La directrice de l’action régionale EDF d’Ile-de-France revient sur la nécessité d’accélérer la sortie des énergies fossiles en soulignant les potentiels de l’Ile-de-France en matière de développement d’énergies renouvelables et de récupération pour une région décarbonée. Hélène Milot tire également le bilan, extrêmement positif, des Jeux de Paris 2024 pour l’énergéticien.
Quel bilan EDF tire-t-il des Jeux olympiques et paralympiques 2024 ?
Nous ressentons une grande fierté. Sur le plan sportif : 16 médailles ont été gagnées par des athlètes de la Team EDF lors des Jeux dont trois médailles d’or. Et sur le plan environnemental ces Jeux ont constitué une première mondiale, dans le sens où les sites de compétition ont été raccordés au réseau électrique par Enedis, évitant le recours à des groupes électrogènes et réduisant d’autant leur empreinte carbone. Cela dans une logique d’héritage, que nous allons pouvoir faire perdurer et qui montre la voie pour le secteur de l’événementiel dans son ensemble. EDF était également partenaire d’un des groupements qui a construit le Village des athlètes. Avec un bouquet de solutions combinant flexibilité, optimisation de la puissance électrique, production bas carbone, performance énergétique et qualité de l’air, nous avons directement contribué à faire les Jeux les plus décarbonés de l’histoire. Rappelons que le bâtiment représente 50 % des émissions de gaz à effet de serre en Ile-de-France : il y a donc un terrain gigantesque pour répliquer ces solutions qui ont fait la preuve de leur efficacité. Enfin, au-delà même d’EDF, il faut saluer la réussite des Jeux, qui est celle de tous les partenaires, de toutes les institutions engagées.
Quelles sont les autres innovations auxquelles vous avez contribué dans le cadre des Jeux ?
Je pourrais également citer la grande ombrière de la gare routière du Village des athlètes à Saint-Denis équipée en toiture d’une solution innovante de production photovoltaïque solaire. Cette structure, qui en plus d’avoir protégé les athlètes des intempéries et de la chaleur au moment où ils attendaient leurs bus, a permis de produire de l’électricité renouvelable pour le lieu d’accueil des délégations d’athlètes (Team processing center). Grace à un nouveau type de panneaux solaires souples produits en France, 16 fois plus légers au m² que des panneaux solaires rigides et quatre fois moins chargés en carbone, nous avons pu atteindre un bon rendement, même avec une faible luminosité.
Ou encore les 800 bornes de recharges pour véhicules électriques installées dans le cadre des Jeux par notre filiale de mobilité électrique Izivia pour assurer l’avitaillement des 1 200 véhicules de la flotte électrique de Paris 2024. Plus de 40 000 recharges y ont été effectuées durant les Jeux de Paris 2024, pour 4 millions de kilomètres effectués ainsi sans émission carbone. Soit près de 500 tonnes de CO2 évitées. Tout cela prouve la pertinence de solutions locales, à la maille des territoires, pour atteindre la neutralité carbone en 2050, passage obligé dans notre combat collectif contre le changement climatique.
Quelle a été la contribution d’EDF à la vasque du jardin des Tuileries ?
J’avais été frappée, lorsque j’avais pris mes fonctions il y a quatre ans, par une intervention de la paléoclimatologue Valérie Masson-Delmotte à l’occasion de la publication d’un rapport du GIEC qui expliquait que 50 % des solutions pour atteindre la neutralité carbone étaient encore dans les tiroirs de la recherche. Cette innovation en est la démonstration parfaite et permet de montrer l’étendue du champ des possibles pour la décarbonation.
En combinant nos savoirs-faire et ceux de nos partenaires, EDF a su créer une flamme 100 % électrique (1), vivante et chaleureuse qui a émerveillé le monde. Cela doit nous inspirer pour accélérer la transition énergétique et la décarbonation des territoires.
Quelles sont vos priorités dans ce domaine ?
Il faut accélérer sur la réduction des émissions fossiles en Ile-de-France. Aujourd’hui, le mix énergétique francilien se compose d’un tiers pour le gaz, un tiers pour le fioul et le pétrole et un tiers pour l’électricité. Le fioul, le pétrole et le gaz représentent 90 % des émissions de gaz à effets de serre. Ces deux dernières années, de gros efforts de sobriété ont été faits et ils portent leurs fruits : nous constatons une baisse de près de 10 % de l’ensemble des consommations énergétiques. Mais la répartition entre les différents vecteurs énergétiques évolue peu. Il faut donc désormais accélérer pour sortir des énergies fossiles, notamment, en Ile-de-France, grâce aux réseaux de chaleur fonctionnant à base de biomasse, de géothermie ou de chaleur fatale.
Quels en sont les voies et moyens ?
Il faut continuer à développer des projets qui permettent de la production d’énergie ou d’électricité décarbonée en Ile-de-France. Mais rappelons-le, la France bénéficie d’un réseau interconnecté. EDF vient de réhausser son objectif de production d’électricité nucléaire pour 2024 de plus de 15 térawattheures : c’est l’équivalent de la production de la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine, aux portes de l’Ile-de-France. C’est donc à peu près comme si l’on avait deux réacteurs nucléaires de plus en production. Cela montre que l’offre d’électricité nucléaire, disponible à tout moment, va être abondante au cours des années à venir, avec des prix très compétitifs. C’est donc le moment de transformer nos usages et d’aller vers l’électricité, notamment en Ile-de-France dans les secteurs du bâtiment et des transports : cela sera synonyme à la fois d’économie d’énergie, de compétitivité, de souveraineté et de baisse considérable des émissions de gaz à effet de serre.
Quelles solutions pour réduire l’empreinte carbone du bâtiment ?
Les solutions pour le bâtiment sont connues. Elles passent par le développement des pompes à chaleur, qui émettent jusqu’à 10 fois moins de CO2 et permettent de réduire sa facture énergétique de 40 à 50 %. L’enjeu en Ile-de-France est également de poursuivre le développement des réseaux de chaleur décarbonés, au travers de la géothermie ou de la récupération de chaleur. En effet, l’Ile de France est une terre d’accueil très attractive pour les data center, fortement producteurs de chaleur fatale.
Et pour la mobilité ?
Je rappellerais les enjeux du covoiturage et tous les leviers comportementaux. Mais cela passe aussi par une sortie rapide du véhicule thermique pour aller vers le véhicule électrique, plus écologique et plus économique : chaque kilomètre parcouru avec un véhicule électrique coute trois fois moins cher qu’avec un véhicule thermique. Le grand défi, qui reste largement devant nous en Ile-de-France, réside dans l’équipement de l’habitat collectif en bornes de recharge. Aujourd’hui, seulement 3 % de ses parkings sont équipés de bornes de recharge. Il faut accélérer. C’est vrai aussi pour les véhicules lourds. Il existe quelques projets de hubs énergétiques de recharge pour les poids lourds, mais là aussi il faut passer à la vitesse supérieure.
Ces solutions doivent-elles s’imaginer à la maille du territoire ?
Pour toutes ces solutions, la bonne échelle est celle du territoire. Ceci afin de développer les productions bas carbone les mieux adaptées aux réalités locales et pour développer des usages qui utilisent l’électricité ou les autres énergies bas carbone. Nous travaillons pour cela avec tous les niveaux de collectivités, l’Etat et les industriels. Il faut s’inspirer, se nourrir les uns les autres. Notre rôle est aussi d’être un peu chef d’orchestre, organisateur, coordinateur, pour trouver les meilleures solutions énergétiques. Nous réalisons dans cet esprit des diagnostics territoriaux allant jusqu’à l’élaboration de feuilles de route de décarbonation avec notre filiale Urbanomy. Nous travaillons aussi beaucoup sur la reconversion de nos sites industriels. Ils constituent un potentiel de développement de projets énergétiques bas carbone. C’est un des enjeux du Schéma directeur de la région Ile-de-France (Sdrif-E) qui vient d’être adopté par la Région. C’est ce que nous faisons par exemple avec l’ensemble des partenaires du projet Bords de Seine durable, autour de l’ancienne centrale de Porcheville, dans les Yvelines. Symbole de notre engagement pris très tôt dans la transition énergétique, ce site qui hébergeait des centrales de production au charbon et au fioul accueillera bientôt une ferme photovoltaïque, développée en collaboration avec la région Ile-de-France. De plus nous étudions l’opportunité d’installer une unité de stockage d’énergie pour apporter de de la flexibilité au système électrique et faciliter l’insertion des énergies intermittentes.
EDF continue-t-il de recruter ?
Nous effectuons 2 000 recrutements en CDI par an en Ile-de-France et presque autant en alternance, du CAP au bac + 8. Un de nos enjeux demeure de faire venir davantage de jeunes, particulièrement des jeunes femmes ainsi que des adultes en reconversion, vers les métiers de l’industrie et les filières techniques. Nous y travaillons depuis des années. La dynamique est bonne mais les résultats ne sont pas encore suffisants.
J’en profite pour dire qu’EDF sera partenaire de Forindustrie en Ile-de-France. Cette opération initiée par le Groupe EDF et l’UIMM en lien avec l’Éducation nationale vise à montrer aux jeunes que l’industrie d’aujourd’hui, ce n’est plus celle d’Émile Zola de la fin du XIXᵉ siècle. Nous y avons développé un monde virtuel, un métavers, qui permet de rencontrer des professionnels et de se projeter dans l’avenir de l’industrie de manière ludique et conviviale. C’est une opération importante de promotion de ces métiers industriels auprès des élèves mais aussi des professeurs, qui se déroulera du 18 novembre au 6 décembre.
Quelle est la vocation du campus Energie durable ?
L’Ile-de-France compte plus de 700 000 étudiants, près de 3 000 établissements d’enseignement du second degré. Le sujet pour nous n’est donc pas tant qu’il n’y aurait pas assez d’établissements de formation. C’est plutôt de disposer de formations ciblées, répondant aux métiers de la transition énergétique, de les faire connaître et de les valoriser. C’est tout le travail qui est fait dans le cadre du campus Énergie durable, placé sous la présidence de l’Université de Paris-Saclay (UPS) dont l’excellence est reconnue mondialement. Ce campus est un endroit unique où l’enseignement supérieur, l’Education nationale et les industriels travaillent de concert pour développer l’offre de formations à ces métiers, dans une logique collective, de filières. Nous accompagnons ainsi les établissements scolaires pour qu’ils soient aussi au niveau en termes de chantier-école, de matériel technique, de matériel pédagogique. Une des particularités de ce campus est qu’il agrège tous les métiers de la transition énergétique : cela permet d’optimiser l’effort collectif et de valoriser auprès des jeunes la grande diversité de ces métiers qui sont d’intérêt général.
[1] Reposant sur la projection simultanée et maitrisée d’un nuage de brume et d’un flux de lumière puissant