Lors d’une conférence de l’Institut Palladio autour de la gestion de l’espace public, qui s’est tenue lundi 30 mai 2022 dans les salons de l’hôtel de ville, Emmanuel Grégoire a annoncé que le manifeste de l’esthétique parisienne ainsi que le premier tome d’un référentiel sur le sujet, dédié aux sols, venaient d’être publiés.
Dans la capitale des paradoxes, la violence des attaques contre la dégradation supposée de Paris, son esthétisme de ZAD (*) ou de déchetterie, relayées à grand renfort d’images chocs sur les réseaux sociaux sous le hashtag #saccageParis, n’a d’égal que l’intérêt que porte la municipalité à l’espace public, à sa transformation, certes, mais aussi à la préservation de son héritage.
Jamais, en effet, on avait autant parlé de Davioud, Alphand, Guimard, Wallace ou Hénard que depuis qu’Emmanuel Grégoire est en charge de l’urbanisme et de l’architecture. « Comment gérer la complexité de l’espace public au XXIe siècle », la conférence de l’Institut Palladio, lundi 30 mai dans les salons de l’hôtel de ville, a donné l’occasion à l’élu de montrer à quel point la Ville prend le sujet au sérieux. Et pour cause. Le premier adjoint d’Anne Hidalgo a indiqué qu’après celle d’Haussmann, transfigurant Paris, puis celle survenue dans la deuxième moitié du XXe siècle, adaptant la ville au règne de l’automobile, les changements en cours, liés aux révolutions des mobilités et à l’urgence climatique, constituaient une troisième phase de mutation historique de la cité.
« Une capitale économique, politique et culturelle »
L’élu a brandi deux ouvrages fraîchement publiés, le manifeste de l’esthétique parisienne, ainsi que le premier tome d’un référentiel consacré aux sols (le deuxième traitera des objets et le troisième de l’architecture et des grandes perspectives). « Paris est une des seules villes au monde à être à la fois une capitale économique, politique et culturelle », a rappelé Emmanuel Grégoire en préambule de son intervention, cela aboutissant « à une intensité d’usage exceptionnelle ». Il a décrit le travail « de refondation doctrinale » en cours à Paris, reconnaissant, citant Anne Hidalgo, « que si l’on n’a certes pas tout fait bien », la municipalité est en train de se doter d’un arsenal d’outils et d’une gouvernance inscrite dans la durée, pour affronter cette gestion complexe de l’espace public au XXIe siècle. Autant d’outils destinés à la fois aux élus, aux différents services concernés, aux concessionnaires (Enedis, GRDF), aux délégataires de services publics, dont ceux en charge du mobilier urbain, ainsi qu’à tous ceux qui interviennent dans l’espace public ou que le sujet intéresse.
Ramy Fischler, designer, fondateur de RF studio, a décrit son activité et sa vision, expliquant son travail pour que les objets qu’il dessine ne reflètent pas la complexité de leur conception, le passant, l’utilisateur ou le client de tel ou tel mobilier urbain souhaitant la simplicité. Natif de Bruxelles, « ville de la cacophonie, ou pas un immeuble ne ressemble à un autre ». il a loué l’unicité et l’harmonie de l’architecture parisienne.
La valeur des trottoirs
Isabelle Baraud-Serfaty, fondatrice d’Ibicity, a décrit les multiples usages du trottoir, que disputent désormais aux piétons les opérateurs de micro-mobilités, les cafetiers ou les livreurs du e-commerce. L’économiste s’est interrogée sur la gratuité dont bénéficient certains de ces derniers, qui utilisent des placettes comme plateformes de déchargement de leurs marchandises. « Les 10 m2 que représente une place de parking égalent les 10 m2 que la taille des logements parisiens a perdus en moyenne au cours des dernières décennies », a-t-elle résumé, décrivant également les changements de conception de l’espace public qu’a provoqués la pandémie et plaçant le sujet dans la perspective de la plurifonctionnalité de la ville du quart d’heure.
Pour Isabelle Baraud-Sarfaty, le trottoir est devenu l’actif qui a le plus de valeur dans la ville. Elle s’est également interrogée sur la place des rez-de-chaussée, demandant s’il faut considérer plutôt qu’ils appartiennent à l’espace public ou à l’immeuble dont ils sont le sous-bassement, évoquant l’essor des dark stores et du quick commerce, dernière révolution des usages en date. « Avoir accès à l’espace public, c’est avoir accès à l’information sur l’espace public », a également indiqué la consultante, décrivant l’emprise des majors du numérique, qui pose là aussi une série de questions sur les modèles de tarification de l’espace public.
Atlas du mobilier urbain
Dominique Alba a rappelé que l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur), qu’elle dirige, avait notamment contribué au travail de la Ville en la matière en publiant un atlas du mobilier urbain de la Capitale. Elle a notamment décrit la végétalisation comme une des pierres angulaires des transformations en cours, étayant son propos par des chiffres, 170 000 arbres ou 300 rues aux enfants. « L’espace public a aussi besoin de grands projets », a poursuivi l’architecte, évoquant notamment la piétonnisation des berges de Seine, exemple de transformation patrimoniale ouvrant la porte à de nouveaux usages, embellissant le cadre de vie d’un espace autrefois réservé à la voiture sans dénaturer son héritage architectural.
(*) Zone à défendre.