Son rôle conforté, la Vallée scientifique de la Bièvre se fixe un nouveau cap

Lors des 6es assises de la Vallée scientifique de la Bièvre, le 10 novembre 2017 à Montrouge, les acteurs politiques, universitaires et économiques ont validé la poursuite de cette démarche de projets atypique, fragilisée par la création de la métropole du Grand Paris. Si l’idée d’un campus urbain fait consensus, il reste à en définir les contours.

« Ces 6es assises marquent une nouvelle étape pour la conférence des projets de la Vallée scientifique de la Bièvre (VSB) », a assuré Jean-Yves Le Bouillonnec, président de la conférence des projets de la VSB. Tout l’enjeu de cette rencontre – qui ne s’était pas tenue depuis la création de la métropole du Grand Paris (MGP) en 2016 – consistait à définir l’avenir de l’atypique démarche lancée il y a 20 ans, et quelque peu fragilisée par la nouvelle organisation métropolitaine. Tout en rappelant que la VSB n’est pas une institution et ne doit pas le devenir, le maire de Cachan (Val-de-Marne) y voit « un atout dans cette complexité institutionnelle ». Mais malgré la violence du « big bang », selon l’expression de Patricia Tordjman, maire de Gentilly (Val-de-Marne), l’enthousiasme de ses initiateurs et acteurs n’a non seulement pas été émoussé mais conforté. « La capacité de résilience de la VSB montre que cette démarche est la bonne », a résumé Philippe Laurent, maire de Sceaux.

Michel Leprêtre, président de Grand-Orly Seine Bièvre, Etienne Lengereau, maire de Montrouge, Laurent Prévost, préfet du Val-de-Marne, Jean-Yves Le Bouillonnec, président de la conférence des projets de la VSB, et Dominique Giry, président du Codev 94. © J. Lelièvre

Et c’est peut-être justement parce que règne un « climat d’incertitude sur l’avenir de la MGP, de ses territoires et des départements », a souligné Etienne Lengereau, maire de Montrouge (Hauts-de-Seine), qu’une telle démarche de projets a du sens. « Le fait de s’appuyer sur un réseau d’acteurs permet de porter des stratégies et des éclairages différents », ajoute Jean-Yves Le Bouillonnec, tandis que Patricia Tordjman vante « la démonstration que nous ne sommes pas dans la concurrence entre territoires mais dans la coopération ».

« Conforter cette place entre Paris et Saclay »

La VSB bénéficie de plus de soutiens aussi divers que puissants, allant de Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France, au « petit nouveau » à savoir Michel Leprêtre, président de Grand-Orly Seine Bièvre. Pointant « son originalité et sa pertinence » grâce à la diversité de ses acteurs (recherche, universitaires, économiques, élus), il espère « tirer profit du potentiel du territoire pour apporter des réponses à des situations sociales difficiles ». Même l’appui constant de l’Etat ne se dément pas puisque Laurent Prévost, préfet du Val-de-Marne, a encouragé les acteurs à poursuivre leur « remarquable initiative » qui est « un acquis formidable qu’il ne faut pas laisser se perdre dans les débats du moment ». Il a invité à « se mobiliser autour de cette logique de projets » et à « conforter cette place entre Paris et Saclay ».

Les 6es assises de la conférence des projets de la Vallée scientifique de la Bièvre se sont tenues au Beffroi de Montrouge (Hauts-de-Seine) le 10 novembre. © J. Lelièvre

C’est d’ailleurs toute la difficulté de l’exercice. En effet, il ne faut pas rester « un ventre mou » entre Paris et Saclay, a martelé Etienne Lengereau, soulignant qu’« une addition de projets ne suffisait pas à constituer un projet », il invite à « fédérer toutes les initiatives autour d’un axe fort qui pourrait être celui du campus urbain ». « On ne peut pas louper la rencontre de la ville avec l’université », a convenu Jean-François Vigier. Pour le président du Forum métropolitain du Grand Paris et maire de Bures-sur-Yvette (Essonne), il s’agit d’un « enjeu majeur pour les dix prochaines années ». Une orientation qui fait plutôt consensus, même si la notion de campus urbain reste floue. Est-ce la ville qui se prolonge dans l’université ou l’inverse ? Aux Etats-Unis, « le modèle du campus universitaire a évolué pour s’ouvrir sur la ville et devenir des campus urbains », a expliqué Hélène Dang Vu, maître de conférences à l’Ecole normale supérieure de Paris. Dès lors, il n’est pas un lieu neutre ni un morceau de ville banal, « mais une maille urbaine et un des rouages importants du territoire ».

Anticiper « le coup d’après »

C’est bien ce que la VSB ambitionne de devenir, et en toute légitimité, puisque « nous sommes la medical school de Paris-Saclay », a revendiqué Didier Samuel, doyen de la faculté de médecine de Paris-Sud, rejetant comme beaucoup la perception d’un « ventre mou ». « Tous les hôpitaux de Paris-Saclay se trouvent dans la VSB », a-t-il insisté, rappelant qu’autour de ces « axes non mobilisables », il y a des bioparcs et des industriels, notamment en lien avec l’hôpital Paul Brousse et bientôt l’Institut Gustave Roussy. Mais Sylvie Retailleau, présidente de l’université Paris-Sud, invite à la vigilance car si « le campus urbain permet de créer des liens forts avec les acteurs économiques, il ne doit pas générer de nuisances ». Elle invite également à ne pas oublier la dimension culturelle, sportive et résidentielle d’un campus. Il faut donc inventer une nouvelle échelle d’urbanité (densité, mixité et qualité de vie), « notre campus fonctionnera si on travaille sur les mixités fonctionnelle et sociale », assure Etienne Lengereau, tandis que Philippe Laurent préconise de trouver « une approche complémentaire de ce qui existe à Paris et de ce qui se fait à Paris-Saclay ».

Tout en soulignant la cohérence entre cette idée de campus urbain et les huit projets lauréats du concours « Inventons la métropole du Grand Paris » présents sur le territoire de la VSB, Daniel Béhar prévient que la symbiose entre « ces derniers et la dynamique de la VSB ne fonctionnera qu’à la condition de maximiser les interactions avec les territoires ». Pour le géographe, seule la VSB peut en assurer la maîtrise d’ouvrage et doit veiller à anticiper « le coup d’après ». Des mises en garde ont également été évoquées par plusieurs élus du territoire de la VSB, notamment sur la place des habitants, « aujourd’hui nos concitoyens sont écartés des processus de décision », a déploré Marie-Hélène Amiable, maire de Bagneux (Hauts-de-Seine), rejointe en ce sens par Christian Métairie, maire d’Arcueil, qui rappelle « qu’une ville ne peut pas se construire si un projet n’est pas coconstruit ni accepté ».

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