« Accélerer la RSE systémique » : les 30 propositions du Forum de Giverny

Pas moins de quatre membres du gouvernement, plus Bruno Le Maire en vidéo, et un aréopage de dirigeants de premier plan ont participé vendredi 4 septembre 2020 à la 2° édition du Forum de Giverny. 30 propositions ont été remises à Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l’Industrie, par Romain Mouton, président du cercle de Giverny, pour « accélérer la transformation écologique et sociale de la France ».

« Jamais, tout au long de ma carrière, je n’ai vu un sujet évoluer aussi vite que la prise de conscience des enjeux du réchauffement climatique au cours des trois dernières années. C’est une course de vitesse entre l’action et la menace », a résumé le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau, un des prestigieux invités de la 2° édition du Forum de Giverny, vendredi 4 septembre 2020.

Romain Mouton (RM Conseil), président du Cercle Giverny. © Jgp

Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique. © Jgp

« Le green washing, les grandes annonces suivies de petites mesures, c’est fini », a ajouté Romain Mouton, président de RM Conseil et du Cercle de Giverny, organisateur de ces rencontres, et chef d’orchestre de la réalisation, au sein de six groupes de travail, des 30 propositions remises, en fin de journée, à la ministre déléguée en charge de l’Industrie Agnès Pannier-Runacher. Une des quatre ministres à avoir fait le déplacement à Giverny, de même que Sébastien Lecornu, ministre des Outre-mer et président du musée des impressionnismes, lieu des débats, Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, Olivia Grégoire, secrétaire d’Etat chargée de l’Économie sociale, solidaire et responsable, ainsi que Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, ce dernier par le biais d’une allocution vidéo.

Label « Entreprise en transition »

Barbara Pompili a annoncé à cette occasion la mise en place prochaine d’un label « Entreprise en transition », permettant de distinguer les sociétés engagées dans leur transformation. Elle a rappelé que 30 % du plan de relance, soit 30 milliards d’euros, seraient dédiés à l’écologie. La ministre de la Transition écologique a également indiqué qu’un projet de loi issu des propositions de la Convention citoyenne sur le climat sera examiné par le Parlement début 2021. Tout au long de la journée, les représentants de chacun des six groupes de travail constitués par le Cercle Giverny (Mobilités soutenables, Territoires innovants, Finance responsable, Marque positive, Économie numérique ou Citoyenneté d’entreprise) ont présenté leurs propositions.

Sébastien Lecornu, ministre des Outre-mer. © Jgp

Chaque groupe de travail a présenté ses propositions et en a débattu lors de tables rondes. © Jgp

Olivia Grégoire, secrétaire d’Etat chargée de l’Economie sociale, solidaire et responsable. © Jgp

En plus des représentants du gouvernement, de nombreux speakers prestigieux étaient présents, à l’instar d’Edward Arkwright, directeur général exécutif du groupe ADP, d’Edouard Hénaut, directeur général France de Transdev, ou d’Éric Lombard, directeur général du groupe Caisse des dépôts. Antoine Sire, directeur de l’engagement d’entreprise de BNP Paribas, Alexandra Palt, directrice générale de la responsabilité sociétale et environnementale du groupe L’Oréal, Jean Jouzel, glaciologue et porte-parole du Pacte finance climat, Serge Weinberg, président de Sanofi, Hélène Valade, présidente de l’ORSE, ou Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam France, figuraient également parmi les intervenants.

Verbatim

Antoine Sire (BNP Paribas) : « En Pologne, nous sommes sortis de toutes les compagnies d’électricité, car aucune ne s’engageait dans une trajectoire de sortie du charbon en 2030. Aux États-Unis, nous sommes sortis de tous les spécialistes du gaz de schiste. »

« Nous intégrons à nos prêts une notation sur des critères extra-financiers, beaucoup plus larges qu’aujourd’hui, mêlant environnement, droits humains, impacts divers, sans qu’un critère puisse compenser l’autre. Cela impactera nos décisions de prêts. »

Ambroise Fayolle (BEI) : « Nous allons aligner, dès 2021, 100 % de notre activité avec les Accords de Paris. Est-ce que cela suppose de ne plus financer les routes ? Les aéroports ? Doit-on appliquer uniformément ces règles dans et hors de l’UE ? Ces débats sont inévitables. »

Éric Lombard (CDC) : « Il est plus facile de vendre les actifs carbonés de son portefeuille que d’inciter les entreprises dont nous sommes actionnaires à transformer leur activité pour la décarbonner. »

Laurence Drake (Face) : « Le Covid a révélé l’envie des salariés de participer à des actions de solidarité et on ne reviendra pas en arrière ! »

Laurence Drake, déléguée générale de Face. © Jgp

Patricia Savin (Orée), du groupe innovation territoriale et économie circulaire du Forum de Giverny propose « d’expérimenter la préférence locale dans les critères d’appel d’offres pour favoriser l’économie circulaire et les circuits courts ».

Les 30 propositions

MOBILITES SOUTENABLES

1°) Conditionner l’implantation de tout employeur à un plan de mobilité (PDM) permettant l’utilisation de transports décarbonés pour les salariés et l’ensemble des parties prenantes externes

2°) Renforcer le rôle des PDM employeur dans la poursuite de la stratégie bas carbone en rendant obligatoire l’évaluation de son impact annuel sur les émissions et l’élargissement de son champ d’action au stationnement en entreprise

Laura Foglia, cheffe mobilité du Shift Project, membre du groupe Mobilités soutenables. © Jgp

Edward Arkwright, directeur général exécutif du groupe ADP, membre du groupe Mobilités soutenables. © Jgp

3°) Instaurer pour tous les employeurs un compte carbone qui évalue l’empreinte de chaque salarié dans ses déplacements professionnels

4°) Supprimer les avantages fiscaux sur les voitures de fonction et limiter leur octroi uniquement aux salariés qui peuvent démontrer qu’ils n’ont pas d’autre moyen de transport pour leurs déplacements domicile-travail

5°) Aligner le barème d’indemnité kilométrique pour les voitures et les deux-roues motorisés sur le barème inférieur

TERRITOIRE INNOVANT

6°) Favoriser la rencontre des parties prenantes locales pour échanger sur les enjeux de développement économique local et d’ancrage de compétences stratégiques

7°) Encourager le dialogue interterritorial et l’expérimentation local afin de partager les savoirs spécifiques aux enjeux d’un territoire

8°) Élaborer une grille d’analyse régionale à destination des entreprises afin de s’inscrire dans une démarche de pérennité vertueuse d’ancrage local et de valorisation de ses actions

9°) Accélérer le déploiement de l’économie circulaire dans les territoires

FINANCE RESPONSABLE

10°) Inciter, sur le principe du « comply or explain », les investisseurs institutionnels dits « responsables » à aligner leurs portefeuilles d’investissements sur des trajectoires de neutralité carbone d’ici 2050

11°) Rendre obligatoire la publication du bilan carbone tous les 2 ans (sur toute la chaine de valeur, les scopes 1, 2 et 3) pour toutes les entreprises de plus de 250 salariés et dont le chiffre d’affaires dépasse 50 millions d’euros

Eric Lombard, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, membre du groupe Finance responsable. © Jgp

12°) Associer l’attribution de subventions adressées aux entreprises et collectivités territoriales (au niveau français et européen), à l’élaboration d’une trajectoire d’alignement avec des scénarii de soutenabilité à moyen terme de l’entreprise, notamment la neutralité carbone à horizon 2050

13°) Inciter les entreprises et institutions financières à mettre en place une structure de rémunération plus incitative et inclure des objectifs extra-financiers dans l’évaluation des managers et des collaborateurs, (y compris dans le cadre des évaluations à 360)

14°) Demander aux investisseurs institutionnels de définir une cible en termes de part « verte » de leurs financements, compatible avec la taxonomie verte européenne, progressant dans le temps

15°) Intégrer les critères de préservation des écosystèmes (qualité des sols, impact sur artificialisation, etc), dans les grilles d’analyse ESG des investisseurs en fonds propres et dans la définition des investissements se réclamant « verts » ou « durables »

MARQUE POSITIVE

16°) Nommer systématiquement un directeur RSE au comité exécutif pour mener la transformation sociale et écologique au sein de l’entreprise

17°) Développer la coopération entre territoires, en développant les réseaux à impacts

18°) Créer un poste de directeur de la RSE de l’Etat, en charge de la commande publique

19°) Porter un projet de réforme, au plan européen afin de moderniser la politique de l’Union européenne en matière de commande publique

20°) Dans un contexte de juste relance, instituer un plan de soutien financier et institutionnel des TPE/PME engagées dans une reconversion de leur modèle écologique et social

21°) Evaluer annuellement l’atteinte par l’Etat de ses objectifs écologiques et sociaux dans sa commande publique

Antoine Sire, directeur de l’engagement d’entreprise de BNP Paribas, membre du groupe Finance responsable. © Jgp

ECONOMIE NUMERIQUE

22°) Conditionner systématiquement le financement et l’accompagnement public des projets IT/numérique à leur performance en termes d’inclusion et ou de réduction des impacts environnementaux à travers l’atteinte d’un seuil minimal lors d’une analyse de cycle de vie

23°) Organiser une campagne d’envergure de sensibilisation du grand public au numérique responsable et inclusif accolée à des programmes spécifiques de formation tout au long du parcours scolaire et en entreprise

24°) Instaurer une taxe sur la valeur ajoutée réduite sur la réparation et le reconditionnement de produits et assortir une valeur de consigne au prix de vente des équipements électroniques neufs

25°) Créer une directive européenne « réemploi » pour maximiser le nombre d’équipements réemployés et permettre d’assurer la traçabilité des équipements tout au long de leur vie et de comptabiliser le flux « réemploi » en parallèle du flux « déchets »

26°) Dynamiser l’économie circulaire, l’accessibilité et la sobriété numérique par un renforcement de la transparence et de l’inclusivité dans l’entreprise, de l’exemplarité de l’Etat et par une gestion durable de l’ensemble du cycle de vie des équipements numériques

CITOYENNETE D’ENTREPRISE

27°) Présentation annuelle de la stratégie RSE par le directeur concerné aux instances dirigeantes de l’entreprise : conseil d’administration, assemblée générale et comité social et économique (CSE)

28°) Indexer 50 % de la rémunération variable des dirigeants sur des objectifs mesurables de la RSE

29°) Insérer de manière explicite dans les accords d’intéressement des objectifs d’inclusivité et de développement durable

30°) Intégrer la RSI au cœur des programmes de formation obligatoire organisés par l’entreprise.

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