Dominique Dudan (Orie) : « Dans certaines zones, des projets risquent de ne pas pouvoir être réalisés »

Présidente d’Union investment Real Estate France, Dominique Dudan met la dernière main à une étude de l’Orie sur les effets de la réforme récente de la redevance pour création de bureau en Ile-de-France.

Que reprochez-vous aux taxes mises en place en Ile-de-France pour financer notamment le Grand Paris Express ?

L’étude que l’Observatoire régionale de l’immobilier d’entreprise (Orie) vient de mener montre bien qu’en Ile-de-France, l’excès de taxe, je pense en particulier à la redevance pour création de bureau, aboutit à des effets contre-productifs, amoindrissant la ressource au lieu de l’augmenter.  Cette redevance, dont le tarif varie en fonction de la zone où vous vous trouvez, a été récemment étendue aux hôtels, à la logistique, et aux commerces. Elle concerne par ailleurs tous les bureaux, qu’il s’agisse de construction neuve ou de rénovation. Cette redevance pose une série de problèmes. Son zonage, tout d’abord, n’apparaît pas cohérent avec les objectifs du schéma directeur de la région Ile-de-France (SDRIF). Surtout, elle aboutit à ce que dans certains secteurs géographiques de l’Ile-de-France, plus aucun projet immobilier ne sorte.

Dominique Dudan, président d'Union Invest, administratrice de l'ORIE

Dominique Dudan, président d’Union Invest, administratrice de l’ORIE

Pourquoi ?

Le coût d’un projet se décompose ainsi : le béton, le terrain et l’éventuelle valeur de l’actif. Mais si la taxe, qui s’ajoute à ces coûts, aboutit à ce que l’opération ne soit pas viable, car dépassant le prix acceptable par le marché, il faut comprimer une des composantes de ce prix. Or le béton ne peut être réduit, ce sont donc les collectivités locales qui vont « donner » le foncier, afin de permettre la réalisation de l’opération. Ce qui n’est pas durable.

Vous avez des exemples ?

Prenons le cas de l’hôtellerie, qui me tient particulièrement à cœur. On veut des hôtels « économiques », en zones 2 et 3, les plus éloignées de Paris. Or ces hôtels affichent par nature des marges extrêmement réduites. Avec la redevance dans sa forme actuelle, aucun hôtel de cette catégorie ne peut plus être construit. Il existe des règles : la réalisation d’un hôtel qui affichera des nuitées à 80 euros ne peut coûter plus que 80 000 euros par chambre à ses promoteurs.. Cela s’appelle la règle du millième en hôtellerie, et s’impose à tous. Même problème pour la logistique, dont les loyers n’ont pas évolué depuis dix ans, autour de 50 euros. Quand cette taxe vient enchérir le prix, les logisticiens quittent le nord de l’Ile-de-France pour s’établir dans l’Oise, où il n’y a pas de taxe. Cela produit donc un double effet négatif : des projets voient le jour au-delà des frontières franciliennes, et le nombre de friches industrielles, de friches logistiques et de bureau augmente en Ile-de-France. Un groupe de travail planche sur ces questions à la préfecture d’Ile-de-France. Nous avons bon espoir que les choses évoluent dans le cadre de la loi de finances qui arrive au Parlement.

Quel regard portez-vous sur la taxe forfaitaire sur le produit de la valorisation des terrains nus et des immeubles bâtis (art. 1635 ter A.-I de la loi du 3 juin 2010 relative aux Grand Paris) que provoquerait l’implantation des gares du Grand Paris express ? 

La construction de 69 nouvelles gares est prévue. Qui croit qu’elle aboutira à la naissance de 69 pôles tertiaires ? Il y en aura une dizaine au mieux. Le Grand Paris express va être formidable pour tous ceux qui se déplacent en Ile-de-France pour se rendre à leur travail. Mais cela ne va pas pousser les Franciliens en masse à déménager pour s’installer autour des gares. En tant qu’investisseur institutionnel, je ne vais pas en l’espèce jouer les pionniers pour investir dans les nouvelles gares. Nous investissons sur des marchés établis et ne pouvons parier sur des développements à venir.

La transformation de bureaux en logement, idée à la mode en Ile-de-France, vous semble-t-elle pertinente ?

L’Orie mène actuellement une étude sur ce thème, dont les résultats seront prochainement publiés. Techniquement, il est parfaitement possible, dans la plupart des cas, de transformer un bureau en logement. A condition toutefois que le prix final du logement soit à peu près égal à celui du bureau. Une rénovation lourde d’un immeuble du bureau ou sa transformation en logement coûte à peu près le même prix, soit 2 500 euros du m2 environ. Mais la gestion des locataires pose d’autres problèmes. Pour les investisseurs, il est nettement plus simple et sûr de louer un immeuble à un seul et même bailleur, une entreprise, qu’à une multitude de locataires. Je représente des investisseurs allemands. Croyez-moi, il n’est pas aisé de leur expliquer les modalités de la loi Alur… Par ailleurs, transformer des bureaux en logement nécessite que l’ensemble des équipements nécessaires existe autour, école, commerce, etc. Autrement dit, cela doit s’inscrire dans un vrai projet urbain.

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