Mathieu Lefèvre – Au premier rang

Passé par le cabinet de Gérald Darmanin, ancien collaborateur du député Gilles Carrez, Mathieu Lefèvre s’est lancé cette année dans le grand bain électoral. A 36 ans, il a été élu en juin dernier député de la 5e circonscription du Val-de-Marne.

Si vous voulez croiser Mathieu Lefèvre, venez tard le soir dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale. Ou tôt le matin, dans son petit bureau qui domine la cour d’honneur du Palais-Bourbon. Pas de luxe, quatre murs, table quelconque, parapheurs empilés. A peine la place de pousser une autre chaise, et c’est ici qu’il nous reçoit, avant de filer en commission poursuivre le marathon législatif qu’il s’impose.

Moine soldat ? « Pas du tout », sourit-il. Dites plutôt spécialiste des questions budgétaires. Comme membre de la commission des finances, le Val-de-marnais de 36 ans n’a raté aucune séance d’examen du budget, bien qu’écourté par l’usage de l’article 49.3, faute de majorité. A ce titre, il fait même partie des députés les plus assidus de l’Assemblée. Dans l’hémicycle, à toute heure, il prend la parole, croise le fer avec la gauche, défend les positions de la majorité, y compris les plus techniques, parle presque autant que le rapporteur du texte. Pas étonnant, Mathieu Lefèvre s’y serait bien vu : fin juin, fraîchement élu, il était candidat à ce poste prestigieux, face à Jean-René Cazeneuve. Ses collègues de la majorité lui ont préféré l’élu du Gers, qui siège à l’Assemblée depuis 2017. « Autrefois, simplement pour devenir membre de la commission des finances, il fallait trois mandats », se console Mathieu Lefèvre.

Mathieu Lefevre. © Assemblée nationale

Pourtant, la voie, symboliquement, était presque toute tracée : n’a-t-il pas succédé à Gilles Carrez, élu quasiment 30 ans dans cette 5e circonscription du Val-de-Marne, entre Nogent et Champigny, lui-même presque historique rapporteur du budget ? Cela tombe bien, Mathieu Lefèvre a travaillé pour lui, dès la fin de ses études à Paris. Auprès du député UMP, il suit une formation accélérée et se targue, désormais, de repérer dans le projet de loi de finances des amendements venus notamment de la gauche, « les mêmes depuis des années ».

Le député a commencé jeune, mais n’a pourtant pas coché toutes les cases du parcours initiatique : ne l’imaginez pas courir les meetings ou aller coller des affiches, « j’ai toujours été très réticent à l’idée du militantisme », reconnaît-il franchement. Tout juste s’est-il contenté d’écrire quelques textes pour l’UMP, à l’époque. L’ascension se poursuit auprès de Gérald Darmanin à Bercy, pendant toute la durée du premier quinquennat d’Emmanuel Macron. Chef de cabinet, en clair, grand organisateur de l’agenda du ministre, job exigeant, éreintant et très politique, qui lui vaut en tout cas d’être resté proche de l’actuel ministre de l’Intérieur.

De droite, version « parti conservateur »

Pour les idées, c’était déjà fait. On l’aura compris, Mathieu Lefèvre a beau venir d’une famille « plutôt de gauche, mais peu politisée », mère secrétaire médical, père employé d’une imprimerie à Maisons-Alfort, il s’affiche de droite, version « parti conservateur ». Ce natif de Créteil s’élève contre l’égalitarisme : « j’ai toujours préféré le message de mobilité ». Alors, naturellement, face à des Républicains qui « ont raté le travail de reconstruction des idées entre 2012 et 2017 », il se retrouve dans cet Emmanuel Macron qui promettait il y a six ans de lutter contre « l’assignation à résidence ».
L’engagement est dans un premier temps discret. Pour le reste, Mathieu Lefèvre plaide pour « ne surtout pas laisser » le thème de l’immigration au Rassemblement national et veut voir « un chemin entre le grand remplacement et l’accueil inconditionnel ». Comme beaucoup dans cette majorité qui penche désormais à droite, il est convaincu que des résultats sur ces sujets seront l’une des clés de la réussite ou non du second quinquennat d’Emmanuel Macron.

Chaînon nécessaire pour qui se dit de droite, le député « croit » aussi dans le travail « qui réalise ». On est libre de penser qu’il parle un peu pour lui-même. Son rare temps libre, Mathieu Lefèvre l’occupe à faire « pas mal de course à pied ». Pudique, il ne s’étend pas, comme il ne dévoilera pas davantage ses ambitions. Lui qui connaît parfaitement les arcanes de l’Assemblée nationale, qui est introduit auprès d’importants ministres, entend-il porter des propositions ? A-t-il des idées à faire valoir ? On n’en doute pas, mais il élude, et se remémore sa toute première séance dans l’hémicycle après son élection : « à ce moment là, vous ne mouftez pas ». Pour l’instant, Mathieu Lefèvre continue de s’appliquer cette consigne.

Sur le même sujet

Top