Babette de Rozières – Le goût des autres

Animatrice de télévision, cheffe cuisinière et aujourd’hui femme politique, Babette de Rozières a collectionné les vies sans jamais se défaire de son essence véritable.

Babette de Rozières est un cyclone tropical à elle seule. Elle surprend par sa force, concentré d’énergie. Les petites certitudes comme les grandes barrières ne valent rien face à elle. C’est ainsi qu’après avoir franchi l’Atlantique, la Guadeloupéenne – et fière de l’être – foule le sol métropolitain dans une quête émancipatrice. Et se retrouve confrontée à un phénomène jusqu’alors inconnu de l’insulaire : le racisme. L’incompréhension, et la souffrance qui en découle, est totale. Mais plutôt que de courber l’échine et accepter le rejet de l’autre comme une fatalité, l’étudiante en géographie va le combattre avec tout son talent. Passé le « choc isothermique » de son arrivée à Paris, la jeune Babette se met à cuisiner sur un petit réchaud dans une chambre exiguë, dans laquelle régnera d’abord l’inconfort, puis l’odeur des épices. « La cuisine est le moyen le plus naturel pour rapprocher les gens, c’est à la fois un besoin et un plaisir universel », témoigne-t-elle avec un sourire contagieux. C’est aussi un moyen, pour l’étudiante, de faire vivre un peu de son île dans la cité parisienne. D’honorer aussi une grand-mère qui lui a tout appris.

Babette de Rozières

Babette de Rozières. © DR

Armée de sa licence universitaire, Babette de Rozières décroche le concours de l’ORTF. Bientôt, elle fera ses débuts à la télé et découvrira un nouveau monde. « Je voyais mes interlocuteurs comme n’importe qui car, chez nous, on laisse les étiquettes de côté », assure-t-elle. Certes, mais l’ancienne présentatrice est exaltée à l’évocation de ses premières rencontres face caméra. Salvador Dali, Michel Simon, Simone Signoret et Yves Montant sont autant de membres d’une flopée de personnalités qui l’ont marquée. Celle-ci passe dix années sur un plateau. Puis revient en cuisine. Elle dégote un petit local en face des Folies bergères. « Petit » est un euphémisme : le lieu ne peut contenir en tout et pour tout que deux tables et un bar. À la carte, des accras et le fameux colombo de sa grand-mère. En vitrine, les fruits exotiques macèrent dans les jarres d’alcool de canne à sucre. Le rhum arrangé, exhausteur des goûts, convoque le soleil en toute saison. D’ailleurs, serait-ce cette potion qui aurait envoûtée la cliente la plus importante de sa carrière ? Tombée sous le charme, une comtesse vient ainsi convaincre la cheffe de s’installer à Saint-Tropez. C’est le départ d’une nouvelle aventure, Babette de Rozières ouvre La plage des palmiers, restaurant en bordure de mer… d’une centaine de tables ! C’est aussi la naissance de sa philosophie culinaire : s’ouvrir à toutes les cultures, créer le métissage dans l’assiette.

« Langue bien effilée »

Métissage, vivre-ensemble, entreprise, sont autant de mots qui résonnent fort dans son discours. Et qui l’ont poussée à entrer dans la vie politique. Un monde qui n’aura pas eu raison de sa « langue bien effilée » et dans lequel elle a – encore une fois – réussi à se faire une place.

Aujourd’hui conseillère régionale d’Ile-de-France, elle est chargée de suivre le projet de la Cité de la gastronomie. « J’ai envie de recréer les cœurs de cités qu’étaient les marchés d’antan, et de mettre en avant les petits producteurs », explique-t-elle. Celle qui porte toujours avec elle le soleil de son île souhaite aussi se présenter aux législatives à Paris. Avec une devise : « pas de quartiers sombres dans la Ville lumière ». Hérault de la fierté et de la dignité pour tous, elle le promet : « à l’Assemblée, ils vont m’entendre ! » On n’en doute pas.

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