Suite à l’inquiétude, teintée de colère, exprimée par l’exécutif parisien face à un projet de texte soumis à concertation, relatif à la réglementation des dark stores, le gouvernement a tenté, jeudi 18 août 2022, de calmer la polémique.
Pas sûr que cela suffise à calmer les esprits. Le gouvernement a tenu, jeudi après-midi 18 août 2022, une conférence informelle, encore appelée « briefing off », pour tenter de stopper la polémique née à propos d’un projet d’évolution de la réglementation concernant les dark stores.
« Nous découvrons avec beaucoup d’inquiétude et d’incompréhension un projet d’arrêté […] qui légalise de fait les “dark stores”. [L’installation d’]un simple point de collecte suffira pour être considéré comme un commerce », s’était alarmé il y a quelques jours sur Twitter Emmanuel Grégoire, l’adjoint à l’urbanisme de la mairie de Paris.
La Ville a, en effet, annoncé avoir commencé à verbaliser les dark stores ayant transformé des commerces en entrepôts, sans demander pour cela d’autorisation. Une autorisation requise lorsque le plan local d’urbanisme (PLU) classe les rues concernées en secteur réservé, soumettant précisément tout changement de destination à une autorisation préalable.
Des amendes de 500 à 25 000 euros
Ces contraventions au PLU sont passibles d’astreintes administratives d’un montant de 500 euros par jour, plafonnées à 25 000 euros. La mairie de Paris avait réuni l’ensemble des opérateurs de dark stores le 7 mars 2022, afin de leur rappeler les règles.
Du côté du gouvernement, on souligne aujourd’hui que la ville de Paris n’a pas donné suite à l’invitation qui lui a été faite de participer aux récentes assises du commerce. On indique également, qu’en effet, le critère de présence ou non d’un lieu d’accueil du public paraît déterminant pour décider de la nature de l’activité de l’entreprise concernée, permettant de discriminer entre celle d’entrepôt ou celle de commerce.
Les conseillers des ministères concernés, ceux d’Olivia Grégoire, chargée des Petites et moyennes entreprises, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme, et d’Olivier Klein, chargé de la Ville et du Logement, rappellent que les dark stores sont susceptibles de nuire aux commerces traditionnels et de générer une série de troubles de voisinage. Mais ils entendent également relativiser le poids de cette activité, qui promet à ses clients d’être livrés en moins de 10 minutes après avoir passé leur commande via une appli.
Dans une étude récente sur le sujet, l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur) a recensé 60 dark stores dans la Capitale, à comparer aux 60 000 commerces que compte Paris, rappelle-t-on. Par ailleurs, en quelques mois, le nombre d’opérateurs de ce commerce rapide serait passé dans la Capitale de neuf à quatre. « Pour que cette activité soit rentable, il faudrait un panier moyen de 40 euros, alors qu’il s’élève à une vingtaine d’euros », souligne-t-on. Enfin, on assure que le projet de texte qui a déclenché la polémique en est toujours au stade de la concertation. « Il faut réglementer. Il faut pouvoir donner aux maires la possibilité d’interdire ou pas un “dark store” dans un quartier », avait lancé Olivier Klein sur RTL, jeudi matin.
Emmanuel Grégoire : Bercy a gagné
Pour Emmanuel Grégoire, 1er adjoint à la maire de Paris et en charge de ce dossier, la position affichée par le gouvernement revient en réalité à légaliser de facto l’ensemble des dark stores. « S’il suffit d’installer un point de collecte pour qu’un entrepôt devienne un commerce, alors tous les dark stores vont le faire », résume l’élu. « Bercy a gagné. L’aile gauche du gouvernement Macron n’a aucun poids », poursuit-il, indiquant, sous réserve d’informations complémentaires, que la pression risque de monter d’un cran.
Enfin, concernant le refus de la ville de Paris de participer aux assises du commerce, Emmanuel Grégoire indique ne pas savoir de quoi il s’agit. « Je crois que si les ministres concernés avaient souhaité contacter Paris à ce sujet, ils l’auraient fait », souligne-t-il.
La CPME, l’union territoriale interprofessionnelle dédiée aux TPE-PME, a réagi le 19 août 2022 aux propos gouvernementaux. Elle exhorte le gouvernement à mettre en place « le cadre légal d’une régulation forte et territorialisée du quick commerce à Paris afin de combler le vide juridique dans lequel cette activité s’est rapidement développée dans la Capitale, où elle représente déjà plus de 25 % des livraisons alimentaires à domicile, trop souvent aux dépens des commerçants de proximité et des riverains ».
« Les pouvoirs publics doivent veiller à la bonne insertion des nouveaux modes de consommation et de livraison dans Paris et donc mettre un terme aux conséquences du quick commerce qui risquent de dévitaliser certains quartiers de la Capitale », estime Bernard Cohen-Hadad, président de la CPME Paris Ile-de-France. L’organisation propose que la ville de Paris soit la collectivité compétente pour adapter et préciser la régulation du quick commerce sur son territoire dans le cadre légal tracé par l’exécutif et suggère que la mairie saisisse l’opportunité de la réforme du plan local d’urbanisme (PLU) pour préciser que l’interdiction des entrepôts est étendue aux quick commerçants dans certains quartiers.