Action cœur de ville : la revanche de la grande couronne

Dix-neuf territoires franciliens bénéficient d’Action cœur de ville lancé en France par l’Etat en 2018 dans le but de revitaliser des centres-villes en voie de paupérisation. Réservé aux collectivités de grande couronne, ce dispositif les replace dans la dynamique métropolitaine.

Modeste dans le nombre de bénéficiaires, Action cœur de ville est ambitieux par l’ampleur de la tâche à accomplir. Il s’agit en effet non seulement de revitaliser des territoires et des centres-villes en déficit d’attractivité et excentrés, mais aussi « d’y apporter une dynamique métropolitaine et de répondre aux nouvelles attentes des habitants en terme d’accès aux pôles de transport par exemple », souligne Xavier Naeye, chargé de mission auprès du Préfet de la région Ile-de-France sur l’Aménagement et les Transports. Ces territoires sont confrontés à d’importantes difficultés de revitalisation, mais sans être dotés de la même ingénierie que les villes métropolitaines, qui bénéficient de plus de l’effet boostant des Réinventer et autres Inventons la métropole du Grand Paris.

Le programme national « Action coeur de ville » concerne 19 territoires dont 23 villes en Ile-de-France parmi lesquelles Mantes-la-Jolie. ©Ville de Mantes-la-Jolie

« Les villes moyennes entre 10 000 et 90 000 habitants présentent un taux de paupérisation et de vacance de leurs commerces et parfois de leurs logements préoccupant », constate Marianne Louradour, « leurs populations restent souvent éloignées des centres de mobilités notamment du futur Grand Paris express et constatent le départ de certains services urbains (santé, commerce, activité etc…). Parfois, l’habitat se dégrade lui aussi », poursuit la directrice régionale Ile-de-France de la Banque des territoires. Sans compter que l’intercommunalité naissante dans la région Capitale rend encore plus complexe la mise en œuvre de dispositif à l’échelle intercommunale. « Les villes moyennes franciliennes jouent moins un rôle de polarité qu’en province du fait de leur proximité avec Paris », renchérit Alexandre Saby, responsable d’Action cœur de ville à l’Agence nationale de l’habitat (Anah).  

Impliquer les promoteurs

Afin de « retrouver un meilleur équilibre » territorial, le dispositif initié par l’Etat sur tout le territoire national en 2018 pour une durée de cinq ans concerne 222 villes moyennes. En Île-de-France, sont exclusivement concernés des secteurs de grande couronne, soit 19 territoires dont 23 villes (lire ci-contre), au centre-ville pour la plupart vétuste, avec une problématique de recyclage complexe et « une valeur d’usage élevée », car il s’agit de bâti habité. « La difficulté est d’acheter des biens relativement chers du fait de ces valeurs d’usages, mais avec des prix de sortie faibles », analyse François Bertrand, directeur général adjoint en charge du pôle Stratégie et ressources à l’établissement public foncier d’Ile-de-France (Epfif). « Les projets se trouvent confronter à une certaine dureté foncière ». De ce fait, les opérations nécessiteront beaucoup d’ingénierie financière et d’idées novatrices pour arriver à les faire sortir. « C’est tout l’intérêt d’Action cœur de ville, mais l’équation n’est pas simple à résoudre concrètement », constate François Bertrand. 

La place de la mairie d’Arpajon a été rénovée pour devenir un lieu de rencontre. ©Mutabilis

Pour inverser cette spirale descendante, Action cœur de ville agît sur tous les leviers du développement urbain : habitat, commerce, développement économique, transport, mobilité, transition écologique, éducation, culture, sport, usages des outils numériques… Et c’est cela qui fait toute l’originalité, mais aussi la richesse du dispositif dont la réussite tient au développement des synergies entre l’ensemble des institutions concernées par ces thématiques dont la Caisse des dépôts – Banque des territoires, Action logement, l’Anah, le Cerema, La Poste, l’Ademe, l’Epfif, l’Institut Paris région (ex-IAU), l’Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (Epareca). A ces divers partenaires publics complémentaires, il faudra aussi des financiers et des opérateurs privés pour arriver à sortir des programmes », prévient François Bertrand. En effet, ajoute Xavier Naeye, « Action cœur de ville doit avoir un effet de levier en associant les promoteurs ». 

Petits projets à fort impact social

La démarche comprend trois phases. La première a consisté en 2018 à inscrire dans des conventions cadre les grands principes d’intervention pour des 19 territoires. Depuis 2019 et jusqu’en mars 2020 se déroule une période d’initialisation pendant laquelle des diagnostics sont réalisés, les enjeux posés, la stratégie et le plan d’actions fixés. Enfin, la troisième phase sera celle de mise en œuvre des programmes. La loi Elan de novembre 2018 complète  Action cœur de ville avec les « Opérations de revitalisation du territoire ». Ces ORT représentent des périmètres spécifiques d’intervention proposés par les communes et les intercommunalités et validés par l’Etat. « Ils prévoient notamment des coopérations plus étroites entre les agglomérations et les villes en matière de stratégie commerciale de manière à avoir un développement cohérent », précise le chargé de mission du préfet Cadot. Il existe quelques dizaine d’ORT en France. En Ile-de-France, Gonesse est la ville la plus avancée sur le sujet (lire par ailleurs). 

40 millions d’euros mobilisés en Ile-de-France

Sur 15 mois, environ 40 millions d’euros ont été mobilisés en Ile-de-France sous forme de prêts, soutiens en capital, financement d’études. Des montants peu élevé à ce stade, car il s’agit « d’une phase d’ingénierie pour identifier les besoins en investissement ». Dans le prolongement de ces actions, la Banque des territoires s’intéresse aussi à « des petits projets à fort impact social », partant du constat que ce n’est pas la taille de l’investissement qui compte mais ses retombées sur la revitalisation urbaine et la création de valeur. « Nous avons porté autant d’attention au financement de 68 000 euros d’un projet d’une coopérative qui vise à créer un tiers lieu dans la gare d’Avon en Seine-et-Marne qu’au prêt de 68 millions d’euros pour financer l’acquisition de logements par un bailleur social à Saint-Michel-sur-Orge », complète Marianne Louradour qui reconnait « traverser plus souvent l’A86 depuis le lancement d’« Action Cœur de ville » avec des déplacements fréquents en Yvelines, Essonne, Seine et Marne et Val d’Oise. 

 

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