Patrick Jarry – Nanterre sinon rien

Le maire de Nanterre et président de Paris métropole affiche un amour sans limite pour sa ville. D’un quartier très pauvre de cette ville au bureau du maire, l’histoire de Patrick Jarry et celle de Nanterre n’en forment parfois qu’une.

« Je suis né dans un milieu familial où il fallait apprendre et réussir à l’école, non pas pour trouver un travail, mais pour être un homme libre », entame Patrick Jarry. Une éducation réussie, pourrait-on dire, tant cette soif de liberté est prégnante dans son parcours comme dans son discours. Une liberté qui guide ses choix, de sa licence de maths à Jussieu car « la science représentait, à l’époque, l’espoir, l’avenir, la liberté. C’était la libération des hommes », à son départ du Parti communiste en 2010. Un parti qui l’a pourtant vu grandir. Ses parents, ouvriers, y étaient militants. Lui en a été un permanent puis un élu pour ses premiers mandats au conseil municipal de Nanterre. Après la fac, le jeune nanterrien fait « plein de choses passionnantes ». Il travaillera notamment à la ville de Paris. Mais à 40 ans, il décide de reprendre ses études. « J’avais envie de voir ailleurs », explique-t-il. Il fait un master de génie urbain à l’école des Ponts et chaussées, travaille dans différents bureaux d’études et devient directeur général « d’une filiale d’un grand groupe »…

Patrick Jarry, nouveau président de Paris Métropole.

Patrick Jarry. © G.M.

Mais c’est bien à Nanterre qu’il voue depuis de nombreuses années sa vie. Littéralement. Né « dans le quartier le plus pauvre de Nanterre », il en connaît les moindres recoins, son histoire et ses habitants. Il en parle avec amour et fait « corps avec elle ». Au point qu’on ne distingue parfois plus s’il parle de lui ou de sa ville. Il veut que Nanterre soit respectée, qu’elle soit écoutée. En 2004, la maire d’alors décide de passer la main. « Je m’étais plutôt inscrit dans l’idée d’arrêter le conseil municipal [où il est entré en 1989] à la fin du mandat, mais on m’a sollicité. J’avais cinquante ans et je me suis dit que je pouvais être utile à cette ville et, peut-être, lui rendre ce qu’elle m’avait apporté. » Son engagement au service de cette grande ville populaire est reconnu par les habitants : il est réélu au premier tour en 2008 comme en 2014.

Tradition d’écoute

A Nanterre, la relation entre les citoyens et leurs représentants est intime. D’abord, la ville a une tradition d’écoute et de partage à l’instar des conseils de quartier qui existent depuis 1977. Depuis la désindustrialisation, elle se transforme en symbiose entre ses habitants et ses élus. « Je crois que les gens voient que cette ville parvient à commencer à effacer les lourds stigmates du passé », estime leur maire. Encore une fois, Patrick Jarry fait corps avec Nanterre. Ses stigmates à lui sont ceux qu’ont laissés les tragiques événements qui ont eu lieu lors du conseil municipal du 27 mars 2002. Durant cette nuit, huit de ses collègues élus perdent la vie sous les balles de Richard Durn, 19 sont blessés. 14, dont lui, le sont grièvement. Patrick Jarry ne dira pas qu’il a participé à maîtriser le tueur. Sa voix s’affaiblit, le ton change lorsqu’il explique ce qu’il se passe quand « en quelques fractions de secondes, vous comprenez que vous allez mourir ». Tout change. Son rapport à la ville est devenu plus intense, charnel, passionnel. Son rapport à la vie aussi, aux autres et au temps.

A 62 ans, le maire de Nanterre a le regard de ceux qui ont vécu. Il a aussi l’œil rieur du jeune qui a vu la faculté de sa ville s’embraser depuis sa fenêtre en 68, celui du fan du PSG, de l’amateur de peinture, du marin, du voyageur… Une vie intense. Et s’il se dit toujours révolté, il n’est pas désenchanté. Loin de là. Même quand l’actualité entre en résonance avec son histoire. « Le monde est dans une situation dangereuse, mais il y a de la place pour que les gens se rassemblent. Je suis lucide mais pas désespéré, nous ne sommes pas condamnés au malheur. » Une leçon de vie.

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