Jean Faucheur et Cyrille Gouyette, respectivement fondateur et directeur artistique de l’association le M.U.R, invitent toutes les trois semaines un street artist à réaliser une fresque murale sur une façade du 11e arrondissement. Ce premier musée de l’art urbain en extérieur attire aujourd’hui les graffeurs du monde entier.
Dans le 11e, rue Oberkampf, toutes les trois semaines une performance urbaine en direct se joue sur un mur de 24 m2 devant un public étonné, et des passants indifférents. Un rituel vieux de 16 ans où un graffeur, français, américain, suédois, coréen, yéménite… donne vie à une fresque éphémère. Un live de huit heures, à l’initiative de l’association le M.U.R (Modulable. Urbain. Réactif).
Fondé en 2003 par le pape français de l’art urbain, Jean Faucheur, le M.U.R offre une tribune originale au monde du graff : un support extérieur, encadré, jouant de l’origine sauvage de cette expression artistique désormais sur les murs vernis des galeries d’art et des fondations. Depuis le lancement de l’opération, en 2007, 370 graffeurs du monde entier se sont succédé sur la façade du café Charbon.
« Au départ, les artistes se méfiaient de ce projet “autorisé” et donc à l’encontre de l’esprit illicite du street art », reconnaît le plasticien de 67 ans. Il souligne néanmoins une époque propice : « le procès de Versailles opposant la RATP et la SNCF à 56 “trainistes” [graffeurs sur trains, ndlr] avait sidéré les graffeurs, empêchant une partie d’entre eux de continuer à s’exprimer ». Le M.U.R avait donc de quoi les séduire, en plus de l’assurance – « c’était nouveau », souligne Jean Faucheur, d’être payés. « La proposition était, par ailleurs, une expérience vertueuse car elle gardait une partie de l’esprit de l’art urbain avec ses œuvres éphémères qui se succèdent ».
Trois ans après la naissance de l’association, en 2007, le M.U.R obtient l’autorisation par la commission de l’art dans la ville d’opérer sur cette surface de la rue Oberkampf dédiée jusqu’à présent à des panneaux 3 x 4 de pub. Jean Faucheur commence par convier des artistes qui lui font confiance comme Zloty, Horfé, Hermes, Psyckoze. Les œuvres ne sont pas détériorées, la mairie est rassurée, les graffeurs emboîtent le pas en toute tranquillité.
Une rencontre heureuse
Aujourd’hui, près de 20 ans plus tard, le mur affiche 17 artistes par an. Rémunérés 1 000 euros, ils sont accompagnés techniquement et humainement par l’un des sept membres du conseil d’administration de l’association (avocats, créateurs, collectionneurs d’art urbain), elle-même financée par la ville de Paris et des mécènes privés en plus de commandes de chantiers rémunérées. Le rythme des performances est depuis peu passé de deux à trois semaines. « C’était trop court, on sentait une frustration de la part de l’artiste et du public », souligne Cyrille Gouyette, directeur artistique du M.U.R depuis quatre ans. C’est entre les mains de cet historien de l’art, en poste au Louvre depuis 30 ans, que passent les 300 à 400 demandes annuelles provenant du monde entier. « Si la sélection est collégiale, elle exige des artistes une expérience de la rue », explique-t-il. Comprendre : un artiste autonome, pouvant travailler sur des hauteurs pendant huit heures.
Dans le cadre de ses fonctions éducatives auprès du jeune public, Cyrille Gouyette, 55 ans, diplômé en histoire de l’art de la Sorbonne, découvre le monde du graff : « Une culture très populaire auprès des jeunes qui m’a permis de les intéresser aux collections du Louvre. En passant par des artistes comme Banksy qui a traité le Radeau de la méduse de Géricault, j’ai ainsi pu leur prouver une continuité dans l’art. » De cette expérience, le diplômé des Beaux-arts écrit « Sous le street art le Louvre » qui l’amène à rencontrer Jean Faucheur. Depuis, Gouyette est « entré dans le mur », comme il dit. « Nombre d’œuvres pariétales contemporaines viennent du patrimoine ancien ou lui font allusion. Ces artistes urbains revisitent des thèmes, parfois à leur insu, qui s’inscrivent dans une tradition avec leur gamme de couleur, leur esthétisme, leur technique ». Le Louvre, la rue pure et dure, Gouyette, Faucheur : « Une rencontre heureuse », résume le président de la Fédération de l’art urbain installé dans son atelier de Belleville.