Elliott Causse – Le monde est flux

L’artiste diplômé des Beaux-Arts de Paris, installé chez Poush, est passionné par l’urbanité. Rectilignes, tuyaux, parcours… il a ainsi fait du flux la base de son œuvre murale. Un style qui a tapé dans l’œil d’Emerige, d’UGC et du Grand Rex qui vient de lui commander une fresque.

Décembre 2023, Elliott Causse, artiste plasticien, vient juste de recevoir l’excellente nouvelle : l’historique cinéma, le Grand Rex, dans le 9e arrondissement de Paris, confirme sa commande d’une œuvre murale pour les couloirs. « 50 m composés de deux étages, deux murs et d’un gigantesque plafond », s’enthousiasme le diplômé des beaux-arts de Paris. À 31 ans, Causse n’en est pas à sa première intervention cinématographique : pour les UGC des Halles en 2018 et d’Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine) en 2022, il a habillé deux panneaux de ses « flux », comme il identifie son style. Des traits, façon tubes, qui se lacent et s’entrelacent, s’alignent et se croisent pour, au final, offrir un jeu de parcours.

C’est au cours d’un séjour à Kyoto, en 2015, avec son chef d’atelier aux Beaux-Arts, le plasticien japonais Tadashi Kawamata qu’Elliott Causse trouve son style propre. « En 2014, j’ai travaillé sur les murs et plafond d’un bar du 18e arrondissement avec déjà cette idée de flux mais c’était encore très fouillis. C’est mon voyage au Japon qui a organisé ma forme d’expression. J’y ai ramené un hommage pour ce pays ». Selon lui, esthétique et écologie vont ensemble. « C’est là-bas que j’ai réalisé ce lien. Ce fut une grosse claque ». Il s’explique : « L’écologie qui me touche plus esthétiquement que politiquement, c’est, par exemple, la beauté des saisons qui s’enchaînent, la laideur des poubelles qui trainent dans la rue ».

Eliott Causse. © Jgp

L’artiste admet ne pas être dans la droite ligne de l’art contemporain de ces dernières années, qu’il juge corrosif, destructif, acide… « Rien à voir avec mes traits rectilignes et fonctionnels qui montrent à voir ce qui se passe derrière le placo », commente le Parisien qui suit sur Instagram uniquement des… plombiers. Et de justifier une telle curiosité en montrant les images de leurs chantiers : « tous ces ensembles de tuyaux, c’est exactement mon travail ». Une autre claque dans sa vie : Beaubourg, évidemment. « C’est le number one, s’exclame-t-il. Le bâtiment me met dans un état de méditation. C’est un beau système stable ».

Ses compositions jamais « bouchées », comme il dit, ajoutées à une esthétique efficace, expliquent le succès de Causse auprès de promoteurs comme Emerige pour qui il vient de signer une commande dans le cadre de l’opération « 1 immeuble 1 œuvre » dans le 15e arrondissement. Il est marqué par son bâtiment voisin, un atelier de réparation de wagons de la RATP, et en vient à se dire que « le flux du transport c’est une grosse partie du problème de l’écologie ». Comme un message subliminal passé entre l’artiste et la régie, en 2021. Celle-ci l’avait justement choisi pour illustrer ses cartes de vœux 2022. Deux ans auparavant, en 2020, Causse intervient avec une fresque dans le nouveau siège parisien d’Altarea Cogedim, sur 24 étages et 4 cages d’escalier. Il s’agit pour lui de traiter un autre flux : « L’humain. De tous ces hommes et femmes qui traversent quotidiennement cet immeuble ».

Observateur de la ville

Né en 1992 à Paris dans le 13e, Elliott Causse grandit à Joinville-le-Pont (Val-de-Marne). Le RER A est son moyen de transport quotidien. L’adolescent graffe dans le métro et dans des lieux improbables de Paris sous la signature Taker. « J’aimais le geste du tag, le mobilier urbain et ce lien particulier que j’entretenais avec la Capitale : c’est là où j’ai attrapé l’excitation de la ville ». En entrant aux Beaux-Arts, en 2012, il devient observateur de la ville. « Je me suis penché sur sa cartographie ». Une cartographie qu’il filme en 2021 dans les hauteurs de la résidence artistique Poush Manifesto, à Clichy-la-Garenne (Hauts-de-Seine), durant le confinement. Une œuvre filmique de cinq minutes, « Le Village », sur un point précis de la Porte de Clichy pris à l’Iphone pendant cette période en suspension.

Acquise par un collectionneur d’art vidéo, Elliott Causse propose néanmoins au visiteur de la regarder, assis sur l’un des sièges de la salle de visionnage qu’il a montée dans son studio chez Poush à Aubervilliers, où la résidence artistique s’est installée il y a un peu plus d’un an. Sur ces 150 m2, il travaille avec son frère cadet et l’artiste d’origine bolivienne Kenia Almaraz Murillo avec qui il partage sa vie et des commandes artistiques. « Contrairement à UGC où nous amenons une histoire sur des murs neutres, nous allons au Grand Rex nous glisser dans l’histoire Art déco du lieu. Un grand défi », conclut le joueur de tennis et de ping-pong, pratiques sportives pour chauffer le geste de la main levée, sa technique de travail.

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