La réforme de la redevance pour création de bureau (RCBCE) intervenue au premier janvier 2011, provoque des effets contraires à l’objectif de rééquilibrage recherché. La taxe bloquerait quelque 100 000 mètres carrés de bureau en Ile-de-France. La dernière loi de finances rectificatives pour 2014 pourrait y remédier.
100 000 mètres carrés de bureaux en projet seraient bloqués en Ile-de-France à cause de la Redevance pour création de bureaux de commerce d’entrepôt (RCBCE). C’est ce qu’affirme Jean-Paul Charpentier, ancien président de la fédération française du BTP d’Ile-de-France, figure du BTP essonnien. Intox ? Pas si sûr. D’autres leaders du BTP le confirment. La RCBCE a des effets désastreux. Et le très sérieux Observatoire régional de l’immobilier d’entreprise (ORIE), qui réunit professionnels publics et privés de l’immobilier et de l’aménagement le démontre, chiffres à l’appui. Ses membres espèrent fermement que la dernière loi de finances rectificatives (LFR) pour 2014, votée juste avant les fêtes, corrigera le tir.
Les chiffres, en effet, parlent d’eux-mêmes. Propre à l’Ile-de-France, la RCBCE vise le desserrement de l’immobilier de bureau, sa dispersion en dehors de Paris et des Hauts-de-Seine : elle génère 80 millions d’euros de recettes par an, affectés à la Région. C’est la réforme de cette taxe, intervenue lors de la LFR du 29 décembre 2010, qui est en cause. Le législateur revoit alors à la fois le tarif, l’indexation et le zonage de la taxe. Il durcit également ses conditions d’exonération. En 2014 cette réforme a d’autant plus d’impact sur les opérations que le dispositif d’exonération de RCBCE des opérations de restructuration est abrogé.
Certes, la réforme était nécessaire puisque la RCBCE n’avait pas évolué depuis 1989. Mais les effets des changements introduits en 2010 sont puissants : toutes zones confondues, l’augmentation de la taxe s’élève à 41% entre 2010 et 2011. Les territoires qui basculent de la zone 2 à la zone 1 enregistrent une hausse de + 126%. Pour ceux qui passent de la zone 3 à la zone 1, la hausse atteint + 464%. Dur. Même si le dispositif est lissé, sur 4 ans pour les communes qui changent d’une zone, sur 6 ans pour les communes qui changent de deux zones.
« Or, dans certains secteurs d’Ile-de-France, la réforme de la RCBCE ne peut être absorbée au vu des loyers pratiqués », souligne l’ORIE. Autrement dit, pour lancer un projet, les promoteurs doivent répercuter le poids de cette taxe sur un autre poste, comme le prix du foncier. Ou renoncer à leur projet. « La réforme, loin de répondre aux objectifs de rééquilibrage est-ouest, au développement de pôles qualifiés et stratégiques du Sdrif ou à la programmation des Contrats de développement territorial (CDT) a entrainé de véritables chocs et d’importantes distorsions sur les marchés », souligne l’ORIE. Dans les faits, la réforme introduite en 2010 semble bien produire des effets symétriquement contraires aux objectifs recherchés. Car si le taux de la RCBCE est moins élevé dans les zones périphériques, son poids relatif l‘est nettement plus au vu de la maturité de ces marchés… En clair, compte tenu du niveau de prix à Paris quartier d’affaires et dans les Hauts-de-Seine, l’impact de la RCBCE reste limité par rapport aux secteurs périphériques, alors qu’elle ôte toute compétitivité à des zones qui ont parfois du mal à attirer les entreprises ou qui émergent… CQFD.
Déjà, des délocalisations, d’entrepôts notamment, dont le prix ne connaît aucune élasticité, sont constatées aux frontières du nord de l’Ile-de-France, vers l’Oise. « Le risque de voir freiner la production d’hôtels économiques en périphérie de Paris est grand également », souligne Dominique Dudan, président d’Union investment Real Estate France. L’ORIE demande donc à l’Etat une révision d’urgence des zonages et de la tarification, la remise en vigueur de l’exonération pour restructuration, ainsi que la mise en place d’un dispositif transitoire pour les communes non-assujetties avant 2011. Les professionnels souhaitent également que la RCBCE, tout comme la taxe sur les bureaux, dus par les propriétaires de bureau, ne soit plus indexé sur l’indice du coût de la construction (ICC), très volatile, mais sur l’Indice des prix à la consommation (IPC). A plus long terme, l’ORIE souhaite une réforme globale des taxes d’aménagement, et un rééquilibrage de l’imposition entre le flux et le stock des actifs d’immobilier d’entreprises, puisque le produit de la Redevance pour création de bureau représente aujourd’hui 15% de celui de la taxe sur les bureaux, alors que les créations ne représentent que 4% du stock.