« Les Promesses » : dans la peau d’une élue francilienne

Interprété par Isabelle Huppert et Reda Kateb, un film retraçant le combat d’une maire d’une commune de Seine-Saint-Denis et de son directeur de cabinet pour la réhabilitation d’une copropriété dégradée a été projeté lors d’une avant-première organisée par l’Amif le 11 janvier 2022. Émus, les édiles présents dans la salle se sont retrouvés dans ce long-métrage qui sera en salles le 26 janvier prochain.

Un film passionnant, parfois poignant, sur… une copropriété dégradée en banlieue parisienne. Tel est le tour de force réussi par le réalisateur Thomas Kruithof avec le long métrage « Les Promesses ». L’histoire pourrait être relatée dans un article du Journal du Grand Paris : Clémence, maire d’une ville de Seine-Saint-Denis qui effectue son dernier mandat, livre avec Yazid, son directeur de cabinet, une bataille acharnée pour sauver le quartier des Bernardins, cité minée par l’insalubrité. Mais quand Clémence est approchée pour devenir ministre, tout est remis en cause.

Une partie de l’équipe du film « Les Promesses » lors de l’avant-première organisée par l’Amif le 11 janvier 2022 avec notamment tout à gauche le réalisateur Thomas Kruithof et à droite le comédien Reda Kateb. © Jgp

Présenté le 11 janvier 2022 en avant-première au Cinéma des cinéastes (Paris 17e arr.), le film a plu, voire ému les élus locaux conviés à cet événement par l’Association des maires d’Ile-de-France (Amif). Derrière un sujet aride, le film ne manque certes pas d’atouts : dans les rôles-titres Isabelle Huppert et Reda Kateb, présent lors du débat d’après-projection ; au scénario Jean-Baptiste Delafon, l’auteur de la série « Baron noir » ; et un réalisateur inspiré à qui on doit l’envoûtant et déjà très politique « La Mécanique de l’ombre ».

Le réalisateur Thomas Kruithof. © Jgp

Mais si le pari est réussi, c’est surtout parce qu’il offre un regard original sur la politique : une vision pour une fois positive de l’action d’un élu local. Autre parti-pris gagnant : la banlieue est montrée de manière réaliste, sans complaisance, mais en évitant les poncifs. Ici, pas d’interventions policières musclées ou de trafics de drogue, mais un coup de projecteur donné sur des sujets moins connus : les conditions indignes dans lesquelles vivent les habitants de certaines barres d’immeubles, une dénonciation des marchands de sommeil, les abus des syndics de copropriété…

Si le cœur du film est le combat d’une maire pour faire passer un plan de rénovation d’une cité délabrée, le film montre aussi la cruauté du jeu politique, le dédain parfois de l’Etat central pour les collectivités, le découragement qui frappe tout élu local, la peur du vide à mesure qu’approche la fin du mandat, les nécessaires petits arrangements avec la vérité.

Reda Kateb interprète le directeur de cabinet de la maire d’une commune de Seine-Saint-Denis, jouée par Isabelle Huppert. © Jgp

« Un ton juste et extrêmement émouvant »

Sans être documentaire, le film sonne juste. Les élus présents dans la salle se sont en tout cas reconnus dans la toujours impeccable Isabelle Huppert, maire résiliente mais fragile, qu’accompagne l’époustouflant Reda Kateb, directeur de cabinet à la fois ambitieux et attaché à cette cité des Bernardins qui l’a vu grandir. Sophie Rigault, maire de Saint-Michel-sur-Orge (Essonne), a en tout cas adoré : « On retrouve beaucoup de choses vraies. La fuite d’eau à 23 h, dans une barre d’immeuble, on a tous connu. Le film parle de la question de la confiance, de nos combats, de la peur des élus, de la violence dont on est plus ou moins l’objet, de la détresse des habitants, de leur déception. Merci d’avoir montré ce qui est notre quotidien avec ce ton juste et extrêmement émouvant. »

La ministre du Logement Emmanuelle Wargon est intervenue à l’issue de la projection. © Jgp

Assise au premier rang, Emmanuelle Wargon a voulu apporter son témoignage en tant que ministre du Logement qui promeut depuis plusieurs mois les opérations de requalification des copropriétés dégradées (Orcod) mises en place par la loi Alur : « Ce film a une portée importante car il met l’accent sur l’habitat privé. Paradoxalement, les logements sociaux sont plus faciles à réhabiliter alors qu’il est dur de convaincre les copropriétaires. J’ai aussi beaucoup aimé l’engagement et l’obstination parfois presque déraisonnable des élus. Il faut parfois vraiment vouloir une décision pour qu’elle intervienne. »

Des élus montrés « dans leur complexité »

Olivier Klein, le maire de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) où s’est tournée une partie du film, a aimé cet instantané sur la vie d’une maire : « le film montre les élus dans leur complexité, les difficultés de leur quotidien, mais aussi leur capacité à faire changer les choses. Merci aussi à Reda [Kateb] d’avoir montré le rôle si particulier qu’est celui d’un dir’ cab’. Ce sont, pour nous les maires, des personnes indispensables du quotidien. »

« Le film montre les élus dans leur complexité, les difficultés de leur quotidien, mais aussi leur capacité à faire changer les choses », a déclaré Olivier Klein, maire de Clichy-sous-Bois et président de l’Anru. © Jgp

Après avoir remercié les élus et fonctionnaires des villes dans lesquelles s’est déroulé le tournage – Clichy et Grigny (Essonne) où sont lancées des Orcod, Chanteloup-les-Vignes (Yvelines) et Bezons (Val d’Oise) – le réalisateur Thomas Kruithof a expliqué ce qui l’a conduit à se tourner vers ce sujet d’une copropriété dégradée : « On était partis de cette fascination pour l’énergie contenue dans la politique locale, pour cet affrontement perpétuel. Cela nous intéressait en tant que citoyen et nous nous sommes dits que cela pouvait faire un film vivant. Nous avons voulu montrer la complexité de vos métiers, la multitude des interlocuteurs, des situations, en mettant au cœur de l’histoire ce sujet du logement, à ce point viscéral qu’il raconte beaucoup de choses sur le rapport entre citoyens et élus. »

 

« Les Promesses », de Thomas Kruithof, sortie en salles le 26 janvier 2022.

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