L’innovation à Grand Paris Aménagement : « Tester, évaluer, généraliser »

Anna Perroux, déléguée à l’innovation de Grand Paris Aménagement, décrit la stratégie d’innovation de l’aménageur, qui s’est organisé pour soutenir et tirer le meilleur profit des multiples expérimentations menées à la fois en interne et sur ses opérations.

Pourquoi Grand Paris Aménagement s’est-il doté d’une délégation à l’innovation ?

Anna Perroux.© Jean-Luc Luyssen

Anna Perroux / Pour accélérer les transitions qui sont à l’œuvre dans la fabrication de la ville et accompagner l’ensemble des équipes dans leurs façons de faire. Chez Grand Paris Aménagement tout le monde innove et tout le monde doit innover ! Sur des sujets environnementaux, d’économie circulaire, managériaux, financiers, numériques, techniques, d’usages, nous faisons beaucoup mais nous nous sommes rendu compte que cet « opportunisme » aussi pertinent soit-il, ne faisait pas une politique d’entreprise. L’innovation ne se résumant pas à une liste de solutions nouvelles, nous avons tout appréhendé, nos enjeux, nos pratiques, nos métiers, notre organisation, les attentes des services de l’Etat comme de nos clients. C’est là mon rôle : organiser et soutenir un foisonnement de démarches dans une logique nouvelle, celle d’un aménageur démonstrateur.

On a l’habitude de dire qu’on nous demande de faire aujourd’hui la ville de dans 20 ans dans la méconnaissance totale des pratiques et des usages à ce moment-là, c’est vrai. Je suis architecte de formation et avant d’exercer d’autres fonctions chez Grand Paris Aménagement, mon expérience chez Richez et Associés m’a appris cette relation au temps, au durable, à ce qui doit l’être et à ce qui doit pouvoir se transformer, se recycler, muter. Oui cela invite à l’humilité et à aller plus vite pour mettre en place des solutions pour une ville sobre, soutenable, mixte, pour tous, adaptable. La crise du Covid-19 que nous traversons ne fait que renforcer cette conviction. L’innovation est un des pans de notre relance.

Quel est votre champ d’intervention ?

A. P. / Il est à la fois interne et externe, qu’il s’agisse d’innovations en matière de ressources humaines, sur nos systèmes informatiques, nos outils et nos process d’amélioration continue, ou de nos opérations. Depuis un an, sous l’autorité de Géraldine Ajax, directrice de l’innovation et de la communication, nous avons mis en mouvement les équipes, nos partenaires, les collectivités, nos clients, pour bien identifier notre rôle et notre valeur ajoutée. Nous avons noté les points de blocage dans nos pratiques et nos process internes et élaboré une feuille de route partagée autour de trois grands axes : les défis de la ville inclusive et résiliente, c’est-à-dire comment on fait la ville pour tous, les enjeux écologiques (la production biosourcée et géosourcée, l’impact carbone, la place de la nature notamment) et les enjeux de réversibilité des fonctions comme du bâti. Aujourd’hui la stratégie est partagée, ma feuille de route est fixée, les équipes sont mobilisées et enthousiastes, nos clients attendent beaucoup de nous.

Votre fonction est très transversale ?

A. P. / L’idée est en effet d’animer les différentes équipes, de les encourager à faire, à s’autoriser à expérimenter. Tester c’est prendre un risque, d’abord le risque de ne pas être sûr d’avoir la bonne solution, ensuite de prendre le risque de se tromper. Cette agilité, elle ne se décrète pas, elle se construit et se traduit dans les processus de pilotage, de relations partenariales, d’enjeux de concertations, d’évaluation, mais aussi de politique d’achat, d’évaluation RH… Ainsi l’innovation n’est pas un dispositif en plus, mais s’implémente partout, dans tous nos métiers, dans tous nos process existants. Pour cela nous avons élaboré une cartographie des sujets d’innovation en cours d’incubation et à incuber, il y a une bonne vingtaine déjà ! Nous activons des « task force », très transversales, qui testent des expérimentations et étudient leur impact pour l’établissement de ces innovations voire leur généralisation. Nous avons enfin une feuille de route annuelle arrimée à la stratégie portée par la Direction générale, un baromètre de satisfaction clients qui nous permettent d’avoir une vision complète.

Vous coordonnez également l’évaluation de ces expérimentations ?

A. P. / En effet, la logique de retour d’expériences (REX) est indispensable pour analyser, partager et aider à la décision de généraliser ou non les innovations testées. Nous avions plutôt l’habitude de suivre nos actions avec des indicateurs, des données quantitatives. Ils demeurent mais on élargit le champ, c’est un changement de culture.

Donnez-nous quelques exemples d’innovations en cours ?

A. P. / Je citerai par exemple l’expérience menée à Ivry, sur la barre Gagarine Truillot, qui a permis de tester à grande échelle de nouvelles méthodes de déconstruction, favorisant la revalorisation ou le réemploi de différents matériaux. Cette expérimentation s’achève. Nous élaborons son retour d’expériences, en vue de sa généralisation. Cela passe en l’occurrence par la mise en place de diagnostic-ressources, la rédaction des clauses à introduire dans le cahier des charges d’appels d’offres travaux ou dans celui des maîtres d’œuvre, afin qu’ils puissent intégrer cette démarche dès les premières phases de conception. Nous travaillons également, autre exemple, sur les questions de genre dans l’espace public, dont nous espérons pouvoir prochainement tirer des enseignements qui se traduiront notamment par des prescriptions sur la rédaction des cahiers des charges des assistants à maîtrise d’ouvrage mais aussi plus globalement sur la conception des programmes.

Vous suivez la diffusion de ces innovations au sein de GPA ?

A. P. / Sur ces différents projets en cours ou en voie d’achèvement, mon rôle consiste à s’assurer de la bonne mise en place à la fois de leur évaluation et du suivi de leur généralisation. Pour les innovations qui débutent, je suis en appui des services lors de la rédaction de leur feuille de route, dans la définition des différents objectifs recherchés, l’analyse de risques. Je suis également là pour faire le pont avec les différentes fonctions supports concernées, de même qu’avec les partenaires externes.

Vous êtes également en charge du sourcing ?

A. P. / Identifier les bons acteurs, les porteurs de solutions à mettre en relation avec nos équipes, avec les partenaires extérieurs est un élément crucial. Pour ce faire nous avons fait le choix d’être accompagnés par un écosystème bien plus performant que nous ne pourrions jamais le déployer en interne : avec Paris&Co nous travaillons étroitement à tester des solutions nouvelles et à identifier des opérations tests, nous soutenons le Campus des tiers-lieux pour incuber des pratiques nouvelles d’urbanisme tactique. Nous sommes également en lien avec des acteurs de la French Tech. Je suis également le point d’entrée des partenaires avec lesquels nous menons des expérimentations, telles que celle que nous menons par exemple à Villiers-le-Bel sur les rez-de-chaussée actifs dans le cadre de l’appel à projets Territoires innovants de grande ambition (TIGA), ou des AMI auxquels nous participons. Les équipes peuvent me charger, par ailleurs, de trouver telle ou telle start-up partenaire dont nous pourrions avoir besoin.

La révolution des usages et l’urgence climatique sont les deux boussoles de votre action ?

A. P. / Oui mais pas seulement. GPA a mis en place des méthodes de management du développement durable en interne depuis un certain temps. Idem sur les questions d’usage, sur lesquelles nous sommes aujourd’hui bien rodés et pour lesquelles nous avons généralisé des réunions de co-construction en amont de l’ensemble de nos opérations, avec les différentes catégories d’usagers, riverains, commerçants. Mais les

questions d’hébergement, et donc d’inclusion, figurent également au nombre des priorités de Grand Paris Aménagement. Nous nous mobilisons fortement, par exemple, pour travailler sur les questions d’hébergement temporaire. Les équipes ont besoin d’outils pour aborder ces sujets, leur permettant de monter en compétence sur leur modèle économique, ou les différents partenariats possibles. Nous avons pris ce sujet à bras-le-corps, notamment avec la création de la Direction de l’habitat privé, (DHP), il y a un an et demi. Dans le cadre de la ville pour tous, se posent des questions d’usage, de genre, de transition énergétique bien entendu, mais il y a, avant cela, des questions d’accès au logement.

Vous allez mettre en place de nouveaux outils ?

A. P. / Nous travaillons à l’élaboration d’une nouvelle méthode de calcul du bilan carbone de nos opérations. Nous travaillons à la mise en place d’une application numérique permettant de recenser l’ensemble des datas dont nous disposons sur ces questions environnementales, de biodiversité ou d’artificialisation des terres. Nous montons aussi, avec notre délégué en charge du développement durable, des guides opérationnels sur le recours aux matériaux biosourcés contenant nos propres référentiels.

Grand Paris Aménagement n’innove pas que sur le champ opérationnel ?

A. P. / Effectivement, les innovations portent également sur les enjeux de concertations. De nouveaux dispositifs numériques sont déployés comme le circuit interactif permanent à Charenton ou la modélisation 3D à Garges-lès-Gonesse. Mais les innovations peuvent être aussi finan- cières (montage de SPLA-IN, dissociation foncier-bâti), ou touchant aux ressources humaines comme par exemple le mécénat de compétence que nous expérimentons avec Habitat et Humanisme dès cette année. Vous le voyez, nous sommes en mouvement.

 

Sur le même sujet

Top