Déléguée spéciale à l’économie circulaire au sein du conseil régional d’Ile-de-France, Sophie Deschiens détaille les mesures du plan régional récemment adopté en la matière, insistant sur la nécessité de la formation des parties prenantes, que le groupement d’intérêt public Maximilien va délivrer.
Comment vous êtes-vous intéressée à l’économie circulaire ?
Je suis adjointe à la mairie de Levallois-Perret depuis 2001, toujours avec la même délégation : celle de l’environnement, des espaces verts, de la voirie, et des bâtiments municipaux. Avec, dès 2001, une volonté de grande transversalité, afin de placer l’écologie et l’environnement en première ligne sur l’ensemble de ces sujets. Nous avons, par exemple, considérablement augmenté la végétalisation de la ville. Je suis par ailleurs conseillère régionale depuis 2010, également membre de la commission environnement de la Région.
J’ai, à ce titre, contribué à la rédaction du programme environnemental de Valérie Pécresse, qui constitue sans aucun doute un des piliers sur lequel nous avons été élus. J’ai œuvré sur ces questions, d’abord avec Chantal Jouanno, puis avec Jean-Philippe Dugoin-Clément, comme déléguée spéciale en charge de l’économie circulaire.
Avec quel cahier des charges ?
Valérie Pécresse m’a confiée deux missions à ce titre : mener à bien l’élaboration du plan régional de gestion des déchets (PRPGD), adopté il y a moins d’un an, avec le précieux soutien de Michel Gioria, directeur régional de l’Ademe. La loi impose que ce plan déchets comporte un volet économie circulaire. Mais j’ai proposé à Valérie Pécresse que l’on ne se cantonne pas, en l’espèce, au plan déchets. L’économie circulaire va bien au-delà. Il me semblait que la Région devait se mobiliser pour faire basculer l’Ile-de-France, nos collectivités, l’ensemble des Franciliens en définitive, dans cette logique. C’est ainsi qu’a été décidé de distinguer le volet économie circulaire du plan déchets d’une part et la stratégie régionale en faveur de l’économie circulaire, adoptée en septembre dernier, d’autre part.
Quels en sont les grands axes ?
La stratégie régionale en faveur de l’économie circulaire se compose de trois grands axes et huit objectifs, qui se déclinent en 10 leviers opérationnels pour mobiliser les territoires et les acteurs régionaux et en 45 actions de terrain. En tant qu’élue municipale, j’ai souhaité que ces plans soient co-construits avec les communes, qu’il s’agisse du plan déchets ou de la stratégie en faveur de l’économie circulaire. Nous avons auditionné un grand nombre de personnalités, élus, associations, chefs d’entreprises, représentants de l’Ademe, du monde sportif, culturel, monde de l’immobilier et de l’aménagement, du tourisme. Tous ces secteurs mènent déjà des actions sans forcément le savoir.
Ces sujets sont-ils suffisamment connus ?
Prenons l’exemple de l’aménagement et de la construction. Les services municipaux, de même que les SEM d’aménagement, qui lancent les appels d’offres préalables à la réalisation d’équipements publics, se répartissent entre ceux qui avouent ne rien connaître au sujet de l’économie circulaire et ceux qui souhaiteraient se lancer mais ne disposent pas des savoir-faire et des outils nécessaires. En revanche, tous connaissent l’économie sociale et solidaire (ESS). Maximilien, présidé par Jean-François Legaret, a mis en place un outil de formation pour que la maîtrise d’ouvrage s’empare du sujet de l’ESS. Ils délivrent également des formations pour que les entreprises puissent répondre à ces consultations en connaissance de cause. Grâce au soutien de l’Ademe, Maximilien va mettre en œuvre un outil comparable en faveur de l’économie circulaire. Les plus de 300 adhérents du GIP Maximilien, les collectivités et leurs satellites (SEM, offices publics de l’habitat), vont donc dès demain pouvoir se former afin de posséder les outils pour écrire des cahiers des charges tels que nous les souhaitons, afin de promouvoir l’économie circulaire. Et leurs partenaires, semi-publics ou privés, seront parallèlement formés pour pouvoir y répondre.
Quelles mesures avez-vous prises pour élargir le spectre de l’économie circulaire ?
Nous avons souhaité intégrer ces principes à l’ensemble de nos outils de planification. La Région elle-même se doit d’être exemplaire. Dès 2021, 10 opérations de lycées seront engagées dans l’économie circulaire. La SEM de La Région, Ile-de-France construction durable, qui a la charge de construire ces lycées vient d’adhérer à Circolab, le laboratoire de l’économie circulaire. Tout comme l’Agence des espaces verts, ou Paris Region, pour le tourisme. Les événements dont les stands sont conçus en respectant ces principes et qui ont mis en place un traitement des déchets réduisant ou supprimant tout gaspillage alimentaire doivent être promus. Dans le domaine culturel, celui de la production de films, que la Région soutient, nous accordons des bonus lorsque, par exemple, des décors seront réutilisés. Ces réemplois existent déjà, mais il convient de les encourager.
Que vous a appris ce travail ?
Cela m’a permis de réaliser un état des lieux auprès de l’ensemble des acteurs concernés, afin de mettre aussi en avant le fait que tout le monde pratique déjà l’économie circulaire parfois sans s’en rendre compte. Alexandra Dublanche, vice-présidente de la Région qui réalise un travail extraordinaire en matière de développement économique, afin notamment de relocaliser ou d’aider à la création de nouvelles entreprises en Ile-de-France, prend d’ores et déjà en compte l’économie circulaire, de même que la Banque publique d’investissement (BPI).
Comment aider les communes à franchir le pas plus rapidement vers l’économie circulaire ?
Cela passe en premier lieu par la formation, la pédagogie. Il faut ensuite rassurer. Expliquer que ça ne coûte pas plus cher. Qu’il existe la plupart du temps une alternative à la démolition, je pense à la réhabilitation, la surélévation… Et que, si je suis contraint de démolir, je dois me poser la question de savoir ce qui peut être récupéré, recyclé ou réemployé. Le Schéma directeur de la Région Ile-de-France (Sdrif), dont Valérie Pécresse a récemment annoncé la prochaine révision, comprendra un grand volet économie circulaire. Nous devrons faire comprendre à tous les élus, notamment aux nouveaux maires, qu’il s’agit d’un sujet très large, sur lequel on doit accélérer face aux impératifs climatiques. Il existe encore de nombreux blocages, liés par exemple à la crainte qu’un matériau issu du réemploi ne remplisse pas les normes multiples auxquelles les équipements publics sont soumis. Nous avons fait passer de nombreux messages à Brune Poirson à ce sujet, en amont de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire.
En matière de décharges sauvages, nous avons œuvré auprès de Martha de Cidrac, sénatrice LR des Yvelines et de Bruno Millienne, député Modem des Yvelines, afin de renforcer les sanctions et leur diligence. Nous leur avons demandé d’accorder aux communes le pouvoir de verbaliser les infractions sur le champ et non plus d’attendre qu’elles soient jugées trois ans après les faits. Il faut, sur ces questions, faire preuve d’un peu de volonté et de courage politique. Xavier Lemoine réalise beaucoup de choses, dans ce cadre, au sein de la métropole du Grand Paris, qui est membre des différents groupes de travail que nous mettons en place.
La crise sanitaire a-t-elle selon vous, un effet d’accélération ?
Il me semble en effet que nous devrions, dans le cadre du mandat qui s’ouvre, voir les choses évoluer de façon positive. Nous avons aujourd’hui une jeune génération qui est totalement consciente de ce qu’il convient de faire.
Quelles sont les prochaines étapes de ce travail ?
Je citerais en premier lieu la mise en œuvre du plan déchets, sa concrétisation sur le terrain. Il a fallu tout reprendre, puisque le tribunal avait annulé celui réalisé sous l’autorité du président Huchon. Cela représente un énorme travail, notamment pour atteindre l’objectif de zéro déchet valorisable enfoui. En second lieu, mettre le paquet pour faire émerger l’économie circulaire dans la commande publique. Nous sommes sur des stratégies à 10 ou 20 ans. Ces documents ne doivent pas rester dans les tiroirs, mais se traduire en actes, sur le terrain.