M.P. de la Gontrie : « La métropole rendra nécessaire l’élargissement de la Région »

Marie-Pierre de la Gontrie, 1ère vice-présidente de la Région Ile-de-France, qui vient d’annoncer sa candidature à la présidence de la Région, explique le Pass unique et livre ses convictions sur la métropole du Grand Paris.

JPG : Vous soutenez la mise en place du Pass unique, considérée par l’opposition régionale comme un cadeau électoral ?

Marie-Pierre de la GontrieMarie-Pierre de la Gontrie :
La mise en place du Passe unique est un engagement de notre campagne de 2010, et une mesure de justice sociale : nous avons décidé de fixer ce tarif à 70€ par mois, pour permettre à plus d’un million de Franciliens de voir le prix de leur abonnement baisser et ainsi gagner en pouvoir d’achat. C’est une mesure forte pour la mobilité de tous les Franciliens et pour l’identité régionale : une région, un réseau, un tarif. Cela fait un moment que nous voulons convaincre les entreprises de l’intérêt de cette mesure, y compris pour elles. Rappelons que les employeurs prennent en charge 50% du coût du Pass Navigo de leurs salariés. Si ce dernier baisse, ils réalisent des économies. Par ailleurs, le versement transport (VT) n’étant exigible que des entreprises de plus de neuf salariés, la mise en place du Pass unique à 70€ favorise les PME de petite taille, qui ne payent pas le VT, mais réaliseront des économies sur la prise en charge du Pass de leurs personnels, tout comme leurs salariés eux-mêmes, qui vont voir leur pouvoir d’achat augmenter. Cela nous intéresse, nous qui sommes une collectivité de gauche. Pour un usager titulaire d’un abonnement zones 1 à 5, l’économie annuelle s’élèvera à 516 euro !. Il y a là une mesure qui a du sens pour nous.  Je pense que la Chambre de commerce de Paris Ile-de-France, qui a signé avec nous le pacte de développement économique qui comprend le Pass unique, a été sensible au fait que les PME de moins de 10 salariés ne seraient pas impactées par la hausse du VT et, qu’au contraire, elles y gagneraient en baisse de charges.

Pourquoi demander aux entreprises de financer cette mesure ?

Marie-Pierre de la Gontrie :
Je rappelle que Gilles Carrez, à l’époque rapporteur général du Budget, avait-lui même préconisé une hausse du VT en conclusion de la mission qu’il avait menée sur le financement des 35 milliards d’euros du Grand Paris express, qui ne s’appelait pas encore comme cela à l’époque.  Avec un raisonnement assez simple, qui consistait à dire tout simplement que dans versement transport, il y a transport… Donc il n’est pas totalement absurde de demander une légère hausse de la contribution des entreprises au financement des transports si ces derniers connaissent une amélioration inédite… On sait que les employeurs y gagnent, que l’attractivité de la région y gagne.  Parce que lorsque que l’on décide de s’installer quelque part, le réseau de transport, ça compte.  Y compris au regard de notre attractivité vis-à-vis des investisseurs étrangers.

La hausse du VT, de 0,13% génère 220 millions de recettes supplémentaires, alors que l’on évalue le coût du Pass unique à 400 millions d’euros. Nous allons donc regarder comment financer de notre côté ce différentiel. Il se peut que le prix du ticket augmente légèrement. Rappelons qu’avec une augmentation du VT à 0.13,  il reste 180 millions d’euro à trouver.  Sachant que le budget de la région s’élève à 4,8 milliards d’euros… Si nous avions augmenté le tarif du Pass unique, nous passions à côté de l’objectif qui est le nôtre en terme de pouvoir d’achat.

Mais au fond, notre but est qu’il soit possible de se déplacer dans toute l’Ile-de-France sans devoir payer un supplément parce que l’on sort de sa zone d’abonnement. Avec l’idée de continuer à construire une identité francilienne, commune à l’ensemble de ses habitants, quel que soit leur lieu d’habitation.

Quelles contreparties offrez-vous aux entreprises ?

Marie-Pierre de la Gontrie :
Les entreprises exprimaient depuis un moment une demande forte, qui n’était pas illégitime : celle d’être exonérées de la redevance pour création de bureau (RCBCE) pour les opérations de démolition-reconstruction. Je m’explique : cette taxe est due lorsque l’on vous délivre un permis de construire. Mais la maintenir pour les opérations de démolition reconstruction aboutit à geler un certain nombre de projets. Or, notamment avec les nouvelles gares du Grand Paris express, de nombreuses opérations de démolition reconstruction vont être nécessaires. Le gouvernement a donc adopté en loi de finances rectificative une mesure d’exonération de cette taxe pour ces opérations. Nous nous sommes également engagés à maintenir notre effort d’investissement et d’accompagnement de la chambre de commerce en matière d’apprentissage.

Que répondez-vous à ceux qui considèrent que le Pass unique n’est pas financé ?

Marie-Pierre de la Gontrie :
Nous leur rappelons que, chaque année, le budget constitue un exercice difficile. Et ce qui distingue une région de gauche et une région de droite, c’est que nous avons toujours considéré que la région avait un rôle majeur à jouer, dans une série de domaines, notamment sur les questions d’inégalité, de bien-être social etc. Il n’est donc pas question pour nous de mettre un terme à certaines politiques, en matière de culture, de sport, pour des questions de restrictions budgétaires. Par ailleurs, il n’était pas question non plus, pour nous, de sacrifier les investissements. Même avec une baisse, loin d’être anodine, des concours de l’Etat, qui s’élève cette année à quelque  75 millions d’euros. Nous parvenons à augmenter légèrement le montant de nos crédits de paiement pour 2015, sur nos compétences phares que sont les transports ou les lycées, dans le cadre du plan de rénovation des lycées d’un montant pluriannuel de 8,4 milliards, voté en 2012. En transports, nous investissons près d’un milliard, et 640 millions d’euros en crédits de paiement, notamment grâce aux 140 millions d’euros qui nous ont été attribués par la loi de finances. 140 millions qui ne constituent en aucun cas un cadeau, mais simplement la tenue par l’Etat, de l’accord signé en 2013 entre l’Etat et la Région, qui prévoit que l’Etat alloue 750 millions d’euros sur 5 ans pour financer notre plan de mobilisation pour les transports. Nous bénéficions également de la gestion déléguée des fonds européens, d’un montant de 52 millions d’euros. Par ailleurs, les compétences de la Région sont amenées à changer en 2015, nous militons pour que cela s’accompagne dès l’année prochaine de nouvelles ressources.

Enfin nous défendons un retour de la TVA de 10% à 5,5% sur les transports publics, comme bien de première nécessité.

 Quel regard portez-vous sur la gestation de la métropole du Grand Paris ?

Marie-Pierre de la Gontrie :
L’objet métropole, de mon point de vue, n’est pas encore totalement identifié. Nous verrons quelle sera la réécriture de l’article 12 de la loi Maptam. Mais je demeure persuadée que la métropole doit être un outil de renforcement d’égalité entre les territoires, de péréquation. Le problème n’est pas de savoir s’il faut prendre de l’argent aux uns pour le donner aux autres mais  de parvenir à ce qu’au bout du compte, on ne se retrouve pas avec des collectivités qui se débattent face à des difficultés insondables, dans un territoire par ailleurs prospère. Si la métropole ne constitue pas, au final, cet instrument de régulation, elle aura, à mon sens, raté son objectif. J’ai néanmoins voté la résolution du conseil des élus de la mission de préfiguration de la métropole du Grand Paris en faveur d’une intégration progressive, tout cela ne peut en effet se faire que par étape. Lorsque, au sein de ce conseil, l’ont voit des élus de gauche, de droite, de petites villes, de grandes villes, d’intercos, qui finalement se mettent d’accord sur une position commune, sur ce qui constitue une révolution institutionnelle, je ne pense pas que l’on puisse les taxer de conservatisme. Je préfère une métropole qui se mette en place par étape que rien.

Quelle sera la place de la Région demain ?

Marie-Pierre de la Gontrie :
Je plaidais dans mon livre* pour que la région se transforme avec l’essor de la métropole. J’estime que l’existence de la métropole justifiera demain que l’on élargisse le périmètre de la région. 300.000 habitants des territoires situés à la périphérie de l’Ile-de-France viennent chaque jour y travailler, de l’Oise, ou du Loiret. Ils sont donc, pour moi, des Franciliens. La réforme de la carte des régions a fait d’autres choix… Aujourd’hui de nombreuses interrogations demeurent. Quelles compétences la métropole va-t-elle exercer sur le logement ? Va-t-elle se montrer efficace ? Sur la question de l’environnement, c’est un petit peu pareil. Sur la question du périmètre également, des incertitudes demeurent. Mais nous ne voulons pas d’une région à deux vitesses, urbanisée et active d’une côté, rurale et délaissée autour…  Ce débat reviendra. Mais en toutes hypothèses, va s’ouvrir une période absolument incroyable, en terme d’ambitions,  d’aménagement. Il va falloir se montrer intelligent, loin de l’esprit de chapelle.

Le débat financier et fiscal anime les élus autour de la métropole, qu’en pensez-vous ?

Marie-Pierre de la Gontrie :
Je suis pour le rééquilibrage, mais pas pour la péréquation pour le geste. C’est pourquoi j’estime que l’idée d’un fonds d’investissement métropolitain puissant est une bonne idée, qui permette de financer des sujets clairement identifiés comme des facteurs de développement. Ce n’est pas idéal. Mais c’est mieux que rien. Vous savez, il faut être d’un pessimisme actif.

 

* La Nouvelle Ile-de-France,  Marie-Pierre de la Gontrie, Fondation Jean Jaurès, Février 2014

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