Julien Barathon a lancé son entreprise Aequo construction en 2016 avec la volonté d’échapper à la sous-traitance en cascade et de mettre en avant les PME structurées du BTP francilien.
« Mettre les PME au premier plan », c’est ce que Julien Barathon entend réaliser avec son modèle d’un nouveau genre. Après 15 années de conduite de travaux puis de direction technique et commerciale au sein d’entreprises générales (Bouygues bâtiment IDF, Demathieu Bard bâtiment), l’ingénieur de formation a lancé sa propre entreprise pour développer un modèle tourné vers l’assemblage des compétences. Sept ans plus tard, il souhaite diffuser son modèle.
Le circuit court du BTP
« Dans le marché francilien de la construction, les grands groupes décrochent un volume important d’appels d’offres, puis sous-traitent après avoir gagné le marché. C’est un schéma très vertical. Or, la sous-traitance en cascade rémunère mal, déresponsabilise, amoindrit la qualité, voire rend plus difficile la lutte contre le travail illégal. L’alternative que nous proposons est un circuit court, qui replace les PME au centre du jeu tout en offrant une réponse unique », expose le président d’Aequo construction.

Collège intercommunal de Valenton (Val-de-Marne) réalisé avec un groupement de PME, le 9 novembre 2021. © Archipente / Maitre Cube
Pour Christophe Baguet, président de CB menuiseries, spécialisé dans les travaux de menuiserie bois et PVC, le modèle d’Aequo apporte une horizontalité et un partage d’expertises très intéressant pour les PME : « Nous ne sommes pas sous-traitants mais co-traitants. L’objectif est le même qu’avec une entreprise générale, à savoir finir un chantier, mais le groupement apporte de la cohésion et de la confiance. Lorsqu’il y a besoin d’une réponse coordonnée et rapide, Aequo nous sollicite pour notre expertise. »
Un groupement en amont de l’appel d’offre
Pour créer ce modèle, Julien Barathon est parti de retours de terrain : « Des architectes souhaitaient discuter avec le serrurier qui réalisait le portail du groupe scolaire, par exemple. Des maîtres d’ouvrage voulaient bénéficier de la souplesse, de la réactivité et de l’expertise des PME. Aequo construction apporte le liant qu’il manquait à un groupe d’experts pour répondre à un projet de construction. »
Le modèle prôné par l’entrepreneur est donc inversé par rapport à celui de l’entreprise générale. Plutôt que de refaire des offres par lots auprès des PME, après avoir remporté un appel d’offre, Aequo s’organise en groupement en amont. « Il y a entre 10 et 15 entreprises mises en synergie par projet, avec lesquelles nous prenons des engagements ensemble. Chacun a donc intérêt à proposer des tarifs cohérents et à bien exécuter le travail, car nous partageons le risque. La construction d’offre est très lourde, mais si l’on gagne, tout le monde est prêt », ajoute Julien Barathon.
L’objectif est de booster les PME franciliennes du BTP et de les rendre plus fortes, plus indépendantes et plus capables de répondre à des appels d’offres tous corps d’état publics et privés
Julien Barathon, président d’Aequo construction
Il y a six ans, l’Université américaine, dans le 7e arrondissement, ouvrait le bal des réalisations d’Aequo avec l’agrandissement de la bibliothèque et l’installation d’un mur végétal. Depuis, l’entreprise, qui compte une centaine de partenaires, a réalisé des collèges, un centre de tir, des bureaux, des logements, un pôle des arts ou encore un hôtel avec la volonté de travailler avec des entreprises locales. « Sur le groupe scolaire de Villecresnes, nous avons travaillé avec 11 Val-de-marnais dans le groupement”.
Transparence et responsabilisation
Pour Julie Gauthier, directrice de l’OPH Montreuil (Seine-Saint-Denis), Aequo « change des choses sans en changer ». Comme pour l’entreprise générale, le mandataire propose un interlocuteur unique mais ce dernier fait également connaître les entreprises exécutantes. « Ce que j’ai apprécié sur l’opération Edouard Vaillant, c’est qu’en fonction de la nature de l’opération, les entreprises ont pu s’organiser en groupement d’entreprises qualifiées et reconnues pour s’adapter aux besoins », ajoute cette dernière.
La directrice a également relevé un investissement particulier des acteurs, valorisés par un statut de co-traitants. « Avec les entreprises générales, les PME sont sous pression financière et cela se ressent dans les réunions. Comme sur tout chantier, il y a eu des aléas, mais nous avons trouvé des personnes à l’écoute en face de nous. Nous avons senti que l’on travaillait en équipe et nous en sommes très satisfaits ».
« Les PME accèdent en direct à la commande. Il n’y a pas de sous-traitance, on est en direct. Plutôt que de paraphraser l’électricien, il va pouvoir venir avec moi directement en réunion », abonde Julien Barathon.
Des ponts avec l’économie sociale et solidaire (ESS)
« La gouvernance commune proposée par Aequo Construction se rapproche des valeurs de l’économie sociale et solidaire », souligne Christophe Baguet, qui porte également la casquette d’administrateur délégué de la communauté d’agglomération du Pays de Fontainebleau (Seine-et-Marne). « Si Aequo Construction est une entreprise qui est rentable, donc qui ne s’inscrit pas dans l’économie sociale et solidaire au sens strict, nous partageons des valeurs communes. Nous pourrions tout à fait imaginer diffuser le modèle via une association, pour monter des groupements, afin que les maîtres d’ouvrage public et privés aient des alternatives à l’entreprise générale, que le tissu de PME ait les outils pour se grouper », appuie Julien Barathon.
Il y a une question de responsabilité, de transparence, d’équilibre dans les contrats et de gestion commune qui se rapproche de l’ESS. C’est rassurant pour l’élu ou le donneur d’ordre.
Christophe Baguet, administrateur délégué de la communauté d’agglomération du Pays de Fontainebleau
Quant à savoir si la démarche d’Aequo Construction fera concurrence aux grandes entreprises générales : « Nous ne sommes pas concurrents sur les grands projets, notre créneau c’est la proximité. Nous sommes dix dans l’entreprise et nous souhaitons rester petit pour laisser la place à nos co-traitants ». Du reste, ce positionnement interroge. La Fédération française du bâtiment n’a, par exemple, pas encore tranché sur son statut.