C’est une des conséquences d’une motion de censure adoptée avant l’adoption de la loi de finances pour 2025. En théorie, les établissements publics territoriaux vont perdre, au moins durant quelques semaines, le bénéfice de la cotisation foncière des entreprises (CFE), leur principale recette fiscale.
La nouvelle s’est répandue ces dernières heures comme une trainée de poudre chez les élus des établissements publics territoriaux (EPT) du Grand Paris. Sans loi de finances, pas de dérogation aux dispositions de la loi NOTRe. Une loi qui prévoit une attribution de la totalité du produit de la cotisation foncière des entreprises (CFE) à la Métropole dès 2021, disposition sans cesse reportée d’une année sur l’autre… en loi de finances. Autrement dit, tant qu’une nouvelle loi de finances n’aura pas été adoptée, ce qui suppose la formation d’un nouveau gouvernement et, a minima, quelques semaines de débats, les 12 territoires du Grand Paris (11 établissements publics territoriaux plus Paris), risquent de se voir privés de cette manne d’environ 1 milliard d’euros.
Certains élus des EPT s’en inquiètent vivement, redoutant de subir un véritable « shutdown » et de se retrouver rapidement dans l’impossibilité de payer les traitements de leurs agents. A Plaine Commune (Seine-Saint-Denis), Alexandre Fremiot, directeur général des services, prend cette affaire au sérieux. Dans ce Territoire très intégré, présidé par le maire (PS) de Saint-Denis Mathieu Hanotin, le produit de CFE représente quelque 160 millions d’euros par an, sur un budget de fonctionnement de 250 millions d’euros. Soit 14 millions d’euros versés chaque mois par les services de l’Etat, sans lesquels l’EPT se retrouverait rapidement en situation de grande difficulté. « Au-delà, cela révèle l’inadaptation des règles de financement des EPT fixées par la loi NOTRe et sans cesse rafistolées depuis », poursuit le dirigeant territorial.
Ce dernier tempère son inquiétude en indiquant que Mathieu Hanotin, également président de l’Alliance des Territoires, a reçu récemment de Catherine Vautrin, alors encore ministre du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation, l’assurance que les services de l’Etat, DGCL et DGFIP, étaient conscients de la nécessité de trouver rapidement une solution à ce problème. Et, au-delà, de régler le sujet dans la durée.
Un partage à 50/50
Un débat oppose les juristes, entre ceux qui estiment que la loi spéciale annoncée pour permettre à l’Etat de régler les affaires courantes en attendant la loi de finances pour 2025 pourrait éviter, par un simple amendement le prévoyant, de priver les EPT de cette recette, et ceux qui affirment que cette loi spéciale ne pourra pas comporter une telle disposition.
Certains font remarquer que cet épisode sera indolore si une nouvelle loi de finances est rapidement adoptée, la CFE étant versée par douzièmes sur la base des recettes du mois précédent. Les Territoires devraient donc, avec ou sans loi de finances, percevoir fin janvier 2025 le produit de CFE correspondant à décembre 2024. Ce n’est que si le Parlement tardait à adopter cette nouvelle loi de finances que les problèmes sérieux surviendraient.
En toutes hypothèses, l’issue de cet évènement semble connu : dès qu’une loi de finances sera adoptée, le partage de la manne que représente la CFE, à 50/50 entre les Territoires et la Métropole qui prévaut depuis plusieurs années, sera reconduit. Un accord aurait été scellé sur ce point entre les représentants des Territoires et celui de la Métropole, sous l’égide du préfet de région.
Dans l’entourage de Patrick Ollier, on confirme cet accord pour une reconduite en 2025 du partage de la CFE à 50/50. La MGP, très inquiète elle aussi, pour ses perspectives budgétaires, a récemment adopté un vœu à l’unanimité de son bureau. Comme l’indiquait récemment Le journal du Grand Paris, ce texte énumère les causes multiples d’une dégradation importante des recettes de la Métropole l’an prochain, alors même que la MGP poursuit la montée en charge de ses compétences.
Christophe Michelet (Partenaire finances locales) : « La Métropole et les EPT en territoire inconnu »
Le décryptage de Christophe Michelet, consultant en finances locales, président de Partenaires finances locales.
« Depuis la loi de finances 2021, les dispositions transitoires prévues par la loi NOTRe pour la période 2016-2020 et en premier lieu la perception de la CFE par les EPT sont prolongées : jusqu’en 2022 par la loi de finances 2021, jusqu’en 2023 par la loi de finances 2023 et jusqu’en 2024 par la loi de finances 2024. Ces reports introduits par amendement au PLF consistent uniquement à modifier l’année de fin des dispositions transitoires. Pour la loi de finances initiale, c’est l’article 249 qui le prévoit en décalant les années concernées.
Pour la perception de la CFE par les EPT, c’est le XV de l’article 59 de la Loi NOTRe qui est modifiée et qui indique que « dans le périmètre de la métropole du Grand Paris, la cotisation foncière des entreprises due au titre des années 2016 à 2024 est établie au profit des établissements publics territoriaux et de la Ville de Paris ».
En l’absence d’une loi de finances 2025 adoptée avant fin 2024 qui prolonge cette dérogation en 2025, c’est le droit commun des EPCI qui devrait s’appliquer au 1er janvier 2025 et donc une perception de la CFE mais aussi des compensations associées par la Métropole.
Ce basculement n’était évidemment pas anticipé et projette les EPT et la Métropole en territoire inconnu, pour deux raisons : Si la perception de la CFE par la Métropole est bien effective au 1er janvier 2025, l’ajustement des flux financiers entre Métropole et EPT tel qu’anticipé par la loi NOTRe va-t-il assurer le respect de la neutralité budgétaire et financière ? Dit autrement, la dotation d’équilibre actuellement versée par tous les EPT à la Métropole va-t-elle s’ajuster automatiquement pour intégrer le transfert de la CFE à la Métropole ? Selon la formule de calcul actuelle cela paraît peu probable, car elle ne tient pas compte de la dynamique de CFE depuis 2015 ni des compensations fiscales associées. Si une loi de finances est adoptée début ou courant 2025, pourra-t-elle rétablir de manière rétroactive au 1er janvier les dispositions transitoires actuelles ?