La SEM d’immobilier logistique a demandé au tribunal des générations futures d’Usbek & Rica d’instruire le procès du e-commerce. L’occasion de réfléchir plaisamment au rapport entre ses avantages et ses inconvénients. Et de pointer la responsabilité du régulateur.
La formule fonctionne bien. Si l’on n’y apprend pas forcément grand chose sur les heurs et malheurs du e-commerce en ville, le procès bon enfant de ce phénomène de société permet de détailler le sujet et de forger son opinion. En évitant le manichéisme. Lors de cette audience, intitulée « Le e-commerce détruit-il la ville ? », organisée le 10 novembre par Sogaris dans le cadre de la 3e édition de son Campus 360, l’accusation a rappelé l’impact du e-commerce : pollution urbaine, destruction du commerce de proximité et du lien social, congestion du trafic, précarisation sociale, « amazonisation » du pays. La défense a mis en avant, de son côté, la rapidité, la simplicité, l’efficacité du commerce en ligne, démontrées notamment durant les périodes de confinement.
Autant de constats repris par les témoins appelés à la barre. Adeline Heitz, maître de conférences en urbanisme au Cnam, est revenue notamment sur l’importance du choix de la localisation des entrepôts de la logistique urbaine pour réduire la pollution que génèrent ses flux. Elle a évoqué le développement récent du « quick commerce », dont les promesses de livraison en 10 minutes interdisent toutes mutualisations des courses. Même si ces dernières sont souvent effectuées en modes actifs décarbonés. Elle a insisté sur la nécessité d’une vaste coordination entre les différentes parties prenantes, à laquelle les opérateurs du e-commerce se montrent parfois peu disposés.
Une responsabilité partagée
« Qui congestionne, qui pollue ? », a demandé l’avocat de la défense, désignant la responsabilité globale d’un système où les consommateurs peuvent commander sans limite des produits ensuite renvoyés gratuitement s’ils ne conviennent pas.
« Paris La Défense n’a pas été pensée pour la déferlante du e-commerce », a concédé Pierre-Yves Guice. « Mais le rôle de la puissance publique est-il d’aider ces opérateurs à livrer toujours plus rapidement ? », interroge le directeur général de Paris La Défense. Ce dernier a rappelé que l’on connaissait la façon de limiter les externalités négatives du e-commerce par un maillage raisonné de locaux de stockage et de distribution, permettant des livraisons du dernier kilomètre en modes décarbonés. Un schéma qui se heurte toutefois à la pénurie de fonciers disponibles en zone dense. Il a rappelé l’importance des liens humains permis par le commerce traditionnel.
Enfin, Guillemette Karpeles, directrice exécutive investissement, stratégie et maîtrise d’ouvrage à la Sogaris, a décrit comment la SEM agissait précisément pour une logistique à la fois plus durable et plus juste, la moins émettrice de gaz à effet de serre et la mieux intégrée dans son tissu urbain. Elle a cité les hôtels logistiques visant à la fois à massifier l’amont et à décarboner l’aval (à Chapelle international et, demain, aux Ardoines), de même que les espaces de proximité, Porte de Pantin sous le périphérique (P4) ou dans un ancien parking souterrain, celui de la rue du Grenier Saint-Lazare (L’immeuble inversé). Elle a rappelé les exigences de la Sogaris vis-à-vis de ses clients, opérateurs de logistique, sur la durabilité de leur flotte de véhicules notamment. Au final, à la question de savoir si le e-commerce détruisait la ville, seuls 35 % des participants ont répondu par l’affirmative.