« Nous ne souhaitons pas en arriver à saisir la justice administrative », a indiqué Christian Métairie, un des 9 maires de Grand Orly Seine Bièvre (*) qui demandent un délai supplémentaire pour se prononcer sur leur réadhésion au Syndicat d’Ile-de-France (Sedif). Mais ces communes n’excluent pas de recourir à la voie judiciaire pour régler leurs différents avec le syndicat présidé par André Santini.
En amont du conseil du territoire de Grand-Orly Seine Bièvre (Gosb), qui s’est tenu mardi 15 décembre 2020 à la mairie de Vitry-sur-Seine, les maires des neuf communes souhaitant obtenir un nouveau délai avant de décider de leur réadhésion au Syndicat des eaux d’Ile-de-France (Sedif) avaient réuni la presse pour faire connaître leur désapprobation quant à l’évolution du dossier. « En l’absence de réponse officielle de la part du Sedif, nous allons adopter ce soir une délibération actant le prolongement du délai de réflexion, de six mois, qui nous est nécessaire avant de nous prononcer », a indiqué Michel Leprêtre, président de Grand-Orly Seine Bièvre.
Le feuilleton dure depuis que ces 9 communes de Gosb ont fait savoir leur intention de quitter le Syndicat des eaux d’Ile-de-France, pour créer une régie publique de l’eau, ou tout au moins leur volonté de se poser la question, profitant de la possibilité que les dernières lois de décentralisation leur offrent en l’espèce.
Après avoir déjà obtenu des délais supplémentaires pour poursuivre les études entamées à ce sujet, à la fois techniques et financières, les élus souhaitent aujourd’hui obtenir un nouveau report.
Le Sedif opposé à un nouveau délai
Mais le Sedif n’y est pas favorable. « Au 31 décembre 2020, on arrête », indiquait récemment Philippe Knussmann, dans nos colonnes. Le DG du syndicat des eaux d’Ile-de-France rappelait que les établissements publics territoriaux ont été alertés en décembre 2015 de l’évolution de la loi, qui leur confiait la compétence eau et leur laissait deux ans – jusqu’au 1er janvier 2018 – pour choisir le mode de gestion. Pour prolonger la réflexion, les élus de plusieurs Territoires ont demandé la mise en place d’une convention de coopération jusqu’à fin 2018, puis son renouvellement jusqu’à fin 2019, et à nouveau jusqu’à juin 2020. « A chacune de leur demande, avec la bienveillance du préfet, nous avons accordé la prolongation, mais celle courant jusqu’à juin 2020 devait être la dernière, rapporte Philippe Knusmann. Ils veulent leur liberté, c’est respectable, mais elle a un coût ».

Stéphanie Daumin (Chevilly-Larue), Marie Chavanon (Fresnes), Pierre Bell-Loch (Vitry), Philippe Bouyssou (Ivry), Michel Leprêtre (Vitry), Hélène de Comarmond (Cachan), Patricia Tordjmann (Gentilly) et Christine Janodet (Orly). © Jgp
Divorce à l’amiable
Les élus de ces neuf communes estiment notamment, pour justifier leur demande de nouveau moratoire, que les conditions sanitaires n’ont pas permis de consulter la population dans les conditions souhaitées. Leur demande s’inscrit aussi dans ce qui semble être un bras de fer financier. « Dans un divorce à l’amiable, on partage les acquisitions du couple. Là, tout se déroule comme si le Sedif voulait tout garder pour lui, en nous demandant en outre de régler une partie de la facture des biens acquis ensemble », a imagé Philippe Bouyssou, le maire d’Ivry.
Selon les différents scénarios effectués, le coût de sortie pour les communes concernées, loin d’être neutre, s’élèverait à 46 voire à 87 millions d’euros selon les simulations réalisées. « Ces sommes astronomiques proviennent du fait que le Sedif refuse une déconnexion virtuelle des réseaux, souhaitant imposer une déconnexion physique, forcément coûteuse puisque supposant la duplication des tuyaux », fait valoir la maire de Cachan Hélène de Comarmond.
« C’est un peu comme si Free ou Orange vous demandait de refaire tout le réseau électrique et de changer toutes les prises quand vous changez d’opérateur », ajoute Philippe Bouyssou. Les élus revendiquent également la propriété de 12% des actifs du Sedif, soit la part que représentent leurs communes dans le syndicat.
Prix de l’eau
Loin d’un coût supplémentaire, avec une augmentation du prix de l’eau pour les usagers évaluée à ce stade à 30 centimes d’euros par mètre cube, (pour un coût actuel de 4 euros par m3), les élus sécessionnistes indiquent que l’objectif est d’aboutir à diminuer la facture d’eau des usagers, à l’exemple de la ville de Paris, où, affirment-ils, le prix a baissé depuis la reprise en régie de cette compétence. « Le retour de l’eau, qui est un bien universel, en régie, c’est le sens de l’histoire, estiment ces élus, qui ont cité les cas de Paris, mais aussi de Nice, Grenoble, Montpellier, ainsi que celui du Grand Lyon et de Grand Paris Sud.
* Arcueil, Chevilly-Larue, Fresnes, Vitry-sur-Seine, Orly, Gentilly, Cachan, Ivry-sur-Seine, et le Kremlin-Bicêtre
Grand Orly Seine Bièvre possède, au sujet de l’alimentation de ses habitants en eau potable, une situation très privilégiée, que ne rencontrent pas tous les territoires qui se posent ou se sont posé la question de leur réadhésion au Syndicat des eaux d’Ile-de-France. Un privilège lié au fait que le Territoire dispose de multiples possibilités, et connaît donc l’embarras du choix, Eau de Paris, Véolia, mais aussi Suez étant en capacité de desservir tout ou partie du territoire. Cela explique également la complexité des études nécessaires pour choisir le meilleur mode de gestion, ces études devant combiner des données globales et des données collectées sur des périmètres plus restreints géographiquement, le coût de l’eau dépendant en grande partie de la qualité et de la proximité de la ressource.
La déconnection virtuelle de l’eau, que demandent les neuf communes de Grand Orly-Seine Bièvre est techniquement possible mais pose des questions parfois complexes. Avant qu’elle ne reprenne la gestion de l’eau en régie, Paris pratiquait une telle déconnection, avec Suez sur la rive gauche et Véolia rive droite, les deux s’échangeant de l’eau au gré de leur besoin. Il n’est pas rare, aujourd’hui, que le Sedif et Sénéo (ex-Syndicat des eaux de la presqu’île de Gennevilliers), procèdent également à des échanges. Mais une telle cohabitation peut poser des difficultés quant à la qualité de l’eau, et de la responsabilité afférente, – moindres, à l’évidence – quand seule la gestion est déconnectée et que la production demeure unifiée. L’épineuse question de la propriété des tuyaux se pose également, ainsi que celle de leur entretien.