D. Bellier-Ganière : « Avec l’OIN, les élus ont appris à œuvrer ensemble»

Didier Bellier-Ganière, directeur général de l’Etablissement public d’aménagement de Seine-Aval (Epamsa), décrit les défis d’un territoire en pleine recomposition. Selon lui, la création d’une future intercommunalité englobant la quasi totalité du périmètre de l’Opération d’intérêt national créée en 2007 démontre le succès de celle-ci.

JGP : Quelle est l’histoire et la vocation de l’Epamsa ?   

Didier Bellier Ganière, Directeur général de l'Epamsa.

Didier Bellier Ganière, directeur général de l’Epamsa.

Didier Bellier-Ganière : L’Epamsa a été créé par l’Etat en 1996 pour mettre en œuvre deux plans de rénovation urbaine, celui du Val fourré, à Mantes-la-Jolie, et celui de La Noé, à Chanteloup-les-Vignes. Puis le territoire est devenu une opération d’intérêt national (OIN) en 2007, pour mettre en œuvre un projet de territoire porté à la fois par les élus locaux et l’Etat. L’originalité de la démarche réside dans la volonté de traiter globalement, et non au coup par coup, les enjeux du territoire, qu’il s’agisse de logement, de transport ou de développement économique. Dans ce cadre, l’Epamsa conduit à la fois des opérations d’aménagement global, de construction de logements ou de pôles commerciaux, de réalisation d’un pôle universitaire (Mantes Université), ou de développement de la mobilité. Ce territoire correspond véritablement à un bassin de vie, qui s’étend tout au long de la Seine, de Conflans Saint-Honorine aux limites du département. On est dans une OIN de nouvelle génération, reposant avant tout sur une adhésion forte des élus locaux à ce projet de territoire.

Quelle est votre stratégie pour le territoire ?

L’arrivée d’Eole à Mantes-la-Jolie en 2022 va constituer une extraordinaire opportunité pour ce territoire. Notre stratégie est de créer les conditions de la réussite de ce renouveau en étant exemplaire sur l’ensemble des opérations que nous menons. Il s’agit par exemple de créer de vrais quartiers d’activité intégrés, imbriqués dans la ville, proches des logements, innervées par un réseau de transports performant et bénéficiant des différentes aménités urbaines. Il s’agit également de se préoccuper des quartiers de gare du projet Eole, afin de reconstruire  la ville sur la ville, en apportant, au droit de ces gares, plus d’intensité.

Quels sont vos grands projets ?

Aujourd’hui, le développement économique constitue une de nos priorités, avec deux projets majeurs que sont la Zac Mantes InnovaParc à Buchelay d’une part et l’Ecopôle de Carrières-sous-Poissy d’autre part. L’écopôle, qui a été remarqué au OFF du développement durable comme « projet à suivre » est orienté sur les métiers de la filière de l’écoconstruction. « Fabrique  21 »,  d’une surface de 5 000 m2, est totalement occupé aujourd’hui, et accueille une matériauthèque, un centre de formation et plusieurs entreprises de l’éco-construction. C’est la vitrine de l’écopôle, dont nous venons d’entamer la commercialisation avec un nouveau projet de village d’entreprises de 10 000 m2. Mantes Innovaparc, qui borde l’autoroute A13, constitue également un de nos projets phares. Il s’agit d’un quartier d’activité, abritant notamment un hôtel et une pépinière d’entreprises, qui accueille déjà des start-up. Sulzer, un des leaders mondiaux des pompes submersibles, a choisi de s’y implanter. Nous sommes en phase de négociation avec plusieurs autres  sociétés. La commercialisation vient tout juste de démarrer. Un des atouts de cette zone réside dans la qualité de sa desserte autoroutière et en transports en commun.

Quelle est votre intervention sur ce type de projets ?

Nous sommes aménageurs, mais avant tout, nous sommes porteurs d’une ambition. C’est pourquoi nous défendons et accompagnons des choix urbains, environnementaux et économiques forts. Comme nous croyons en ce territoire, il nous arrive d’investir nous même dans des opérations, afin d’enclencher le processus et d’attirer ensuite des investisseurs. Pour tous ces projets, nous sommes extrêmement engagés dans une recherche de la plus grande performance écologique. Par exemple sur Carrières Centralité, 60 % du chauffage de nos premières opérations étaient assurées par des énergies renouvelables. Nous visons, sur nos prochaines opérations, un ratio de 90 % grâce à l’utilisation de la biomasse, de géothermie ou d’utilisation de la chaleur des stations d’assainissement d’eau. Le label « écoquartier », que nous avons obtenu pour trois de nos projets récents démontre la réalité de cet engagement. Nous avons également vocation à mener des actions de marketing territorial. Nous participons également, aux côtés des grandes entreprises du territoire, à la réflexion sur les problématiques de programmation urbaine et de reconversion des sites industrielles.

Quelle est votre action en matière de développement économique ?

Nous sommes dans une logique de confortation des filières de notre territoire, plus que de recherche de spécialisation. Il faut continuer à conforter par exemple l’industrie automobile, en favorisant les synergies avec les fournisseurs, en travaillant sur les friches industrielles en vue de renouvellement des outils industriels. Nous oeuvrons également beaucoup pour l’émergence de nouvelles filières liées à l’écoconstruction.

Quels sont vos chevaux de bataille actuels ?

Nous sommes très attentifs au prolongement d’Eole, qui doit relier Saint-Lazare à Mantes la Jolie en 2022. Nous y travaillons avec le Syndicat des transports d’Ile-de-France, et avec l’ensemble des parties-prenantes du projet. La réalisation de cette liaison, stratégique pour notre territoire, vient d’être été réaffirmée par Manuel Valls. Elle reliera Mantes-la-Jolie à La Défense en moins de 35 minutes, avec une fréquence nettement plus importante qu’aujourd’hui avec le RER A ou la ligne J du Transilien. Nous travaillons également sur les quartiers de gares, afin de favoriser les synergies entre transports, logements et zones d’activité, notamment en vue de l’arrivée d’Eole à Epône-Mézières ou à Vernouillet. A Epône-Mezières, nous sommes en train d’élaborer un projet urbain avec les communes concernées, qui arrive aujourd’hui à sa phase opérationnelle.

Quelle est votre intervention en matière de logement ?

Le logement, c’est un sujet majeur. Le territoire de Seine Aval a atteint les objectifs fixés par la territorialisation des objectifs de logement (Tol), de construction de 2 500 logements par an. Nous sommes en la matière aux avant-postes, notamment grâce à de grandes opérations en cours, 2800 logements à Carrières-sous-Poissy ou 2 000 à Mantes Université. Il existe aussi des opérations de moindre taille, en cœur de ville, 300 logements à Bonnières-sur-Seine par exemple, ou plus de 350 à Gargenville. L’OIN a favorisé la prise de conscience générale des maires de la nécessité de construire des logements pour développer le territoire. Le protocole signé par les élus dans le cadre de l’OIN a joué ce rôle et provoqué une émulation collective. Les programmes construits sont essentiellement du logement social et de l’accession à la propriété. On ne peut pas produire de logements intermédiaires ici, car les prix de sortie en accession ne sont pas très loin de l’intermédiaire ou de l’accession sociale à la propriété et ne trouveraient donc pas preneur.

Que va changer pour vous la création d’une grande agglomération, qui correspond au périmètre de l’Opération d’intérêt national ?

Ce périmètre constitue la preuve de la réussite de l’OIN. Le projet a précédé la gouvernance, a précédé l’institution. Notre rôle a toujours consisté à faciliter le travail en commun de l’ensemble des élus du territoire, sur un projet partagé. Cela porte ses fruits ! Ce futur territoire rassemblera 400 000 habitants, avec plusieurs centralités, les Mureaux, la boucle de Chanteloup/Poissy, et Mantes-la-Jolie. Nous sommes aujourd’hui le bras armé de ce territoire, et nous avons, je crois, vocation à le demeurer. Sans doute faut-il réfléchir à une évolution de notre gouvernance, peut-être à un rapprochement avec cette future grande agglomération, en faisant monter en puissance ses élus au sein de notre conseil d’administration. C’est à l’Etat qu’il reviendra d’en décider.

Que représente pour vous la future naissance du Grand Paris ?

Le Grand Paris aura un impact considérable sur ce territoire. Les défis ne manquent pas : créer les conditions de réussite de l’arrivée d’Eole, inventer une nouvelle gouvernance au travers de la création de la nouvelle grande intercommunalité qui devrait prendre le nom de Grand Paris Seine Aval, repenser le territoire dans un ensemble plus vaste, celui de la Vallée de la Seine qui va de Paris jusqu’au Havre. Le Grand Paris ne pourra être pleinement opérationnel qu’à travers une polycentralité solide, chaque pôle apportant sa contribution au rayonnement international du Grand Paris. Il appartient à l’ensemble des acteurs du territoire, dont l’Epamsa, d’oeuvrer pour consolider ce pôle de l’Ouest parisien. En tout état de cause, l’année 2015 est véritablement une année de transition pour l’Epamsa. Nous travaillons avec l’Etat à la redéfinition des orientations stratégiques du territoire, que nous devrons traduire ensuite en projet stratégique opérationnel. Ce dernier devra tenir naturellement compte des évolutions institutionnelles liées à la reconfiguration territoriale, et à la redistribution des compétences entre les différentes collectivités.

Repères

  • 1992 : Chargé d’études à la Direction régional de l’Industrie, de la Recherche et de l’Environnement (Drire)
  • 2002 : Chef du groupe opérationnel du logement de la Direction régionale de l’Equipement d’Ile-de-France
  • 2006 : Directeur de l’habitat au conseil général des Hauts-de-Seine
  • 2008 : Conseiller technique aux cabinets de Christine Boutin, de Benoist Apparu et de Jean-Louis Borloo
  • 2010 : Directeur général de l’Agence foncière et technique de la région parisienne (AFTRP)
  • 2014 : Directeur général de l’Epamsa
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