.
Certains élus vous reprochent des motivations électoralistes ?
C’est l’inverse de la peur qui nous motive. C’est un projet positif et d’espoir. Et c’est précisément parce que tout va bien que nous sommes en capacité d’entreprendre cette démarche, que l’on ne peut initier si l’on n’est aux abois. Peut-être que ceux qui avancent cette thèse ont, eux, des craintes électorales, parce qu’ils ont des stratégies, à Pierrefitte notamment, que cette fusion pourrait contrarier.
Mathieu Hanotin missionné par Olivier Klein sur le logement indigne
Olivier Klein, ministre délégué à la Ville et au Logement, vient de confier à Michèle Lutz, maire de Mulhouse, et à Mathieu Hanotin, maire de Saint-Denis, une mission relative aux outils de lutte contre l’habitat indigne. Cette mission, dont les conclusions seront connues à la rentrée prochaine, doit recenser les ajustements à apporter aux outils, notamment juridiques, utilisés par la puissance publique pour renforcer la lutte contre l’habitat indigne.
410 000 logements sont aujourd’hui estimés indignes en France métropolitaine, d’après l’exploitation statistique des données fiscales, souligne le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. Le gouvernement indique qu’il s’est mobilisé en simplifiant les procédures par la loi Elan en novembre 2018, en mobilisant des crédits dédiés de l’Agence nationale de l’amélioration de l’habitat (Anah) ou encore en lançant le plan Initiatives copropriétés pour mieux traiter les copropriétés dégradées, dont beaucoup sont confrontées à l’habitat indigne.
« Toutefois, cette mobilisation fait apparaître de nouveaux freins techniques, qui ralentissent l’action politique des élus locaux et compromettent l’impulsion nationale », est-il indiqué. La mission confiée à Michèle Lutz et Mathieu Hanotin vise, par conséquent, « à identifier les freins principaux et à proposer des solutions pour les lever, en complément des actions volontaristes déjà conduites sur le terrain par ces élus, confrontés à ces lourdes problématiques dans leurs communes respectives, et exemplaires dans leur action ».
Le ministre recevra les conclusions de cette mission à la rentrée 2023, laissant quelques mois aux élus locaux, appuyés par l’administration mise à leur disposition, pour conduire ce travail. Un point d’étape sera réalisé au début du mois de juillet, à l’occasion d’une journée rassemblant les acteurs de l’habitat indigne pour partager largement sur les freins observés sur le terrain.