Alors qu’un rapport d’une formation commune à la Cour et à la chambre régionale des comptes d’Ile-de-France souligne la forte exposition de la région face au risque inondations, l’Établissement public territorial de bassin (EPTB) Seine-Grands Lacs rappelle la mobilisation générale de l’établissement pour accroitre la résilience du territoire.
« La prise en compte insuffisante du risque d’inondation par les populations et par les collectivités locales entraîne une stratégie de prévention défaillante, notamment en raison d’une mauvaise coordination », estiment les magistrats de la formation commune à la Cour et à la chambre régionale des comptes d’Ile-de-France, auteurs d’un rapport sur le sujet.
Ils jugent, par exemple, que les collectivités territoriales, n’ont pas fixé d’objectifs chiffrés de réduction des dommages et ont peu mobilisé le fonds de prévention des risques naturels majeurs en faveur de la région Ile-de-France : de 2009 à 2021, le montant cumulé de ses engagements s’est élevé à 65 millions d’euros et celui de ses dépenses à 23 millions d’euros, soit des niveaux très inférieurs aux dépenses d’autres régions concernées par le risque d’inondation.

Dans le bassin de la Seine, les inondations représentent – après la sécheresse – l’un des risques naturels les plus importants. © Jgp
Différents moyens sont mis en place pour faire face à ces risques, constatent néanmoins les magistrats. Ils citent des investissements importants de mise à niveau de digues et murettes déployés sur 120 km et de réalisation du projet du casier de la Bassée, destiné à renforcer à la fois la protection en amont de Paris. Ils évoquent également la préservation et la restauration de zones d’expansion des crues (ZEC) ou la réglementation du développement de l’urbanisation dans les zones à risque et la conception d’un habitat résilient.
Cependant, la Cour alerte sur la préparation inégale des opérateurs des réseaux susceptibles d’être exposés (électricité, gaz, télécommunications, réseau numérique, transports, chauffage, eau potable, assainissement), ainsi que sur l’absence d’actions de la Région pour aider les petites et moyennes entreprises à réduire leur vulnérabilité. Enfin, elle souligne qu’un nombre insuffisant d’actions est mis en œuvre en faveur de la protection du patrimoine culturel francilien.
Un manque de coordination à l’échelle du bassin de la Seine
« L’Ile-de-France s’inscrit dans le bassin hydrographique de la Seine. C’est à cette échelle que l’État, les collectivités locales et l’ensemble des acteurs (opérateurs de réseau, associations, entreprises, assureurs) doivent se coordonner en vue d’un pilotage efficace de la prévention du risque, font également valoir les magistrats financiers. Or, celui-ci est à ce jour insuffisant ». Le rapport de la formation spéciale constate que le plan Seine 2007-2013 n’a pas entraîné l’adhésion effective des différentes parties prenantes, notamment des Régions (hormis celle du Grand Est), à une vision commune du fleuve et à des objectifs partagés – contrairement aux plans Loire et Rhône-Saône.
« Ainsi, il n’existe pas de forum de travail sur les sujets relatifs au risque d’inondation de la Seine, comme les « forums des acteurs » dans le bassin de la Loire ou du Rhône, déplore le rapport. Or, la dispersion des actions et des acteurs est contraire au principe de solidarité, normalement fondateur de la stratégie nationale du risque d’inondation, qui vise à répartir équitablement les responsabilités et l’effort de réduction des conséquences négatives des inondations entre tous les territoires et acteurs concernés : amont-aval, urbain-rural, rive droite-rive gauche ». Dans ces conditions, la Cour recommande « que l’État et les collectivités locales compétentes rendent compte chaque année des avancées de la politique de prévention du risque d’inondation en réunissant l’ensemble des représentants concernés ».
Episeine.fr
Patrick Ollier, président de l’EPTB Seine Grands Lacs et de la métropole du Grand Paris, qui partage les constats du rapport rappelle « qu’il pilote un programme ambitieux pour la protection de nos concitoyens ». « Nous menons de front plusieurs actions complémentaires pour accroître la résilience de l’agglomération parisienne face à une crue de la Seine ou de la Marne », fait-il valoir (voir encadré ci-dessous). Partageant également le constat d’un manque d’appropriation par les Franciliens du risque inondations, Seine Grands Lacs indique qu’elle a construit le dispositif Episeine.fr de sensibilisation à la prévention des inondations « qui permet à tout à chacun de s’informer, de se former et de relayer la connaissance de ce risque et des bons réflexes à avoir pour s’en protéger. Ce dispositif s’adresse tant au grand public qu’aux entreprises et aux collectivités ».
« Seine Grands Lacs mène une action engagée et motrice pour la prévention de nos concitoyens franciliens face au risque inondations, souligne Patrick Ollier. Je souhaite construire une véritable synergie d’actions sur ce sujet avec la métropole du Grand Paris, qui est compétente pour les inondations sur son territoire. »
– Amélioration en continu de la gestion de ses quatre ouvrages hydrauliques historiques, les grands lacs réservoirs situés en Champagne et en Morvan, qui vise à réduire le niveau des grandes crues de 60 à 70 cm à Paris ;
– Construction en cours d’un cinquième en ouvrage, le projet de « casier pilote » Seine Bassée situé en Seine-et-Marne et qui vise à apporter une protection supplémentaire de 10 à 15 cm. Le lancement officiel des travaux de ce projet de 114 millions d’euros, qui doit être livré pour les Jeux olympiques de Paris 2024, a eu lieu le 13 octobre dernier. Ce casier pilote préfigure un aménagement global sur la Bassée qui vise à offrir une protection totale de 40 cm ;
– Volonté exprimée par le président Ollier d’investir Seine Grands Lacs dans la protection, restauration et création de zones d’expansion des crues (ZEC). Ces zones naturelles ou agricoles contribuent à atténuer les inondations en zone urbaine en stockant l’eau et peuvent apporter une forte et significative protection complémentaire. A ce jour, Seine Grands Lacs accompagne 86 projets en cours d’étude ou de réalisation au travers de son ingénierie et de financements ;
– Animation de plusieurs programmes d’actions de prévention des inondations (appelés « Papi ») sur le bassin de la Seine amont et notamment le Papi de la Seine et Marne franciliennes (voir par ailleurs).

Christophe Hillairet, président de la chambre d’agriculture d’Ile-de-France, Laurence Fournier, directrice générale de la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA) de Seine-et-Marne, et Patrick Ollier, en février dernier, lors de la signature d’une convention d’indemnisation des agriculteurs concernés par les surinondations provoquées par le casier-pilote de la Bassée. © Jgp
Ce programme vise à la fois à sensibiliser les populations, les entreprises et les collectivités au risque inondation et à réduire leur vulnérabilité à ce risque, rappelle l’EPTB. Il comprend des programmes de travaux mais aussi des actions d’amélioration de la connaissance du risque. Après avoir porté le Papi de la Seine et de la Marne franciliennes sur la période 2014-2020, Seine Grands Lacs assure la préparation d’un second plan pour la période 2023-2029. Ce programme a été soumis à consultation du public, au mois de septembre et d’octobre. « Il représente une mobilisation sans précédent des collectivités franciliennes en portant à plus de 60 le nombre des porteurs d’actions, soit trois plus que le précédent Papi », souligne l’EPTB.
Il comprend à ce stade 317 actions pour un montant de 196 millions d’euros en faveur de la prévention des inondations en Ile-de-France. Les principales ambitions de ce nouveau Papi sont de mieux connaitre le risque et ses caractéristiques (25 actions pour 9 millions d’euros), de fédérer les partenaires qui contribuent à la sensibilisation (86 actions pour 7 millions d’euros), de proposer des démarches et des travaux pour la réduction de la vulnérabilité (79 actions pour 24 millions d’euros). Ce plan comprend enfin des travaux pour la restauration des zones d’expansion de crue et pour le confortement et la fiabilisation des digues (47 actions pour 148 millions d’euros).
L’Ile-de-France particulièrement exposée
Dans le bassin de la Seine, les inondations représentent – après la sécheresse – l’un des risques naturels les plus importants, souligne la formation commune à la Cour et à la chambre régionale des comptes d’Ile-de-France dans leur rapport. Le territoire de la métropole francilienne est particulièrement vulnérable à l’aléa des crues, poursuivent les magistrats. Les dernières d’importance ont eu lieu entre mai et juin 2016 et de janvier à février 2018, et ont coûté respectivement 1,4 milliard et 150 à 200 millions d’euros. Selon une évaluation récente de l’OCDE, une crue centennale atteignant la hauteur maximale atteinte par celle de 1910 (soit 8,60 m au pont d’Austerlitz) causerait des dommages directs dont le coût avoisinerait les 30 milliards d’euros.
Paris moins bien protégée que Londres
L’agglomération parisienne est beaucoup moins protégée contre les grandes crues que d’autres métropoles internationales : le niveau de protection théorique concerne, pour la petite couronne, une crue de retour de 30 à 50 ans, voire même de 10 à 20 ans entre le pont d’Iéna et Issy-les-Moulineaux, et pour le reste de Paris, une crue de retour de 100 ans. À titre de comparaison, la ville de Londres est protégée face à une crue de retour de mille ans et vise une protection pour un retour de 10 000 ans d’ici à 2100.