J-M Nicolle : « La métropole suppose que les maires acceptent de partager leur pouvoir »

Délégué spécial au Grand Paris, maire adjoint du Kremlin-Bicêtre, Jean-Marc Nicolle salue les avancées du gouvernement sur l’article 12 de la loi Maptam en cours de réécriture. Il plaide pour des périmètres homogènes au sein de la future métropole, et rappelle, au passage, que la MGP se situe en région Ile-de-France…

JGP : La Région soutient le Grand Paris ?

Jean-Marc Nicolle : Il y a un acte qui a été posé par le gouvernement, une volonté de bâtir cette métropole. Jean-Paul Huchon est, depuis longtemps, très clair sur cette question : « la métropole telle qu’elle se dessine actuellement n’est pas la formule que je souhaitais personnellement, mais je créerais néanmoins les conditions pour que ce projet réussisse», a-t-il affirmé à de nombreuses reprises. Il a d’ailleurs été l’un des artisans du compromis trouvé entre l’Etat et les élus locaux. Ce que nous constatons aujourd’hui, c’est un gouvernement qui avance, qui répond aux attentes des élus, sur l’article 12 de la loi Maptam en particulier, avec des avancées significatives en direction des positions de la résolution adoptée très largement par le conseil des élus de la mission de préfiguration. Face à cela, certains élus tentent de préserver leur pré carré.

En réalité, ce débat doit être abordé à l’aune de la capacité des élus à s’inscrire ou non dans une démarche intercommunale. Or la métropole, comme toute construction intercommunale exige que l’on accepte, dès le départ, de partager certains pouvoirs, certaines compétences tout en assurant une solidarité financière entre les membres… Si, au contraire, toute la logique de la construction métropolitaine consiste à construire des barrières systématiques pour garder ses prérogatives, c’est sûr que ça ne peut pas marcher ! La tentation semble toujours énorme, pour certains, de ramener le curseur vers l’échelon local, qui est la commune. C’est une position que je ne partage pas. Je fais partie des élus précurseurs en matière d’intercommunalité, en tout cas dans la première couronne. Lorsque l’on crée l’intercommunalité on accepte, à un moment donné, de partager des ressources financières, on accepte de partager des  compétences, des projets.

Vous soutenez la position du gouvernement, exprimée via l’amendement qu’il a déposé lors de l’examen en première lecture de la loi NOTRe au Sénat ?

Jean-Marc NicolleJ’estime qu’il apporte des avancées significatives sur ce que demandaient les élus. Le principal reproche qui était formulé à l’encontre de l’article 12 de la loi Maptam, c’est que les territoires de la métropole ne disposaient pas de qualification juridique. Ce qui ne leur permettait pas d’administrer de personnels, ni d’exercer des compétences en propre. Le gouvernement a répondu à cette critique, en accordant une personnalité juridique aux territoires.  Même si ces derniers ne seront pas, à l’horizon 2020, des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) mais des syndicats de communes. Cette reconnaissance d’un statut juridique aux territoires me semble très importante, parce qu’elle permet de ne pas geler le processus de mutualisation intercommunale en cours. Dans une période de rationalisation de la dépense publique, cela me paraît primordial. Il fallait que l’on ait cette strate intermédiaire, de telle sorte que ceux qui souhaitent continuer à se regrouper sur les compétences communales, de proximité, qui ne seront jamais des compétences métropolitaines, puissent le faire.

Quel regard portez-vous sur les questions fiscales ?

Je ne suis jamais trop entré dans ce débat là, pour une raison assez simple : les marges n’existent quasiment plus pour jouer sur le levier fiscal. Il me semble qu’il serait intéressant de regarder, dans quelques mois, parmi ceux qui déclarent aujourd’hui que l’autonomie fiscale constitue un élément essentiel pour la démocratie, combien ont effectivement utiliser ce levier en augmentant leur taux d’imposition… Par rapport à la convergence des taux de fiscalité sur le territoire de la métropole, l’avantage de la solution que préconise le gouvernement est qu’elle est progressive. Elle s’effectuera par paliers, d’abord au sein des territoires, puis à compter de 2021, au sein de la métropole. Mais il y a aussi la question de l’effort fiscal (1). Il me semble qu’elle n’est pas suffisamment posée.

Etes-vous pour le maintien de la gestion des Offices publics de l’habitat au niveau communal ?

Il faut sans doute distinguer les différents  aspects sous-tendus par cette question. Il y a, d’une part, le pouvoir d’attribution des logements sociaux. Or l’Etat ne regarde absolument pas les problématiques de peuplement et de poches de pauvreté. La compétence d’attribution des logements sociaux doit donc demeurer à l’échelon de proximité que constitue la commune. C’est essentiel si l’on souhaite aboutir à une réelle mixité sociale. Ce qui n’empêche pas, d’autre part, de mener de pair une politique de rationalisation de la taille des OPH et de mutualisation intercommunale, afin d’aboutir à une meilleure gestion, notamment du patrimoine des offices. Il faut dissocier les deux questions. Quand le Premier ministre a parlé d’apartheid, il faisait référence à des situations de ségrégations sociales bien réelles.

Le Plan local de l’urbanisme doit-il, selon vous, pouvoir être élaboré au niveau communal ?

Non. Le Premier ministre a d’ailleurs été très clair lors de son discours de Créteil. « Il ne peut y avoir, en Ile-de-France, de dispositions législatives qui seraient en retrait par rapport au reste du territoire national », a-t-il déclaré. Or les PLU seront intercommunaux dès 2017 partout en France, comme le veut la loi Alur (2). Même s’il existe, c’est vrai, un débat sur ces questions au sein de Paris métropole.

A quoi attribuez-vous la crise du logement en Ile-de-France ?

Il est vrai que  pour ce qui est de la construction de logements, les opérations sont de plus en plus difficiles. Le foncier est cher, la construction est relativement chère et complexe, a fortiori dans un contexte de milieu urbain qui est très dense.  Le problème qui est posé très clairement dans un certain nombre d’endroits, pour un certain nombre d’élus, c’est de devoir assumer la  densité urbaine. Le Schéma directeur de la région Ile-de-France (Sdrif) est très clair en la matière. Il pose  clairement le principe selon lequel on doit refaire de la ville sur la ville. Aujourd’hui, en matière de construction, on le voit parfaitement, on a des dynamiques qui se situent surtout en réalité dans le péri-urbain. Aujourd’hui en Île-de-France, les constructions de logements ont lieu essentiellement en dehors du périmètre de la métropole.  Alors que l’on va construire une infrastructure de transport dans le périmètre de la métropole, il faut qu’elle serve au plus grand nombre. Cela relève de l’efficience de la dépense publique. On ne peut pas continuer à construire en périphérie, favoriser l’étalement urbain, là où l’on ne parvient pas à apporter des réponses pertinentes en matière de transport. En matière de logement, la Région a également son mot à dire sur l’opération d’intérêt national multisites que l’on annonce. Car la région est un financeur important du logement, apportant en subvention l’équivalent de ce qu’y consacre l’Etat, qu’il s’agisse d’aides aux bailleurs ou aux maîtres d’ouvrages. D’ailleurs, à partir du moment où l’Etat va créer Grand Paris aménagement, dont la région assumera la vice-présidence, comme opérateur principal de l’OIN multisites, il se pose la question de savoir si la région ne devrait pas attribuer directement ses aides aux logements à cette structure, afin de les concentrer et de renforcer leur efficacité.

Il y a urgence ?

Oui, lorsque l’on voit le niveau de complexité des débats entre élus sur les différentes questions métropolitaines, on se dit qu’il serait peut-être utile qu’il y ait des dispositions permettant à un moment donné de faire en sorte que l’on ne perde pas de temps. Afin que l’on puisse accueillir des grands évènements comme l’exposition universelle, ou les Jeux olympiques.

Selon vous, on ne parle pas suffisamment du projet ?

Exactement. Or, en la matière, on ne part pas de rien. Je rappelle quand même que la métropole se situe dans la région Île-de-France. Il faut relire le Sdrif, qui s’impose à l’ensemble du territoire de la région, et donc à la future métropole… Ce schéma fixe un certain nombre d’ambitions, que ce soit en matière de logements, de développement économique, de préservation des espaces naturels. Le Scot (3) métropolitain dont on parle aujourd’hui ne sera qu’une déclinaison du Sdrif. Il s’agira naturellement de la conjugaison des ambitions des uns et des autres et des orientations du schéma régional, mais ce dernier aidera à ne pas envisager les choses par le petit bout de la lorgnette. La construction du grand Paris en matière de transport doit  servir demain l’intérêt de la métropole, dans la compétition internationale avec les autres grandes métropoles, notamment pour attirer des grandes entreprises internationales sur nos territoires. Le Sdrif peut aider à atteindre cet objectif. Il a été le fruit de la rencontre de l’ensemble des acteurs, que ce soit les acteurs du logement, les acteurs du développement économique, les acteurs locaux, dans le cadre d’une démarche qui a été quand même assez longue. Les élus locaux, par le biais d’une série de conférences des territoires y ont étés naturellement impliqués. Nos citoyens ont pu y participer également. Il existe aussi le Schéma régional de développement économique et d’innovation (SRDEI), qui doit servir de référence au projet métropolitain.

Le monde économique est-il suffisamment associé à la construction métropolitaine ? 

J’estime naturellement que les acteurs du développement économique doivent être associés à cette construction métropolitaine. Tout le monde y a intérêt. Mais la question peut aussi se poser dans l’autre sens : quelle est aujourd’hui, la représentation des acteurs économiques du Grand Paris et de l’Ile-de-France ? Les réponses sont multiples. En fonction des cercles où vous vous trouvez, vous pouvez avoir des prises de positions très différentes. Le  paysage peut être par moment très complexe et à géométrie variable, cela dit sans jeter la pierre à quiconque…

Que pensez-vous de la création d’un territoire de 900 000 habitants autour de la Défense ?

Je participe à deux groupes sur les questions de périmètres des futures intercommunalités d’Ile-de-France. L’un dans le cadre de la mission de préfiguration,  co-animé, autour du Préfet Lucas, par Eric Cesari, président de Seine-défense, Stéphanie Daumin, maire de Chevilly-Larue, Olivier Klein, maire de Clichy et moi-même.  L’autre dans le cadre de Paris Métropole. Ce dernier réfléchit notamment à la nécessaire articulation entre les territoires de la zone dense et ceux situés plus loin, en grande couronne, afin d’éviter une région à deux vitesses. On ne peut avoir une zone dense qui concentre toute l’activité et la richesse, au détriment de la deuxième couronne, délaissée. C’est la responsabilité de la région, et c’est aussi pour cela que je me sens énormément impliqué dans le groupe de travail de Paris métropole. Ces périmètres constituent un sujet très compliqué, dans un calendrier serré. On a  tenu un premier cycle de réunions déconcentrées sur chacun des départements au niveau de la mission de préfiguration. Un autre cycle va commencer. A certains endroits, on va être sur une maille qui s’annonce conforme à l’esprit de la loi Maptam, c’est à dire se situant autour de 300 ou 400 000 habitants. Mais il existe, dans d’autres territoires, la volonté de pouvoir exister par rapport à Paris, dans une forme de rivalité par rapport à Paris, qui est lui-même un territoire déjà constitué dans la loi, de 2 millions d’habitants. Or il me semble qu’il est nécessaire d’obtenir au sein de la future métropole du Grand Paris des territoires présentant une certaine forme d’homogénéité, et permettant de mener véritablement des politiques de proximité. Lorsque le gouvernement a souhaité attribuer un certain nombre de compétences au niveau métropolitain, les élus ont crié au loup, estimant que ce niveau n’était pas pertinent pour gérer des compétences de proximité… Il va falloir qu’à un moment donné, les élus se mettent d’accord sur ce qu’est la bonne maille… Autrement dit, peut–on se permettre d’avoir une métropole à géométrie variable ? Personnellement, je n’y suis pas favorable.

 

1 : l’effort fiscal mesure le rapport entre le produit fiscal et le potentiel fiscal d’un territoire.

2 : Loi pour l’accès au logement et l’urbanisme rénové (Alur)

3 : Schéma de cohérence territoriale

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