Fabien Gantois, le nouveau président de l’ordre des architectes d’Ile-de-France, a dévoilé le 6 avril 2021 les axes de travail du conseil pour les trois ans à venir. Ceux-ci portent sur la rénovation écologique des bâtiments et l’ouverture vers les habitants de la région, ce qui « invite à créer un rendez-vous avec l’écosystème architectural ». Son leitmotiv : « l’architecture est l’affaire de tous ».
Trois semaines après son élection à la présidence de l’ordre des architectes d’Ile-de-France (Croaif), Fabien Gantois annonce la tonalité qu’il souhaite donner à son mandat de trois ans. Autour de la question de savoir quel habitat et quelle ville nous voulons pour 2030/2050, il fixe trois grands axes visant à remettre non seulement l’architecte au cœur du débat, mais aussi les habitants et l’ensemble des acteurs, « car les architectes ne peuvent pas avoir seuls la pleine responsabilité de la qualité des lieux de vie, de travail et d’éducation », a prévenu Fabien Gantois, le 6 avril. « Nous sommes là pour valoriser une architecture qui doit être discutée, débattue, et qui ne doit pas rester prisonnière des bureaux d’étude, des intérêts privés ou sectoriels », a-t-il insisté.

« Les architectes ne peuvent pas avoir seuls la pleine responsabilité de la qualité des lieux de vie, de travail et d’éducation », affirme Fabien Gantois. © Jgp
Le nouveau président du Croaif a tenu à rappeler que l’architecture est « au service de l’intérêt public, de la société » et qu’elle doit être portée par tous les acteurs de l’acte de construire. Aussi, « les liens entre tous ces acteurs doivent être renforcés et le dialogue continu et nourri ».
Eviter « les clones architecturaux »
L’ordre régional en est convaincu : « les impératifs de la transition écologique peuvent et doivent être un formidable catalyseur pour continuer à construire ensemble une région, une métropole, des villes, des villages plus justes au quotidien et à terme écologiquement soutenables », a poursuivi Fabien Gantois. Il place justement la transition écologique parmi les axes de travail privilégiés par le nouveau conseil d’administration, rejoignant en cela les objectifs de la stratégie nationale bas carbone, dont la réduction des émissions de CO2 de 40 % d’ici à une dizaine d’années.
« Pour autant, nous souhaitons lancer quelques points d’alerte », a prévenu le président. Craignant que l’accord cadre prévu par France relance ne concentre la commande dans quelques agences et assèche les autres, il préconise une révision et un élargissement de cet accord pour que tous les acteurs du territoire puissent avoir accès à cette commande et éviter une « homogénéisation esthétique du parc immobilier public avec la création de clones architecturaux ».
Le président du Croaif invite également à valoriser une rénovation globale de qualité visant dès le départ des objectifs BBC pour « ne pas refaire deux fois le chantier et surtout traiter d’emblée la question du confort d’été », sans se limiter à l’approche autour de la thermique d’hiver ». Mais pour Fabien Gantois, il faut surtout aller au-delà du seul prisme de la question énergétique et prendre aussi en compte le vieillissement de la population afin d’adapter les bâtiments en conséquence. Le dernier point d’alerte porte sur l’aide aux filières courtes, pour construire un tissu d’entreprises locales en accentuant le recours aux matériaux biosourcés produits à proximité des futurs chantiers.
Valoriser les constructions existantes
Certes, les architectes franciliens sont d’accord pour remplir les objectifs de la transition écologique, mais « pas n’importe comment et sans confondre vitesse et précipitation ». « Le plan de relance et la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) ne peuvent pas prendre en otage le patrimoine de la nation », prévient Fabien Gantois, rappelant que les constructions ont aussi une valeur culturelle. Aussi, pour éviter les effets néfastes de ce « big-bang », il faut mettre en place une stratégie de cohésion d’acteurs élargis qui répondent aux enjeux écologiques, mais qui prennent aussi en compte la qualité d’usage et l’évolution démographique. Pas question non plus de tenter d’atteindre l’industrialisation de la rénovation énergétique, car chaque typologie de bâtiment requiert une solution différenciée qui doit, de plus, respecter le patrimoine. « Le système constructif doit être au service de l’habité et pas l’inverse », a-t-il encore souligné.
Cet aspect est d’autant plus crucial que la ville de demain sera à 70 % constituée d’architectures actuelles. « Il y a donc une impérieuse nécessité à rénover une seule fois mais bien », a convenu Fabien Gantois, préconisant de « valoriser les constructions existantes et de ne construire du neuf qu’en cas de besoin ». Si la transformation de bureaux en logements se présente comme une réelle opportunité pour répondre au manque de logements et pour « avoir une ville qui vit mieux tout au long de la semaine avec des quartiers plus équilibrés », elle est très intéressante sur le papier, mais dans bien des cas difficile, voire impossible techniquement à mettre en œuvre.
« Sortir de Paris »
Conscient de la nécessité de devoir renforcer l’offre de logements en Ile-de-France, où 1,5 million d’habitants supplémentaires sont attendus d’ici à 2050, l’architecte parisien invite non seulement à lancer le débat autour du coût du foncier, dont l’augmentation est corrélée à celle de la densité, mais aussi à « mener une action mathématique autour du foncier et certainement du découplage entre le terrain et le bâti tel que le pratiquent les offices fonciers solidaires ».
Enfin, Fabien Gantois envisage que « certaines réunions officielles du conseil puissent parfois se tenir dans des territoires franciliens et locaux autres qu’au siège du Croaif » à la Maison de l’architecture aux Récollets (10e arr.). Une mission confiée au nouveau groupe de travail « région » chargé de « sortir de Paris », d’aller à la rencontre du public et des élus et de participer à leur formation, mais aussi de travailler main dans la main avec la Drac et renforcer la présence de l’ordre dans la région en lien avec les CAUE (conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement) départementaux. Le nouveau président entend également amplifier le comité de liaison des matériaux biosourcés et poursuivre l’alliance avec les professionnels de l’urbanisme et de l’immobilier, l’APUI-Grand Paris, créé en 2020.
Prix Pritzker 2021 à Lacaton-Vassal : « Une belle récompense pour l’architecture française »
Pour Fabien Gantois, l’architecture d’Anne Lacaton et de Jean-Philippe Vassal, lauréats 2021 du prestigieux prix Pritzker, « est extrêmement savante et exécutée avec une simplicité déconcertante pour avoir un coût le plus réduit et offrir de l’espace ». Cette distinction, attribuée seulement trois fois à des architectes français, est « une belle récompense pour l’architecture française et ses écoles alors que l’enseignement de cette discipline en France n’est pas très bien financé, souligne le président du Croaif. Aujourd’hui, la qualité architecturale française tient aussi au travail des architectes et des enseignants qui ont envie d’atteindre ce niveau élevé. »