G. Boulard : « Le 17e va connaître une révolution des transports »

Le maire (LR) du 17e détaille les projets d’aménagement et de mobilité de son arrondissement, décrit les compétences qu’il souhaite voir décentraliser par la mairie centrale aux arrondissements et livre sa vision du Grand Paris.

Pourquoi estimez-vous que l’arrivée de la ligne 14 à Pont-Cardinet constitue le début d’une révolution des transports ?

Le rôle de la mairie du 17e est d’accompagner la révolution des transports à venir. Valérie Pécresse vient d’inaugurer le nouveau matériel roulant de la ligne 14. A compter du 14 décembre prochain, cette dernière s’arrêtera à Pont Cardinet puis sera prolongée jusqu’à Saint-Ouen. C’est en effet une petite révolution. C’est la naissance du Grand Paris express, même si la RATP conduit les travaux. C’est donc une étape très importante. L’arrêt de la ligne 14 à Pont-Cardinet a été défendu à l’époque par Brigitte Kuster – à laquelle j’ai succédé à la mairie du 17e – auprès de Christian Blanc, alors secrétaire d’Etat au Grand Paris. Cette nouvelle station va ainsi desservir le nouveau quartier Martin Luther King et les Batignolles, ainsi que le secteur Péreire Saussure, qui est actuellement mal desservi. La station de la porte de Clichy ouvrira quant à elle fin janvier. Le nouveau plan des bus va également être mis en œuvre, avec la révision de certaines liaisons, notamment la desserte de la mairie.

Geoffroy Boulard. © Jgp

Pourquoi estimez-vous que le nouveau quartier Martin Luther King n’est que partiellement réussi ?

C’est une réussite esthétique, extérieure. Mais notre enjeu, en tant que mairie d’arrondissement, est de faire vivre ce quartier, qui présente tout de même certains défauts. Parmi les réussites figure le parc Martin Luther King, qui s’étend sur 10 ha et sera achevé l’an prochain. Il fournit un indéniable poumon vert au quartier. Mais il n’est pas évident de relier les différents îlots créés autour de ce parc pour constituer un véritable quartier. J’ai créé un conseil de quartier dédié pour contribuer à créer une cohésion sociale, associative, événementielle. C’est un véritable enjeu. Le quartier, aménagé par Paris & métropole aménagement, d’une façon un peu trop verticale et centralisée, concentre 55 % de logements sociaux. Mais la rue Rostropovitch ne compte aucune piste cyclable. C’est totalement anachronique. Les parkings pour deux roues sont insuffisants. Tout cela provient notamment du fait que nous n’avons pas été associés au processus d’aménagement.

Les commerces en pieds d’immeubles parviennent-ils à se développer ?

Nombre d’entre eux rencontrent des difficultés. Plusieurs restaurants, adaptés aux salariés des bureaux mais pas aux habitants, s’y sont installés. Certains avaient donc déjà dû fermer leurs portes avant même le Covid-19 en raison de loyers élevés. Pour compléter l’offre de commerces de proximité, nous venons d’inaugurer un magasin de producteurs dans ce nouveau quartier Martin Luther King, proposant les produits d’agriculteurs locaux en circuits courts, que j’ai accompagné. C’est le début, espérons-le, d’une appropriation par les habitants.

Où en est le secteur de la Porte de Clichy, en face du nouveau Palais de justice ?

La ligne 14 s’y arrêtera fin janvier. Ce sera un soulagement pour les fonctionnaires de la DRPJ, du tribunal et pour les avocats, sans oublier les visiteurs. Stream Building, un immeuble tertiaire, ainsi qu’un immeuble de logements, le long de la Cité scolaire Balzac, puis la requalification de l’avenue de la Porte de Clichy achèveront la ZAC Clichy-Batignolles. Soit encore deux ans de travaux.

Avez-vous également des développements prévus liés au projet de tramway ?

Le tramway T3 va en effet être prolongé jusqu’à la Porte Maillot, à l’horizon mi 2023, après l’arrivée d’Eole Porte Maillot, dont on vient d’apprendre qu’il aura plusieurs mois de retard, compte tenu du Covid 19. Le chantier reliera in fine les portes d’Asnières et Dauphine. Il s’agit également d’une révolution pour ces quartiers, qui va requalifier les bordures du périphérique. Nous souhaitons par ailleurs profiter de ce prolongement pour végétaliser le linéaire du tramway et pour sécuriser les traversées piétonnes. Chacun a tiré les leçons du prolongement nord du tramway, pour lequel nous avons eu beaucoup à redire. Mais le rôle de la mairie d’arrondissement consiste, en l’occurrence, à accompagner, coordonner et informer les riverains, notamment les commerçants, autour du palais des congrès de la Porte Maillot. Les hôtels souffrent énormément avec plusieurs centaines de licenciements, faute de touristes.

Geoffroy Boulard, avec Brigitte Kuster. © Jgp

Quel regard portez-vous sur la transformation de la Porte Maillot ?

Le Bois de Boulogne va pénétrer Porte Maillot, se substituant au rond-point. Cela reconstitue l’axe majeur du Louvre à l’Arche de la Défense, sachant que le maire de Neuilly, Jean-Christophe Fromantin, réaménage les allées de sa commune. Nous allons végétaliser provisoirement le parvis du Palais des congrès pour les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. Aussi je souhaite mettre sur pied un comité de réflexion sur l’avenir de l’avenue de la Grande-armée, que la mairie de Paris a complètement oubliée. Plusieurs acteurs, architectes, entreprises importantes de l’avenue, ont témoigné leur vif intérêt pour cette démarche. Nous souhaitons également avancer rapidement sur la requalification du tunnel de l’Etoile.

Quel regard portez-vous sur le projet que porte BNP Paribas real estate dans le cadre d’Inventons la métropole du Grand Paris ?

« 17 & Co » est un beau projet, dessiné par les architectes Hardel & Le Bihan, qui va permettre de requalifier la Porte de Saint-Ouen, en lien avec la métropole du Grand Paris, la ville de Paris et la mairie de Saint-Ouen. Il va introduire des activités tertiaires dans ce quartier qui en compte peu. Nous allons entrer en phase de concertation avec les habitants. Il existe notamment un enjeu d’emploi local, afin que les habitants du quartier y trouvent toute leur place. Nous allons déplacer la station-service Total, qui va se transformer en station d’énergie verte.

Constatez-vous une augmentation de la violence ?

Oui, dans certains quartiers, avec des agressions à l’arme blanche, des rixes entre bandes du 18e, du 17e, parfois de Levallois-Perret ou de Saint-Ouen. C’est indéniable. Nous demandons régulièrement à la mairie centrale d’augmenter le nombre de caméras de vidéosurveillance et de doter nos quartiers d’une véritable police municipale armée, complémentaire de la police nationale. Nous demandons également plus de présence policière, notamment la nuit, car c’est là que l’essentiel des problèmes se posent. Depuis le début des confinements, nous constatons également une recrudescence des vols avec violence, dans l’ensemble du 17e et singulièrement sur sa frange périphérique.

Menez-vous des actions de prévention ?

Nous avons accompagné l’ouverture de nouveaux centres sociaux, par exemple sur la Porte Pouchet, où les jeunes auront une place plus centrale. Nous avons constaté qu’ils étaient parfois quasiment exclus des programmes menés dans ces centres. Nous mettons la jeunesse au cœur des politiques dans les quartiers prioritaires avec des éducateurs de rue focalisés sur l’insertion, à travers l’organisation de chantiers socio-éducatifs de qualité.

Et en faveur de l’emploi ?

Nous organisons des job-dating et avons accompagné l’arrivée d’une structure de soutien à la création d’entreprise, Positive Planet, qui s’appuie sur les exemples de jeunes de ces quartiers qui ont réussi. Nous souhaitons intégrer certains quartiers du 17e au sein du dispositif « Zéro chômeur de longue durée ». Il y en a trois aujourd’hui à Paris, dans le 13e, le 18e et le 19e. C’est une expérimentation qui permet de travailler avec les chômeurs de longue durée, pour les aider à créer leur propre activité sur des besoins non satisfaits. Il existe un projet de développement de cette initiative qui a fait ses preuves à l’échelle métropolitaine.

Nous venons, par ailleurs, de nous associer à une plateforme nommée Recrute.com, pour permettre aux entreprises du 17e de déposer des offres à des tarifs réduits et aux habitants de l’arrondissement d’en bénéficier. Nous essayons donc d’agir sur des compétences qui ne sont pas forcément les nôtres de prime abord.

Comment intervenez-vous Porte de Champerret ?

Nous comptons y mener une vraie réflexion pour requalifier cette porte qui relie le 17e à l’ouest de la métropole, tant à proximité de l’Espace Champerret qu’en direction du secteur du boulevard de Reims pour relier le quartier Pitet-Curnonsky au reste de l’arrondissement

De quels pouvoirs revendiquez-vous la décentralisation aux mairies d’arrondissement ?

La maire de Paris a retrouvé nos coordonnées à la faveur de la pandémie. Nous avons constaté une défaillance de la mairie centrale au démarrage de la crise sanitaire. Les mairies d’arrondissement se sont mises en ordre de marche pour distribuer des masques et proposer des tests. Je souhaite que l’on nous confie davantage de compétences dans le domaine de la propreté, alors que Colombe Brossel, l’adjointe en charge de ces questions, multiplie les effets d’annonces à ce sujet. Nous en sommes au 5e plan propreté. Mais la vraie solution serait de donner des moyens RH, des agents et des matériels, notamment pour avoir autorité sur les équipes de propreté dans chaque arrondissement.

Le nouveau quartier des Batignolles. © Jgp

Pourquoi ?

Parce que nous, maires d’arrondissement, possédons une connaissance fine des quartiers qui sont chroniquement sales. Cela ne peut pas être le rôle d’un fonctionnaire bureaucrate de la mairie centrale, qui préférera toujours les reportings aux visites du terrain. Nous demandons donc le transfert total des compétences de propreté – avec les moyens – aux mairies d’arrondissement, mais constatons que nous n’en prenons hélas pas le chemin. Ce que souhaite Emmanuel Grégoire, visiblement, ne consiste pas à donner plus de pouvoir aux maires d’arrondissement mais aux mairies d’arrondissement sur un plan administratif. Cela risque de renforcer la bureaucratie. Ce n’est pas ce que demandent les Parisiens.

Souhaitez-vous également plus de compétences en matière de sécurité ?

Nous demandons que cette compétence soit partagée davantage avec nous. Nous ne souhaitons pas la création de polices d’arrondissements qui n’auraient aucun sens. Nous demandons la création d’une véritable police municipale, aux décisions de laquelle les maires d’arrondissement seraient associés. Nous demandons également d’être associés à la préfecture de police pour la définition d’un véritable plan de vidéo-protection et d’accès aux fichiers de la police nationale. Cette police municipale doit être armée, avec des commissariats d’arrondissement, pour que la population puisse rencontrer ses agents. Là non plus, nous n’en prenons pas le chemin.

Et en matière de logement ?

Nous avons progressivement perdu le pouvoir d’attribution directe des logements sociaux. Si l’on veut privilégier les salariés et agents de la première ligne, salués durant le premier confinement, je pense par exemple aux infirmières, il faut le traduire en actes, en leur réservant une part des logements sociaux. Les maires d’arrondissement doivent donc bénéficier d’un droit d’attribution de logements sociaux en direction des agents du service public, qu’ils soient fonctionnaires à la ville, personnels médicaux, de crèches, etc.

Comment appréciez-vous le projet de révision du plan local d’urbanisme de Paris ?

La révision du PLU, qui représente un cycle de trois ans, est sans doute une nécessité, mais exige davantage de cohérence. Je constate, dans le 17e, des projets de création d’immeubles de logements en cœur d’îlot, au 230 de la rue de Courcelles pour ne citer qu’un exemple, qui aboutira à ce que l’on abatte des arbres et que l’on artificialise de la pleine terre. Ian Brossat, l’adjoint au logement d’Anne Hidalgo, n’a pas souhaité le modifier et je le regrette. L’opposition parisienne n’est pas pour la densification. Bien au contraire.

Quel regard portez-vous sur l’actualité du Grand Paris ?

J’ai défendu la candidature de Patrick Ollier. J’ai notamment rappelé, dans ce cadre, en amont de la primaire qui l’a opposé à Vincent Jeanbrun, tout ce qu’un maire d’arrondissement comme moi a obtenu de la métropole du Grand Paris. Patrick Ollier est sorti renforcé de son élection. Il était, plus que jamais, l’homme de la situation, par sa capacité à fédérer. C’est lui qui porte la Métropole aujourd’hui, une métropole des maires. Avec des limites liées à la loi qui est mal faite à ce sujet. Patrick Ollier se bat justement pour que la MGP obtienne de nouvelles compétences à travers la loi 3D, qui pourrait en être l’occasion.

La Métropole a fait ses preuves. Les métropoles doivent être en capacité d’être des bras armés de l’Etat pour déployer les plans de relance. Sinon, les milliards annoncés ne seront pas dépensés. La Métropole est par ailleurs légitime pour exercer la compétence d’autorité organisatrice des mobilités de second rang, notamment sur le fluvial, où personne n’a avancé au cours des dernières décennies.

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