I. Itzkovitch : « Il existe de nombreuses convergences, derrière les postures »

Ivan Itzkovitch, conseiller métropolitain et animateur du comité de pilotage pour l’élaboration du schéma de cohérence territoriale (Scot), répond à la réaction de Jean-Louis Missika, adjoint à la maire de Paris, qui a regretté lors du dernier conseil métropolitain un plan d’aménagement et de développement durable (PADD) insuffisamment ambitieux.

Où en est-on de la rédaction du schéma de cohérence territoriale, dont vous animez le comité de pilotage ?

Ivan Itzkovitch. © Jgp

La rédaction du schéma de cohérence territoriale (Scot) comprend deux grandes étapes. Une phase de définition du projet, politique, contenue dans le projet d’aménagement et de développement durable (PADD) dont la métropole vient de débattre en conseil, puis une phase plus juridique, prescriptive, réglementaire, lors de laquelle des règles seront adoptées, déclinant les orientations du projet. C’est le document d’orientation et d’objectifs (DOO), dont les travaux viennent de débuter. Il s’agit en quelque sorte d’un plan local d’urbanisme géant, auquel les plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUI) devront être compatibles.

L’élaboration de ce document d’orientation et d’objectifs est politiquement sensible ?

Oui, car les territoires auraient pu penser que le Scot métropolitain serait la compilation des PLUI des territoires. Mais ce n’est pas la voie que l’on a choisie. Le DOO édicte des règles. Il ne s’agit plus seulement de fixer des orientations politiques générales. Il pourrait, par exemple, prévoir que toute construction de nouvelles surfaces de bureaux devra être accompagnée d’une surface équivalente de logements, ou que toute nouvelle construction doit être compensée par autant d’espaces verts, dans des périmètres précis. Il pourrait aussi prévoir que l’on ne densifie l’habitat que s’il y a, à moins de 10 min à pied, un transport en commun, des équipements de santé, scolaire, culturel ou sportif. Le DOO va aboutir à des cartes. On entre donc avec lui dans une vraie logique politique. Le PADD sera adopté en même temps que le DOO, et donc l’ensemble du Scot, à l’automne prochain.

Jean-Louis Missika a regretté, lors du dernier conseil métropolitain, que le PADD soit insuffisamment engagé, qu’en pensez-vous ?

La gouvernance partagée implique que les différentes formations parviennent à se mettre d’accord. Mais je peux comprendre la déclaration de Jean-Louis Missika, que je prends comme un appel : attention à ce que le Scot ne maintienne pas le statu quo, ce qui pourrait advenir si l’on sortait de la logique fixée par le PADD. La mairie de Paris et l’exécutif parisien dans son ensemble se sont impliqués très fortement dans la rédaction de ce document, ce qui n’est pas le cas de nombreux territoires, que l’on entend beaucoup sur certains sujets mais qui ne s’impliquent pas dans la préparation de ces documents. J’estime que la position d’Anne Hidalgo et de l’exécutif parisien est très raisonnable. Ils ont compris que c’était compliqué, mais ils n’essaient pas d’imposer leur vue. Je m’attends à passer une année passionnante car nous sommes au cœur du débat. J’ai examiné les Scot élaborés dans d’autres métropoles. Certains DOO vont jusqu’à la parcelle ou à l’îlot.

Le risque d’un maintien du statu quo est inhérent à la gouvernance partagée ?

Je pense que, concernant le PADD, nous avons échappé à ce travers. Il faut lire le document. Je l’ai dit en séance, le droit à la métropole, Eric Cesari, président du groupe LR, et moi-même l’avons accepté mais ce n’est pas notre priorité naturelle. Prenons l’exemple des quartiers d’affaires. Les Hauts-de-Seine se passionnent dès que ce sujet est abordé, avec un premier réflexe souvent défensif. Mais l’état du quartier, l’état physique, urbain, n’est pas satisfaisant. La réalité, c’est qu’il nous faut trouver une dynamique multifonctionnelle dans ces quartiers comme dans d’autres. La gouvernance partagée permet justement de rechercher les clés de résolution de ces problèmes.

« Les Hauts-de-Seine se passionnent dès que le sujet de La Défense est abordé ». © Nick Leppänen Larsson

Vous constatez des convergences derrière les postures ?

On peut voir, en effet, la logique politique provoquer des affrontements sur des sujets très superficiels, et émerger des convergences sur la réalité des sujets que nous devons traiter. Il est vrai qu’il existe un risque de consensus mou. On est sur un fil. Certains souhaitent que le Scot ne soit qu’un récolement des PLU. Cela serait à mon avis très dommage pour l’image et le rôle de la métropole. Il vaut mieux s’opposer, le temps de trouver des compromis. Nous arriverons ainsi à un document ambitieux sur les sujets pour lesquels nous sommes d’accord, peut-être un peu moins sur les sujets où les désaccords demeurent. Il existe également un fait majoritaire, que l’on ne peut totalement éluder.

Jusqu’où ira le degré de prescription du Scot ?

C’est la première fois que l’on se livre à cet exercice à l’échelle de la métropole. Le Scot va édicter la règle générale d’urbanisme. Une marge de manœuvre va naturellement être laissée aux plans locaux d’urbanisme intercommunal. Mais la réalité, c’est que le Scot peut aller assez loin dans son caractère prescriptif. Aujourd’hui, le déséquilibre provient du fait que si on laisse la totalité des marges de manœuvre au niveau communal, on ne peut avoir de rééquilibrage. C’est naturel. Certains insistent pour que l’on n’oublie pas l’histoire de chaque commune, de chaque territoire. Cela est vrai. Mais ce que je dis simplement, c’est qu’être métropolitain, ce n’est pas oublier d’où l’on vient, mais ce n’est pas oublier non plus que l’on appartient à la métropole. Nous allons organiser en janvier un séminaire de culture métropolitaine, pour préparer cet exercice du DOO.

Quelles grandes orientations fixe le PADD ?

Les 12 orientations prioritaires du PADD, qui concluent le document constituent les portes d’entrée du DOO. A partir de ces 12 orientations, facilement traduisibles en prescriptions, nous allons sans doute aboutir à des règles ambitieuses en matière de pleine-terre ou d’imperméabilisation des sols. La gouvernance partagée n’empêche pas les lignes de fracture, mais la différence, c’est que dans la gouvernance partagée, les lignes de fracture ne sont pas partisanes. Les clivages, depuis la naissance de la métropole, distinguent ceux qui sont profondément métropolitains, ceux qui pensent qu’il existe une cohérence métropolitaine sur certains enjeux, l’aménagement du territoire, la lutte contre les inondations, contre la pollution et ceux qui estiment que ce n’est pas le cas.

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