Dans le deuxième volet du dossier de politique fiction réalisé avec l’aide de Chat GPT-4o à l’occasion du 500e numéro du Journal du Grand Paris, plongée dans une Ile-de-France où la crise du logement se double désormais d’une crise thermique et où l’adaptation au climat extrême rebat les cartes de l’urbanisme, des mobilités et des inégalités sociales.
A l’heure du Grand Paris tropicalisé, le logement est devenu un facteur de survie. Longtemps pensée en termes d’accès et de surfaces, la crise du logement se mesure désormais en degrés Celsius. Les plus pauvres vivent dans les passoires thermiques d’hier, qui sont devenues les pièges d’aujourd’hui. Une étude publiée par l’Agence francilienne de la santé environnementale estime que plus de 1 700 décès chaque été sont directement liés à des logements mal adaptés à la chaleur.
Les intercommunalités ont certes mis en place des mécanismes de rénovation d’urgence – groupements de foncières publiques, primes chaleur, permis de surélévation conditionnels – mais la pénurie de main-d’œuvre qualifiée, conjuguée à une inflation des matériaux biosourcés, ralentit les chantiers. En 2049, seuls 18 % des logements identifiés comme « à risque thermique » avaient été réhabilités.
Pantin, août 2050 _ Les murs de béton exhalent la chaleur de la veille. Dans son appartement du 6e étage, orienté plein sud, Yasmina tente d’humidifier l’air pour ses enfants à l’aide d’un linge mouillé suspendu devant un ventilateur usé. Il est 9h30, la température intérieure affiche déjà 38 °C, malgré les volets clos depuis l’aube. Le bailleur n’a pas encore procédé aux travaux d’isolation thermique promis depuis 2048. « On nous dit d’attendre le plan métropolitain, mais en attendant, on étouffe », souffle-t-elle.
Un marché immobilier bouleversé
A Paris intra-muros, la hiérarchie des quartiers s’inverse. Les secteurs anciennement prisés – hauts d’immeuble exposés, rez-de-chaussée sans ventilation, copropriétés haussmanniennes mal isolées – voient leurs valeurs s’effondrer. A l’inverse, certaines zones périphériques, historiquement dévalorisées, mais végétalisées et bien desservies par les réseaux de fraîcheur, connaissent une flambée des prix. Les notaires parlent désormais de « prime fraîcheur », intégrée dans les grilles d’évaluation. « Une terrasse ombragée, une orientation nord, une double façade ventilée peuvent faire varier le prix de vente de 20 à 30 % », observe Clara Merin, urbaniste et experte en valeur verte. Le logement devient ainsi un capital thermique, creusant les écarts entre ceux qui peuvent s’acheter de la résilience, et ceux qui la subissent.

Longtemps pensée en termes d’accès et de surfaces, la crise du logement se mesure désormais en degrés Celsius. Les plus pauvres vivent dans les passoires thermiques d’hier, qui sont devenues les pièges d’aujourd’hui.© Midjourney

On parle désormais de « prime fraîcheur ». © Midjourney
Vers un nouveau modèle d’habitat
Face à l’urgence, l’urbanisme du « vivre dehors » cède la place à celui du « vivre abrité ». La densité verticale, promue dans les années 2030 autour des gares du Grand Paris express, est aujourd’hui largement remise en question. La tendance est à la redensification végétale, à la déconstruction ciblée d’îlots trop minéralisés, au développement de logements thermorégulés collectifs intégrant ventilation naturelle, géocooling (*) et systèmes hydriques partagés.

La tendance est à la redensification végétale. © Midjourney
Dans certaines communes pionnières comme Bagneux (anciennement Hauts-de-Seine) ou Romainville (ex-Seine-Saint-Denis), de nouveaux programmes d’habitat coopératif climatique voient le jour : écoquartiers fermés à la circulation motorisée, logements troglodytes réhabilités, immeubles à façades adaptatives. Le logement devient un bien commun, pensé non plus seulement à l’échelle du foyer, mais à celle du climat et du territoire.
(*) Le géocooling fait partie des techniques de rafraichissement naturel (dit freecooling). Il consiste en l’utilisation « directe » de la température du sous-sol pour assurer le rafraîchissement d’un bâtiment, sans fonctionnement de la pompe à chaleur géothermique.
Se déplacer dans un Grand Paris à 50 °C : métropole sous stress, mobilités en mutation
Depuis 2047, un décret interdit la circulation des transports collectifs de surface entre 11h et 17h dès lors que la température dépasse 45 °C. Ce « protocole canicule extrême » a bouleversé les usages. Les métros et tramways fonctionnent désormais par « plages thermiques » : 6h–10h le matin, 18h–23h le soir. Les pics d’affluence sont devenus chroniques, et la fréquentation annuelle a chuté de près de 40 %.
Malgré les investissements dans des rails composites et les dispositifs de géocooling, seules certaines lignes profondes du Grand Paris express assurent un service stable en été. Ailleurs, les coupures, ralentissements ou redéploiements deviennent la norme.
Le Kremlin-Bicêtre, août 2050 _ Il est midi, et la ligne 14, autrefois fleuron du Grand Paris express, est à l’arrêt entre Maison Blanche et Saint-Denis. Motif : surchauffe dans un tunnel à 53 °C. À la sortie, des navettes autonomes à refroidissement passif évacuent les passagers.
Cette scène, désormais banale, symbolise une réalité nouvelle : en Ile-de-France, la mobilité est désormais pilotée par le climat. Des transports publics contraints par la chaleur.
Face à la saturation des réseaux lourds, la marche regagne du terrain, favorisée par la création de « rues thermiquement apaisées »– ombragées, végétalisées, parfois refroidies par brumisation. À Paris, 65 % des voies sont piétonnisées entre mai et septembre.
Les corridors autonomes : épine dorsale de la résilience mobile
Mais cette renaissance a ses limites. Le vélo, longtemps promu, régresse : à 47 °C, pédaler devient un risque sanitaire. Les vélos à assistance thermique (VAE refroidis) séduisent les plus aisés, mais restent marginaux. La mobilité active est aujourd’hui une question de pouvoir thermique.

La grande innovation des années 2040, ce sont les corridors autonomes climatisés : des axes réservés aux mini-bus sans conducteur, 100 % électriques, climatisés et pilotés par IA territoriale. © Midjourney
La grande innovation des années 2040, ce sont les corridors autonomes climatisés : des axes réservés aux mini-bus sans conducteur, 100 % électriques, climatisés et pilotés par IA territoriale. Ces navettes à réservation relient les grands nœuds de vie : hôpitaux, marchés nocturnes, hubs résidentiels ou zones fraîches. Initialement testés à Paris-Est-Marne-la-Vallée ces couloirs ont essaimé à Cergy Saint-Denis et Paris Sud. Mais leur déploiement reste inégal. Les quartiers populaires, souvent périphériques, demeurent moins bien desservis, accentuant un sentiment d’abandon logistique.
Un débat politique sur la mobilité climatique
A la métropole du Grand Paris, les clivages s’aiguisent. Faut-il interdire les voitures climatisées individuelles, considérées comme un refuge des classes moyennes ? Imposer un quota thermique par foyer ? Ou encourager au contraire la mobilité individuelle décarbonée pour alléger les réseaux publics ?
Le maire de Boulogne-Billancourt (anciennement Hauts-de-Seine) défend un « droit individuel au rafraîchissement », avec l’extension des autoroutes climatisées. À l’opposé, la présidente de Région Claire Mistral plaide pour une tarification différenciée selon la résilience des quartiers : « Ce n’est plus à l’individu de s’adapter à la ville, mais à la ville de garantir une égalité thermique. »

Il est 11 h du matin et les écrans d’alerte fixés sur les abribus affichent déjà 48,6 °C. © Midjourney
Dans les faits, la mobilité quotidienne recule. Les Franciliens vivent à l’échelle de leur quartier, organisent leurs activités selon la météo, télétravaillent dans des tiers-lieux climatisés, commandent leurs courses par logistique robotisée. Le déplacement devient une ressource conditionnée, à réserver aux impératifs vitaux.
L’IA joue un rôle clé : elle réorganise les flux en temps réel selon les alertes météo, modifie les horaires des services, priorise les transports pour les plus vulnérables. Mais ce pilotage algorithmique soulève aussi des tensions : accès inégal aux plateformes, surveillance, perte d’autonomie décisionnelle. La mobilité francilienne n’est plus un droit fluide, mais une équation entre résilience, justice climatique et arbitrage technologique. Le progrès ne se mesure plus en vitesse, mais en soutenabilité.
« Je dois partir à 5h30 pour ne pas fondre dans le bus »
Fatoumata vit dans un pavillon ancien, sans climatisation, à la lisière de Moissy-Cramayel. Tous les matins, elle prend un bus thermique hybride vers l’hôpital de Corbeil-Essonnes, puis une navette autonome de secteur. « En été, les horaires changent. Le bus ne roule qu’entre 5h et 10h. Après, il fait trop chaud », explique-t-elle. En cas de retard, elle paie une course autonome privée, 26 euros le trajet. Trop cher pour un salaire mensuel de 2 100 euros. « Mes collègues du centre de Paris ont des navettes climatisées toutes les dix minutes. Moi je crame dans le bus ou j’attends une heure à un arrêt brûlant. »
Fatoumata a bien tenté de demander un crédit pour une voiture électrique, mais l’installation d’une borne de recharge reste hors de portée. Résultat : elle roule encore en thermique, sans toujours pouvoir se ravitailler en essence, dont la distribution est restreinte. « Je vis dans un désert de mobilité fraîche. On est les oubliés de la transition. »
